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Excision: réparer le corps et l'âme des femmes en France

L'excision consiste à couper (entre autres) le clitoris des femmes. Cette pratique a de lourdes conséquences sur la vie de celles qui l'ont subie. Mais il existe, en France (et ailleurs), quelques services hospitaliers qui prennent en charge les femmes qui le demandent. Ils procèdent à une reconstruction du clitoris et du vagin. Opération très encadrée par des psychologues et des sexologues.
Article rédigé par Frédérique Harrus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Ouganda, janvier 2018. Ancienne exciseuse ayant arrêté de pratiquer après la promulgation d'une loi interdisant les mutilations génitales féminines. Elle montre un outil de sa fabrication servant à l'excision. (YASUYOSHI CHIBA / AFP)

Selon l'Unicef, près de 200 millions de filles et femmes dans 29 pays du monde sont excisées. Si la Somalie et la Guinée sont les deux pays les plus touchés, avec respectivement 98 et 93% de femmes excisées, cette «coutume» ne touche pas que les pays d'Afrique mais aussi l'Asie voire l'Amérique du Sud. Mais c'est quand même sur une bande centrale traversant le continent Africain d'Ouest en Est qu'on retrouve le plus cette pratique.

                                                            
Tableau de l'Unicef répertoriant le taux d'excision dans les pays d'Afrique et de sa prévalence ( juillet 2013) (Unicef)

Les différents types de mutilations génitales
Il existe différents de types de mutilations sexuelles féminines. Elles sont classées par l'OMS en 4 types, avec plus ou moins d'ablation de tissus. Les mutilations les plus pratiquées sont de type I et II à savoir: 
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Type I Ablation partielle ou totale du clitoris et/ou du prépuce (clitoridectomie).
En détail, les subdivisions ci-après sont proposées: Type Ia, ablation du capuchon clitoridien ou du prépuce uniquement ; Type Ib, ablation du clitoris et du prépuce.

Type II Ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres, avec ou sans excision des grandes lèvres (excision).
En détail, les subdivisions ci-après sont proposées: Type IIa, ablation des petites lèvres uniquement; Type IIb, ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres; Type IIc, ablation partielle ou totale du clitoris, des petites lèvres et des grandes lèvres.
Il convient également de noter qu’en français, le terme «excision» est fréquemment utilisé comme un terme général recouvrant tous les types de mutilations sexuelles féminines.

Ces pratiques, dans des temps plus reculés avaient souvent une valeur de «rite de passage à l'âge adulte», exécutées au cours de plusieurs jours de fête où les filles devenaient «pures» et bonnes à marier. Si cela n'atténuait en rien l'ampleur de la douleur, il y avait une incription sociale qui légitimait la pratique. «Cela confirme qu’il y a une obligation sociale, que cette pratique est relationnelle», explique Francesca Moneti, spécialiste de la protection de l’enfance à l’Unicef. 

Perte de sens
Mais avec le temps, la logique sociétale qui présidait à ces usages s'est peu a peu effacée. Elle laisse place à un acte vidé de sens, dont les dommages irréversibles pour les femmes en devenir et leur vie sexuelle future sont avérés. Souvent au prétexte de contrôler une sexualité féminine n'ayant pas droit de cité dans les sociétés traditionnelles.

Ainsi, certaines filles sont victimes d'accidents pouvant provoquer des incontinences. De plus, elles courent des risques d'infections, voire de tétanos pour défaut d'aseptie, quand elles ne meurent pas d'hémorragie. Leur vie sexuelle est souvent pauvre et contrainte, et chaque rapport est douloureux. Lors des grossesses, il est constaté bien plus de décès tant maternels qu'infantiles. Les bébés des femmes excisées sont souvent plus petits, les décès in utero plus fréquents et les accidents lors des accouchements multiples.

Se reconstruire
Si une bonne partie des femmes ayant subi ces pratiques ne trouvent rien à y redire, la remise en cause de leur excision n'étant même pas de l'ordre du pensable, pour certaines autres il n'en va pas de même. Pour celles qui ont été excisées assez tard (au moment de l'adolescence), et qui en gardent un souvenir traumatique. A fortiori si ce sont des jeunes filles qui ont été élevées en France et qui ont subi cette mutilation à la faveur de vacances au pays. Ces jeunes femmes sont restées choquées par la violence extrême de l'opération et de la douleur. Elles vivent leur corps comme infirme et amputé, se voient comme incomplètes. Leur vie de couple est souvent un échec, les rapports sexuels douloureux et sans plaisir.

L'une d'entre elles, madame J, malgré le fait qu'elle avait elle-même choisi son mari, l'a quitté parce qu'elle avait trop honte de son corps et se sentait inutile, n'arrivant pas à avoir la moindre envie, ni vie sexuelle. Elle est venue consulter dans un service hospitalier pour se faire reconstruire le clitoris. Côté chirurgie, un procédé a été élaboré pour restaurer la partie détruite. Sachant que généralement c'est la partie externe, le prépuce du clitoris, qui est coupée, arasée, le médecin français, le docteur Pierre Foldès, a mis au point une technique de reconstrution, où la partie interne du clitoris est repositionnée de telle sorte qu'il redevient accessible et sensible.

Côté psychisme, des entretiens sont prévus avec un psychologue et un sexologue pour entourer la démarche avant, pendant et après l'opération. But: rendre un sens à ce qui n'a souvent jamais été verbalisé. Madame J. est en colère contre ce qu'elle a subi, que ce soit une vie remplie de violence ou cette excision, et pleine de culpabilité à l'égard de ce mari qui était gentil et compréhensif.

Lors des entretiens après l'opération, c'est une femme qui déborde de joie et d'énergie, qui fait état du bonheur que représente pour elle cette reconstruction: «Avant, je ne vivais pas, j'étais comme un fantôme qui observe. Une chose qu'on frappait, qu'on utilisait, qu'on torturait. J'ai tellement souffert, j'ai désiré mourir si souvent. Pourquoi vivre si on ne fait que souffrir. On te coupe, on te torture, on te tape, (...). Aujourd'hui, j'ai retrouvé mon mari. Je peux lui rendre ce qu'il m'a donné. L'opération a changé tellement de choses en moi. Jamais je n'aurais imaginé, si je ne vous avais pas rencontrée (elle parle à la psychologue du service, NDLR), que la vie pouvait être belle. Le quotidien est toujours dur, mais je suis heureuse d'être avec mon mari, d'avoir envie de lui, d'avoir du plaisir avec lui.Je suis une femme!»

Petit à petit, la pratique des mutilations génitales féminines recule. Certains pays, comme l'Ouganda ont déjà promulgué des lois interdisant de le faire. Des études ont montré que même si elles ont fait subir cela à leurs propres filles, des Somaliennes (le pays le plus touché au monde) déclarent être tout à fait opposées à l'excision et souhaitent que leurs petites-filles y échappent.


Convaincre les femmes de faire cesser ces mutilations et convaincre les hommes qu'on peut épouser une femme «non coupée», n'est pas chose aisée. Les villes sont plus actives que les campagnes dans l'éradications de ces coutumes, mais les mentalités semblent quand même en mouvement.

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