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La République démocratique du Congo : un géant à l'Etat défaillant

Située au cœur de l’Afrique centrale, la République démocratique du Congo est victime de crises de tous ordres : situation politique instable, Etat quasi absent, infrastructures sous-dimensionnées au regard de sa taille, conflits intérieurs, est du pays livré aux bandes armées… Sans compter le retour d’Ebola. Présentation du pays en quatre points.

Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
Des partisans du candidat à la présidentielle, Martin Fayulu, à Kinshasa, devant la statue de Patrice Lumumba, premier leader de la République démocratique du Congo, le 21 novembre 2018. (JOHN WESSELS / AFP)

Après 17 ans au pouvoir, le chef de l'Etat Joseph Kabila a été obligé de concéder des élections (qui devraient finalement avoir lieu le 30 décembre 2018). Le vainqueur de la présidentielle aura à gérer un pays immense qui est aussi, pour ses habitants, l’un des plus pauvres d’Afrique.

Géographie : deuxième pays d’Afrique par sa superficie

Deuxième Etat le plus grand d’Afrique après l’Algérie, la RDC a une superficie de 2,3 millions de km², soit 80 fois la Belgique, son ancienne puissance coloniale.

Située en plein cœur de l’Afrique centrale, à hauteur de l’équateur, elle s’étend de l’océan Atlantique (sur lequel la RDC possède une petite ouverture, à l’embouchure du fleuve Congo qui structure le pays sur plus de 4000 km) aux pays d’Afrique de l’Est sur les grands lacs.

A l'est, la frontière suit celle de ces grands lacs sur une longueur de 1400 km dans une direction nord-sud. La forêt occupe une immense partie de la superficie du pays et est encore relativement peu exploitée.

La RDC est un pays enclavé (à l'exception de sa petite ouverture sur la mer). Elle possède une frontière avec neuf pays (Congo, République Centrafricaine, Soudan du Sud, Ouganda, Rwanda, Burundi, Tanzanie, Zambie et Angola).

Le pays compte plus de 80 millions d'habitants, le plus grand nombre de francophones après la France.

Histoire : un pays marqué par la colonisation belge

L’histoire du Congo est celle d’un pays trop grand, trop riche, trop convoité. Les royaumes installés dans la région ont eu leurs premiers contacts avec les Européens au XVe siècle à l'ouest. Tandis qu'à l'est, des routes commerciales utilisées pour le commerce des esclaves permettaient de se rendre jusqu'à l'océan Indien.

Dans les pas de l'explorateur Henri Stanley, la région est confiée au roi des Belges lors de la conférence de Berlin en 1885. Léopold II crée l'Etat indépendant du Congo et se lance dans une exploitation sanglante (on a parlé d’"holocauste oublié") de ses ressources. "C’est dans l’Etat indépendant du Congo, futur Congo belge, que les méthodes de conquête ont atteint un degré de brutalité, qui en fait une sorte de modèle dans l’histoire des colonisations du XIXe et du XXe siècle", écrit Elikia M’Bokolo dans Le Livre noir du colonialisme.

Devenue colonie effective en 1908, le pays accède à l'indépendance en 1960, dans des conditions difficiles. La décolonisation est précipitée, débouchant sur une crise durable et sanglante dans un climat rendu encore plus instable par la Guerre froide. La transition est marquée par la sécession de la riche région minière du Katanga, les interventions étrangères et l'assassinat du leader du pays, le nationaliste Patrice Lumumba en 1961, qui permet à Joseph Mobutu de s'emparer du pouvoir.

L’ex-militaire installe un régime autoritaire à base de nationalisme (il change le nom de la capitale de Stanleyville en Kinshasa), de culte de la personnalité, d’anti-occidentalisme (zaïrisation et abacost). Après quelques années de modernisation, le pays s'enfonce dans la crise.

Le régime Mobutu s'effondre en 1997, emporté par les suites du conflit rwandais qui amène Laurent-Désiré Kabila au pouvoir. Ce dernier change le nom de Zaïre, cher à Mobutu, en République démocratique du Congo.

Politique : Kabila obligé de lâcher le pouvoir

Le 26 janvier 2001, Joseph Kabila est porté au pouvoir, après l'assassinat de son père, Laurent-Désiré Kabila. Il "hérite" d'un pays déchiré depuis août 1998 par une guerre régionale impliquant de multiples groupes armés et plusieurs pays africains. En 2006, Joseph Kabila est élu président, battant l'ex-chef de guerre Jean-Pierre Bemba aux premières élections libres depuis l'indépendance en 1960.

Le 28 novembre 2011, Kabila est réélu lors d'élections marquées par des violences et entachées d'irrégularités. L'opposant Etienne Tshisekedi rejette les résultats.

A 47 ans, Joseph Kabila a été contraint de renoncer à un troisième mandat de cinq ans, interdit par l'actuelle Constitution, après 17 ans aux affaires. Le pays est en crise, une partie de son territoire est soumise aux violences de groupes armés, tandis que d'autres régions connaissent des conflits qui ont forcé de très nombreux habitants à se déplacer dans des camps de réfugiés.

Economie: un pays totalement dépendant du cours des matières premières

Cuivre, cobalt, coltan, fer, uranium, pétrole... "En 2015, le secteur extractif représentait 97,5% des recettes d’exportation, 24,7% des recettes courantes de l’Etat et 20,9% du PIB", écrit la Banque Africaine de Développement (BAD) à propos de l'économie de la RDC. C'est peu dire que le pays est dépendant de ce secteur... et des variations de cours fixés loin de Kinshasa.

Souvent qualifiée de "scandale géologique" tant son sous-sol est riche, la RDC possède en effet de nombreuses matières premières. Pourtant, "son économie est le reflet du phénomène de 'syndrome des matières premières' : celui d’un faible développement de son économie et d’une pauvreté persistante en dépit de l’exploitation de ses richesses naturelles", note le Ministère de l'économie et des finances français à propos de la RDC. Un pays qui est le 7e plus pauvre de la planète.

"Depuis les années 70 jusqu’à ce jour, l’industrie extractive est le principal secteur porteur de croissance économique en RDC", confirme le FMI. Si aujourd’hui la situation du pays s’est quelque peu améliorée, c'est lié au fait que le prix des matières premières est remonté. "Entre janvier 2016 et janvier 2018, le prix du cuivre a augmenté de plus de 57,9%. Celui du cobalt a augmenté de plus de 330% pendant la même période", explique le FMI

Outre ses richesses minières, le Congo Kinshasa possède de nombreux autres atouts. Il dispose de capacités hydroélectriques uniques, mais actuellement mal exploitées. Résultat : seulement 9% de la population ont accès à l’électricité. 

Les autres secteurs industriels sont en crise du fait de la demande très faible et de finances publiques mal gérées.

De son côté, la production agricole (premier secteur économique du pays), qui occupe 66% de la population, a subi les conséquences des multiples crises qui secouent le pays. Alors que le pays était fortement exportateur dans les années 60, la RDC connaît aujourd’hui des difficultés en matière d’alimentation. 

"La situation politique difficilement prévisible (...) comporte des risques majeurs pour la cohésion nationale et la paix sociale, et donc pour les perspectives économiques de 2018 et 2019. La sécurité reste préoccupante dans l’est et le centre du pays, et l’activité économique pourrait y être compromise si les violences persistaient, voire s’aggravaient. Par ailleurs, la détérioration du pouvoir d’achat des ménages, causée par la hausse des prix des produits de première nécessité et la dépréciation du franc congolais, risquent d’alimenter une crise sociale latente", conclut la BAD. Le futur président de la RDC sait à quoi s'attendre.

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