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Bujumbura-Paris: les ânes de la discorde

«Insulte à la nation». Au Burundi, la polémique bat son plein autour de dix ânes offerts par la France à des villageois de la province de Gitega (est de Bujumbura). Le don a été effectué via une ONG locale pour aider femmes et enfants à transporter denrées, bois de chauffe et eau. Le ministre burundais de l'Agriculture a fini par ordonner la mise en quarantaine des animaux, achetés en Tanzanie.
Article rédigé par Véronique le Jeune
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Des proches du pouvoir burundais rappellent que l'âne n'est pas indigène du Burundi. (MUJAHID SAFODIEN / AFP)

Ces derniers jours, dans l'entourage du pouvoir du président Nkurunziza, élevé au rang de «guide suprême éternel» par son parti, des voix se sont violemment élevées contre la mise à disposition, financée par l'ambassade de France à Bujumbura, d'une dizaine d'ânes aux habitants d'un village du centre du pays.

Accusant le projet d'«insulte à la nation», les détracteurs rappellent que non seulement l'âne n'est pas un animal indigène du Burundi, mais que de surcroît, dans la langue française, il symbolise l'ignorance et la bêtise.


Les bêtes de somme envoyées en quarantaine
Le 27 mai 2018, invoquant des problèmes administratifs, le ministre de l'Agriculture Déo Guide Rurema a demandé à un administrateur local de «faciliter le retrait immédiat de tous les ânes qui ont été distribués (...) sans respecter les procédures techniques de distribution d'animaux exotiques», et exigé qu'ils soient acheminés dans un centre de quarantaine.

Quatre jours auparavant, lors de l'inauguration du projet, l'ambassadeur de France au Burundi Laurent Delahousse, s'était réjoui sur Twitter de «l'introduction de la Land Cruiser du règne animal au Burundi».
 

Plus tard, en réponse à la levée de boucliers venue du sommet, l'ambassadeur avait assuré sur Twitter qu'à sa «connaissance, toutes les procédures ont été respectées» et que ses services n'avaient fait que financer le projet d'une ONG burundaise.

Le coup de pied de l'âne «burundais» à la France
«L'ambassade de France est en train de payer le récent communiqué sur le référendum au Burundi et la visite de Kagame en France, notamment», a analysé un diplomate européen, sous couvert d'anonymat.

Référence aux critiques émises par la France contre le référendum controversé du 17 mai 2018, qui a vu l'approbation d'une réforme constitutionnelle laissant la possibilité au président Pierre Nkurunziza de rester en poste jusqu'en 2034.
Référence aussi à la récente visite en France de Paul Kagame, président du Rwanda voisin, qui entretient des relations tendues avec le Burundi.

Au bout du compte, des villageaois pénalisés
«Cette politisation à outrance d'un simple micro-projet est une catastrophe pour les paysans qui allaient en bénéficier, et pour l'ONG qui a initié ce projet et qui visait à terme l'introduction d'un millier de bêtes dans la région», a regretté le diplomate européen.

Sur les réseaux sociaux, des Burundais stigmatisent cette histoire «pathétique». Certains ironisent.
 

Un projet similaire dans la province de Ruyigi (est), financé, lui, par la coopération belge depuis plus d'une année, n'a jusqu'à présent rencontré aucun problème.

Un pays en mauvaise posture politique et économique
Le Burundi est plongé dans une grave crise politique depuis l'annonce de la candidature controversée de M. Nkurunziza à un troisième mandat, en avril 2015. Le régime burundais est accusé de graves violations des droits de l'Homme et est de plus en plus isolé sur la scène internationale.

De plus, l’économie burundaise restera en récession en 2018, avec un taux de croissance négatif de -0,3 % contre -1,3% l’année dernière, selon le rapport de la BAD, édition 2018.

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