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Coronavirus au Nigeria : les autorités utilisent la crise sanitaire pour tenter de fermer les écoles coraniques

Entre 1,5 million et 3 millions d'enfants sont scolarisés dans ces centres islamiques informels dans le seul Etat de Kano, le plus peuplé du nord du pays.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Un élève d'une école coranique regarde par une fenêtre tandis que d’autres jouent dans la cour à Kaduna, au Nigeria, le 21 janvier 2015. (FLORIAN PLAUCHEUR / AFP)

Depuis des années, la volonté des autorités du nord du Nigeria de fermer les madrassas se heurte aux traditions et au poids des religieux. Mais après la fermeture des écoles pour cause de coronavirus, 19 Etats ont annoncé que ces établissements coraniques ne rouvriraient pas.

Nous voulons interdire ce système. Nous souhaitons que chaque enfant soit auprès de ses parents

Nasir Ahmad El-Rufai, gouverneur de l'Etat de Kano

à l'AFP

Les Nations unies estiment que 1,5 million d'enfants sont scolarisés dans ces centres islamiques informels dans le seul Etat de Kano, le plus peuplé du nord du Nigeria, avec 14 millions d'habitants. Mais les chefs traditionnels estiment qu'ils pourraient être près de 3 millions d'enfants condamnés à la mendicité pour survivre. Ils sont des dizaines de millions d'autres à travers tout le Nord musulman.

Conditions extrêmes

La scolarité dans ces établissements est gratuite, mais les enfants, envoyés par leurs parents à partir de six ans, doivent se débrouiller pour se nourrir, s'habiller, et dorment à même le sol, sur les nattes de prière, dans des conditions extrêmement précaires et insalubres. Les écoles coraniques ne sont soumises à aucune surveillance des autorités et, en 2019, la découverte de certains centres de "redressement" pour enfants ou jeunes toxicomanes, ou de personnes présentant des troubles psychiatriques envoyées par leur familles pour les "guérir", avaient provoqué un vif émoi au Nigeria.

Les Almajaris (d'un mot de la langue haoussa désignant ces élèves d'écoles islamiques) étaient enchaînés, peu nourris et soumis à des traitements inhumains. Une dizaine d'établissements avaient été fermés, mais leur nombre est tel qu'il est très difficile de les encadrer et de les trouver.

La pandémie de Covid-19 nous donne l'opportunité de recenser les Almajaris, de les tester et les rapatrier dans leurs familles

Nasir Ahmad El-Rufai, gouverneur de l'Etat de Kano

à l'AFP

Il a promis de renvoyer 250 000 élèves chez eux, mais pour l'instant, trois mois après la mise en place des premières mesures de confinement, seuls 1 500 enfants sont rentrés dans leurs villages.

"Rangs des illettrés" 

Les religieux musulmans, qui gardent une influence très importante sur la population et aussi dans le monde politique, et des chefs traditionnels dans ces Etats où la charia, la loi islamique, est en vigueur ont vivement protesté, dénonçant une tentative de "détruire le système traditionnel d'apprentissage du Coran". "Ce n'est pas possible de supprimer un système qui existe depuis des siècles, du jour au lendemain", se révolte le directeur d'une école coranique de Kano, Jibril Salihu. Ses élèves non plus, ne veulent pas partir de Kano.

Ce que le gouvernement a décidé est injuste envers nous. S'ils nous renvoient chez nous, nous irons grossir les rangs de nos camarades illettrés

Awwalu Abdullahi, 20 ans, étudiant

à l'AFP

Pour Yusuf Hassan, directeur d'Almajiri Foundation, une ONG locale, le système a grandement besoin d'être réformé, mais la solution n'est pas de l'interdire.

C'est un pas en avant, mais pas dans la bonne direction, ça ne changera rien de renvoyer les gamins dans leurs familles, car de toute façon, il n'y a pas d'école chez eux

Yusuf Hassan, directeur de l’ONG Almajiri Foundation

à l'AFP

Extrême pauvreté

Le secteur de l'éducation s'est effondré au Nigeria, après des décennies de négligence des pouvoirs publics et une explosion démographique, notamment dans le nord du pays, où l'immense majorité de la population vit sous le seuil de l'extrême pauvreté.

On estime que 10,5 millions d'enfants de 5 à 14 ans ne sont pas scolarisés dans le pays, et même pour ceux qui le sont, "les écoles publiques sont surpeuplées, et les professeurs ne sont pas formés", dénonce le sociologue Saminu Dala. "Le système éducatif officiel est en décomposition", martèle-t-il. Et tant qu'il ne pourra pas absorber les dizaines de millions de jeunes Nigérians, les écoles coraniques continueront à proliférer.

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