Coronavirus en Afrique du Sud : vague de viols et de meurtres sordides de femmes après l'assouplissement du confinement
Le président sud-africain Cyril Ramaphosa évoque un moment "sombre et honteux" et appelle ses concitoyens à signaler toute violence sexiste à la police, constatant que dans son pays, une femme sur deux a déjà subi une agression de la part de son conjoint.
Les violences faites aux femmes et les féminicides ne sont pas une nouveauté en Afrique du Sud, mais l'épisode que le pays vient de connaître dépasse l'entendement. Parmi la série de meurtres qui a frappé des dizaines de femmes sur tout le territoire au cours des dernières semaines, le plus terrible a été celui d'une future maman de 28 ans enceinte de huit mois, dont le corps a été retrouvé poignardé et pendu à un arbre le 8 juin 2020 à Roodepoort, une banlieue de l'ouest de Johannesburg. La police a annoncé l'arrestation d'un suspect.
Quelques jours plus tard, le corps d'une autre jeune femme a été retrouvé enterré sous un arbre à Soweto, tandis qu'une troisième a elle aussi été tuée à coups de couteau.
"Seul un lâche frappe une femme"
Ces trois drames, devenus emblématiques du sort des femmes dans la nation arc-en-ciel, ont poussé le président sud-africain, qui s'est dit "profondément troublé par une recrudescence des meurtres de jeunes femmes par des hommes ces derniers jours", à condamner ces actes commes des "actes inhumains". Après avoir évoqué une période "sombre et honteuse pour nous en tant que nation", Cyril Ramaphosa a souligné dans sa lettre hebdomadaire qu'il notait "avec dégoût qu'au moment où le pays fait face à la plus grave des menaces venant du coronavirus, des hommes violents profitent de l'assouplissement des restrictions pour attaquer des femmes et des enfants".
Aux obsèques de l'une des victimes, le député Mbuyiseni Ndlozi, proche de l'opposant Julius Malema, s'est montré encore plus explicite : "Seul un lâche frappe une femme, seul un lâche viole une femme, seul un lâche tue une femme. Ces lâches ne sont pas des hommes", a-t-il martelé, un bouquet de fleurs blanches à la main. De son côté, Kalay Nair, rédactrice en chef de Health-e News, plateforme de médias sensibles à la cause des femmes, note qu'"au cours de la dernière décennie, des milliers de femmes ont fait la une des journaux sur la façon dont elles sont mortes".
"Ces titres horribles sont régulièrement suivis de la colère des hommes politiques et de la société, mais les mêmes histoires se poursuivent", décrit-elle, fataliste, ajoutant que le gouvernement et les entreprises devraient contribuer davantage aux groupes qui luttent contre cette violence.
Un profond et nécessaire changement de la mentalité masculine
Selon la police, les meurtres de femmes – parce qu'elles sont femmes – ont grimpé en flèche depuis l'assouplissement, fin mai, du confinement instauré fin mars en Afrique du Sud, pays le plus touché par le coronavirus en Afrique.
Quant à elles, les militantes pour les droits des femmes, tout en saluant l'accent mis par les autorités sur la violence à l'égard des femmes, font savoir que les récents événements ne sont pas seulement dus à la fin du confinement, mais à un problème constant pour les femmes en Afrique du Sud.
La patrie de Nelson Mandela se classe parmi les pays ayant l'un des taux de violences domestiques les plus élevés au monde. Une femme y est assassinée toutes les trois heures, selon les statistiques de la police, dont 51% par des hommes avec lesquels elles ont des relations proches. Ce taux est cinq fois plus élevé que la moyenne mondiale, selon l'Organisation mondiale de la Santé.
Le président Ramaphosa a appelé ses concitoyens à signaler toute violence faite aux femmes à la police. "Pour maintenir la confiance du public dans le système de justice pénale, la violence sexiste doit être traitée avec l'urgence qu'elle mérite par nos communautés travaillant avec notre police", a-t-il déclaré. Cet encouragement à dénoncer les agressions sexuelles suffira-t-il à changer la mentalité des hommes sud-africains ?
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