Coronavirus en Afrique : libérations massives de prisonniers pour freiner l'épidémie
Des organisations de défense des droits de l'Homme et des personnalités de la société civile encouragent les gouvernements africains à libérer les prisonniers qui ne sont plus "un danger pour la société".
C'est par dizaines de milliers que les prisonniers ont vu s'ouvrir les portes des maisons d'arrêt aux quatre coins du continent africain. La peur de la propagation du coronavirus a fini par décider les autorités à désengorger les établissemens pénitentiaires surpeuplés. Au Maroc, ils sont plus de 5 600 à avoir bénéficié d'une grâce royale, rapporte l'Agence France Presse. Le Département marocain de la Justice précise que compte-tenu de l'état d'urgence sanitaire et des précautions qu'il impose, ce processus de libération sera exécuté par étapes successives.
Les détenus bénéficiaires de cette grâce royale ont été sélectionnés sur la base de critères humains qui prennent en considération leur âge, leur état de santé précaire, la durée de leur détention et leur bonne conduite
Communiqué du ministère marocain de la Justice
Les prisonniers libérés seront soumis à des tests médicaux, ainsi qu'à une mise en quarantaine nécessaire à leur domicile, ajoute le communiqué du ministère de la Justice. L'administration pénitentiaire a pour sa part pris des mesures de protection pour son personnel. Elle a renforcé les mesures sanitaires et réduit les droits de visite aux prisonniers.
Eviter l'hécatombe dans les prisons
Des appels avaient été lancés successivement par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), puis par le Haut-Commissaire aux droits de l'Homme de l'ONU en faveur de la libération urgente de détenus à travers le monde pour éviter que la pandémie du Covid-19 ne fasse des ravages dans les prisons, où sont concentrées des populations extrêmement vulnérables. L'Ethiopie a été parmi les premiers pays africains à désengorger ses prisons, en libérant quelque 4 000 prisonniers. Là-bas, la mesure s'applique aux détenus qui devaient être libérés dans les douze prochains mois, ainsi qu'aux femmes avec bébés. Cette mesure de clémence s'accompagne de la décision d'expulser vers leur pays d'origine, les détenus étrangers condamnés pour trafic de drogue.
Des libérations massives de détenus ont également été annoncées en Algérie. Plus de 5 000 prisonniers ont bénéficié de la grâce présidentielle début avril. Elle s'applique à des personnes en détention provisoire ou dont la peine est égale ou inférieure à 18 mois. Amnesty International avait spécialement pointé le cas des milliers de personnes en détention préventive qui croupissent dans les établissements pénitentiaires.
"Ils doivent passer de longs mois, voire des années dans des conditions déplorables, alors qu'ils sont toujours innocents aux yeux de la loi. Il faut urgemment faire en sorte que tous les détenus, qui ne sont plus un danger pour la societé, puissent sortir de la prison", plaideTamara Léger, chercheuse pour Amnesty International à Madagascar.
De très nombreux prévenus
Dans les prisons du Niger, la mesure de clémence accordée par le chef de l'Etat, Mahamadou Issouffou, à 1 540 détenus ne concerne pas les personnes en détention provisoire. Trois critères ont été retenus : les personnes âgées, les cas de maladies chroniques et tous les prisonniers ayant encore moins de neufs mois à purger. D'où la déception du Réseau panafricain pour la démocratie et le développement dont le président, Abdoulaye Seydou, dénonce le caractère sélectif de cette mesure jugée insuffisante.
Le milieu carcéral est davantage peuplé par des gens qui sont des prévenus et qui ne sont pas condamnés. Or la mesure du président ne s'applique qu'aux détenus qui sont déjà condamnés
Abdoulaye Seydou, membre de la société civile nigérienneà la Radio allemande Deutsche Welle
D'autres pays africains ont annoncé des mesures de clémence en faveur de leurs prisonniers. On peut citer notamment la Tunisie, le Ghana, le Burkina Faso, la Libye, la Guinée équatoriale et le Kenya. Selon la presse sénégalaise, le Sénégal pourrait aussi procéder à une libération massive de prisonniers à l'exception des détenus condamnés "pour viol, pour pédophilie ou pour de grands crimes".
Mais plusieurs autres pays africains n'ont pas encore donné suite aux recommandations de l'ONU et des organisations de défense des droits de l'Homme. On peut citer notamment le Cameroun, la Côte d'Ivoire et l'Egypte, où des personnalités de la société civile plaident auprès des autorités en faveur du désengorgement des établissements pénitentiaires "avant qu'il ne soit trop tard".
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