Afrique de l’Ouest: après le virus Ebola, la menace de la rougeole
A Monrovia, la capitale du Liberia, les premiers cas de rougeole sont apparus dans le bidonville de Peace Island fin mars 2015. Sur place, les agents de vaccination exhortent régulièrement par haut-parleur les mères de famille de cette zone entourée de marécages à leur amener leurs enfants, premières victimes de la maladie.
«La rougeole est devenue une grave menace», explique Denis Besdevant, responsable de la vaccination à Médecins sans frontières (MSF), «c'est pourquoi nous avons décidé de lancer cette campagne». Dans un premier temps, MSF vise un objectif de vaccination de 700 enfants de neuf mois à cinq ans. Mais les mères de famille au Liberia, comme dans les pays voisins, ne font guère confiance à la médecine occidentale. «Ce n'est pas facile. Beaucoup de gens disent que le gouvernement essaie de ramener Ebola», reconnaît de son côté Alfred Godfrey, de MSF. «Nous prenons le temps de leur expliquer que la maladie qui tue les enfants, après Ebola, est la rougeole». Pas le vaccin.
Il y a urgence. Une note de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) précise que «toute interruption des services de vaccination, même sur de courtes périodes, entraîne une augmentation du nombre de sujets sensibles et augmente la probabilité de flambées de maladies qui sont évitables grâce à la vaccination». Or, depuis un an, la lutte contre Ebola a surchargé les hôpitaux avec comme conséquence l'effondrement des vaccinations contre les maladies infantiles, en particulier la rougeole. Cette maladie fortement contagieuse demeure la principale cause de mortalité chez les bébés et les enfants non protégés. Elle peut entraîner des complications comme la pneumonie, le gonflement du cerveau, une perte d'audition et même la cécité.
Au Liberia, en Guinée et en Sierra Leone, le taux de vaccination - en moyenne de 60 à 80% des enfants - s'est littéralement effondré à cause d'Ebola. Selon les scientifiques, la couverture vaccinale optimale doit atteindre 95% de la population concernée. On est loin du compte. Au total, ce sont donc 100.000 enfants supplémentaires qui pourraient attraper la rougeole au seul Liberia, en plus des 127.000 escomptés auparavant, faute de vaccination, avec une surmortalité accrue par rapport aux périodes «normales».
Ces prévisions sont d'autant plus préoccupantes que la perspective d'en finir totalement avec le virus Ebola d'ici à la mi-avril a été assombrie par la découverte d'un nouveau cas le 20 mars. «Une femme a été testée positive au virus Ebola. C'est un nouveau cas après plus de 27 jours sans en enregistrer un seul», avait déclaré ce jour-là le porte-parole du gouvernement, Lewis Brown, reconnaissant un «revers». Depuis, les autorités ont précisé qu'il s'agit d'un «cas isolé», et que «la patiente répond bien au traitement». Elles restent néanmoins sur leurs gardes.
L'épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest, la plus grave depuis l'identification du virus en Afrique centrale en 1976, est partie en décembre 2013 du sud de la Guinée avant de se propager au Liberia et à la Sierra Leone. Selon le dernier bilan de l'OMS arrêté au 22 mars, nettement sous-évalué de l'aveu même de l'Organisation, elle a fait plus de 10.300 morts identifiés pour quelque 25.000 cas, à plus de 99% dans ces trois pays.
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