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En Afrique, les "enfants sorciers" jetés à la rue par leurs familles

Handicapés de naissance ou enfants turbulents, ils ont en commun de devenir les parias de leur famille. En Afrique subsaharienne, les "enfants sorciers" sont rejetés et survivent dans la plus grande misère. Un inquiétant phénomène urbain.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Manifestation d'enfants menacés de mort pour sorcellerie, par des prédicateurs. La scène se passe dans le sud du Nigeria, à Eket, en 2009. (AFP)

Il ne fait pas bon naître avec un handicap ou une malformation dans certaines communautés d’Afrique. Il suffit que l’enfant apparaisse par le siège pour qu’il soit rejeté par sa famille. On connaît le sort funeste des enfants albinos. Mais des marques bien plus anodines – une première dent qui sort sur la mâchoire supérieure, par exemple –, peuvent faire du nouveau-né un "enfant sorcier", un porte-malheur.

Parfois même, face aux difficultés de la vie, sans raison, l’enfant devient le bouc-émissaire de la famille. "Tenu pour responsable d'une maladie, d'un décès, d'un divorce, d'un manque d'argent ou même d'un simple désagrément, l'enfant est alors accusé de sorcellerie et devient rapidement le centre de violents conflits familiaux", explique l’association S.O.S. enfants.

L’abandon est souvent le seul acte de compassion à l’égard de cet enfant rejeté par la famille et la communauté. Au bord d’une route, il sera peut-être trouvé et recueilli par une structure d’accueil. Ainsi, l’association espoirs d’enfants apporte son soutien à un orphelinat du nord du Bénin, à Parakou. Il accueille beaucoup de ces enfants dits sorciers. "Il n’est pas rare de voir des nouveaux-nés abandonnés dans beaucoup de régions du Bénin", explique l’association.

Les églises évangéliques attisent le phénomène

Au Nigeria, la croyance des "enfants sorciers" est un phénomène récent. Son épicentre se situe dans le delta du Niger. Elle est entretenue par les prédicateurs des églises évangéliques, explique le journal canadien La Presse. "Une façon pour eux de fidéliser les parents à leur paroisse, de faire un peu d'argent et de gagner de l'influence dans leur communauté", explique notre confrère.

Pourtant la loi interdit ces accusations. Mais les juges eux-mêmes y croient, et rien n’est fait. Il s’agit d’un phénomène urbain. Il touche surtout des enfants en bas âge et au seuil de l’adolescence, déjà en difficultés. Rien à voir donc avec des enfants "mal nés", précise un rapport de l'Unicef.

Ces enfants "difficiles" sont souvent rejetés, livrés à eux-mêmes. Enfants des rues, on les appelle des skolombo. Des centaines ont élu domicile dans la décharge de Lemna, en périphérie de la ville de Calabar. Ils fouillent les immondices à la recherche de produits recyclables, plastique ou métal.

Les adultes aussi

Al-Jazira cite un rapport de 2008 qui avance le nombre de 15 000 enfants accusés de sorcellerie au Nigeria. A Kinshasa, en RDC, ils étaient 20 000 en 2010, selon un rapport de l’Unicef.

"Dans une grande majorité de pays africains, les exécutions des supposés sorciers et sorcières ont atteint des proportions alarmantes", précise le rapport qui énumère les nombreux cas. En Afrique du Sud, dans la province de Limpopo, plus de 600 personnes ont perdu la vie dans des lynchages de 1996 à 2001. Au nord du Ghana, des femmes accusées de sorcellerie ont été bannies et vivent dans des villages de sorcières.

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