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Afrique du Sud: Kwezi, super-héros de BD, entre hip hop et tradition

Kwezi, vous connaissez? Le mot signifie «étoile» dans les langues xhosa et zouloue. Kwezi, c’est aussi un super-héros, genre Batman ou Superman. Sauf que c’est un super-héros d’aujourd’hui, typiquement sud-africain, qui partage les préoccupations des jeunes de son pays. Rencontre avec Loyiso Mkize, le créateur du personnage.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min

«Quand j’étais enfant et ado, j’étais passionné par les aventures des super-héros américains comme Batman ou Superman. Mais en Afrique du Sud, nous ne trouvions pas de personnage du même genre qui soit proprement sud-africain et auquel nous pouvions nous identifier», raconte Loyiso Mkize, rencontré au Salon du Livre à Paris le 19 mars 2018, le jour de son 31e anniversaire.

Dès l’âge de 16 ans, Loyiso a eu l’idée d’un tel héros. Il commence par faire des études de graphisme au Cap. Il peint des portraits et travaille comme illustrateur pour le mensuel Supa Strikas. En 2014, il décide de lancer son personnage Kwezi, d’abord à son compte. Avant d’être édité, à partir de 2016, par David Philip Publishers.  


Kwezi a 19 ans. Il vit à Gold City, une ville qui ressemble à Johannesburg, la plus grande ville d’Afrique du Sud. C’est un ado de là-bas comme les autres, qui porte un tee-shirt représentant l'Afrique, grand amateur de selfies et des réseaux sociaux. Il parle la langue de la rue, plaisante avec ses copains. Il adore la mode et les filles. Mais un jour, il découvre qu’il possède des pouvoirs hors du commun. Il n’est donc pas tout à fait comme les autres. Il lui faut désormais accepter la responsabilité sociale que ces pouvoirs impliquent. Pour notamment protéger ses semblables.


«Le personnage a tout de suite trouvé son public parce qu’il n’en existait pas de semblable en Afrique du Sud. Il a un caractère qui plaît aux jeunes», analyse le dessinateur-scénariste. En clair, les lecteurs se sont identifiés à lui. Loyiso s’est efforcé d’être le plus réaliste possible. Il a notamment pris comme modèle son… cousin, qui allait alors encore au lycée: «Il était cool, branché, comme les ados de son âge, qui ont développé leur propre culture, la culture urbaine contemporaine. J’ai observé ces jeunes. J’ai écouté leurs conversations. J’ai aussi demandé à mon cousin ce qu’il ferait s’il était doté de super-pouvoirs!»


Hip-hop et traditions
L’auteur ne se contente pas d’évoquer la culture urbaine et occidentale de l’Afrique du Sud. «Je ne voulais pas oublier de montrer également les aspects ruraux de notre société, qui sont encore très forts. Je souhaitais parler de toutes les cultures du pays: zouloue, sesotho… Il s’agit de ne pas les perdre. Les compagnons de Kwezi le ramènent à cette réalité. Lui-même retourne régulièrement dans son village pour parler aux ancêtres. Les thèmes urbains et ruraux sont donc très mélangés. C’est un mélange très subtil. Comme chez mon cousin: il évolue dans une culture hip-hop, tout en respectant sa culture traditionnelle.» Les différents personnages de la BD peuvent donc porter aussi bien des habits du quotidien urbain que des costumes traditionnels.


Même si son auteur réfute une approche politique, la thématique de Kwezi est donc tout sauf anodine dans une Afrique post-apartheid qui se cherche une identité. «Cela donne une image positive de nous-mêmes. (…) Nous sommes en train de nous redessiner, de nous redéfinir, de nous réinventer au travers de ces peintures, de ces BD. Notre rôle, à nous les jeunes Sud-Africains, c’est de réécrire notre propre identité. (…) C’est de trouver exactement ce qui fait de nous (…) un peuple si formidable», expliquait-il en 2016 à la BBC, la télévision publique britannique. Le super-héros s’aventure ainsi hors des frontières de l’Afrique du Sud. Mais aussi du monde anglophone. Au Salon du livre, Loyiso Mkize a ainsi eu des contacts avec un éditeur français. Affaire à suivre.


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