Côte d'Ivoire : une femme sur deux se dépigmente la peau à Abidjan
Selon le Pr Joseph Elidjé Ecra, du service dermatologie d'un Centre hospitalier universitaire (CHU) à Abidjan, plus de la moitié des femmes vivant dans la capitale économique ivoirienne utilisent des produits de dépigmentation, malgré une interdiction décrétée par le gouvernement.
"En Côte d'Ivoire, 53% des femmes à Abidjan, âgées de 15 à 45 ans, sans distinction de catégorie socio-professionnelle", utilisent des produits éclaircissant pour obtenir une "peau claire", déplore le Pr Joseph Elidjé Ecra, spécialiste ivoirien de renom.
Ces chiffres ont été produits sur la base des consultations médicales et des visites "de plus de 10.000 femmes dans les centres spécialisés, ces deux dernières années", précise le médecin.
Une charge contre les médecins et les pharmaciens
Le Pr Ecra, dermatologue et infectiologue, qui s'exprimait le 26 février 2019 lors d'une cérémonie célébrant le dixième anniversaire du Journal de l'économie, un hebdomadaire ivoirien, a pointé le "poids économique des industries cosmétiques" dans le pays.
Le spécialiste a également accusé "des pharmaciens devenus commerçants de ces produits" et dénoncé "la complicité des médecins" qui prescrivent ces produits illicites.
Depuis 2015, le gouvernement ivoirien a interdit l'utilisation des produits cosmétiques décapants, qui permettent de "dépigmenter la peau des femmes et mettent en péril leur santé".
Les crèmes et autres lotions dites de dépigmentation, qui comportent notamment du mercure et ses dérivés, des corticoïdes, de la vitamine A et de l'hydroquinone au-delà du seuil de 2%, sont prohibées par décret.
Un risque de maladies graves
Cependant, "le décret a été pris sans programme d'application", souligne le Pr Ecra, rappelant que les produits éclaircissants peuvent également entraîner "des maladies internes, dont l'hypertension et le diabète".
La dépigmentation de la peau rencontre depuis des années un vif succès auprès de jeunes Africaines, notamment des Ivoiriennes. Mais aucune étude sur le continent ne permet de savoir quelle part réelle de la population féminine y a recours. Selon le Pr Ecra, "un quart à deux tiers des femmes en Afrique de l'Ouest sont victimes" de cette pratique couramment appelée "tchatcho" ou "tchoko".
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