BackUp, l'outil digital intraçable pour signaler les violences sexuelles liées aux conflits armés
BackUp permet, entre autres, aux victimes de violences sexuelles de dénoncer ces agissements utilisés comme armes de guerre.
C'est une ONG qui annonce la couleur dès son nom – "We are NOT Weapons of War" (WWoW), comprendre "Nous ne sommes pas des armes de guerre" – et dont les objectifs sont multiples et complémentaires. L'idée est de récolter un maximum d'informations sur les violences sexuelles et autres exactions commises en temps de conflits (à la différence du droit commun) et de répondre à ces problématiques. Pour cela, l'ONG a développé l’outil digital BackUp. Léa-Rose Stoian, directrice des opérations chez WWoW, l'a présenté à franceinfo Afrique.
BackUp, un recueil d'informations
BackUp se présente sous la forme d'un lien contenant un questionnaire simple mais exhaustif que la victime doit remplir, ou un particulier, un journaliste, voire une ONG qui le fait pour elle avec son consentement. Tous les éléments pertinents y sont inscrits et dès que la déclaration est terminée, toute donnée disparaît de l'appareil utilisé. Toute autre personne détenant des informations relatives à des crimes peut aussi les transmettre en toute sécurité. Une version entièrement en pictogramme est en cours de réalisation pour les personnes ne sachant pas lire.
Ces données sont récupérées par l'ONG dans un back office (base de données utilisée comme outil d’analyse) ultra sécurisé qui va répertorier tous les éléments, noms des agresseurs, lieux permettant de cartographier les zones de commission des faits. BackUp utilise des technologies particulières permettant d’analyser les données récoltées et de rendre ces informations inaltérables.
Des preuves peuvent être rajoutées ultérieurement dans le back office, mais les informations initiales ne sont jamais modifiées. Ce système de protection des informations peut leur conférer une valeur juridique qui pourra être légalement utilisée ou être utilisable dans le cadre de procédures judiciaires. Il est possible par la suite de procéder à des tris de données, par auteur des faits, par lieu, etc., mais aussi à des compilations de faits.
BackUp a donc trois objectifs principaux.
Comprendre les violences sexuelles liées aux conflits
La collecte d’informations permet de comprendre le phénomène des violences sexuelles liées aux conflits armés et dans quel contexte il opère, pour en décortiquer les ressorts afin, à terme, d'arriver à déterminer qui sont les cibles potentielles, mais aussi les auteurs et quelles en sont les conséquences. Cette compréhension permet de prédire, anticiper et prévenir la réitération des faits.
Analyser et récolter des informations sur le crime
A ce jour, il n’existe pas de données viables et sourcées sur les violences sexuelles liées aux conflits armés. C’est ce que permet la base de données créée par WWoW avec les populations concernées. Elle va pouvoir prédire les événements à venir, pour en prévenir la répétition et la propagation. Pour cela, il faut recueillir un maximum d'éléments caractérisant les crimes perpétrés, en repérant les modus operandi récurrents, en déterminant des lieux de commission des crimes. Autant de signatures propres à des groupes armés, et de faisceaux permettant de cibler tant les auteurs que les victimes.
Prendre en charge les victimes
Les victimes peuvent se signaler individuellement ou l'ont été par une tierce personne. Les données relatives à chaque personne sont rentrées et anonymisées. Pour assurer leur prise en charge dans chaque pays, WWoW constitue en amont un réseau composé d’associations locales et d’institutions publiques, quand cela est possible, avec qui WWoW est en contact direct et permanent. Ces ONG locales pourront se rendre auprès de la victime et la prendre en charge médicalement, psychologiquement, judiciairement si elle le demande.
"A terme, on vise une appropriation et une adaptation locale de BackUp, là où il y en a besoin."
Léa-Rose Stoian, directrice des opérations chez WWoWà franceinfo Afrique
Un outil adaptable à l'infini
La souplesse et la simplicité de BackUp en font un outil modulable et adaptable aux besoins spécifiques de chaque situation. Il peut être ainsi utilisé pour signaler tous types de violences, même si ce n'est pas du tout son but initial. Une version destinée à la police en Guinée Conakry est en cours de développement pour être utilisée comme outil de travail lors des dépôts de plainte.
Les possibilités de développement sont infinies, que ce soit avec des développeurs dédiés ou en faisant appel à l'intelligence artificielle (la machine apprend et se perfectionne elle-même), une méthode qui prend plus de temps. Pour l'instant, et afin de ne pas perdre de vue son objectif initial, BackUp va être déployé d'abord dans des zones de conflit afin de venir à bout d'un tabou : dénoncer et poursuivre les violences sexuelles utilisées comme arme de guerre.
BackUp est désormais en phase de test avant d'être officiellement lancé en octobre 2021.
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