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L'argent mobile, arme inattendue contre le coronavirus en Afrique

Plus de 85% au Rwanda, 59% au Kenya. Les transactions en argent mobile, dématérialisées, explosent en Afrique, dans le contexte de l'épidémie de Covid-19.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Un conducteur de moto-taxi à Kigali (Rwanda) vérifie son téléphone mobile. Depuis mars 2020, le gouvernement impose le règlement des courses via une application de paiment mobile. (SIMON WOHLFAHRT / AFP)

Le moyen de paiement sur téléphone mobile, déjà très répandu en Afrique, est devenu en quelque sorte un nouveau geste barrière contre le coronavirus, évitant ainsi tout contact propice à la transmission du virus, lors de paiements ou du retrait d'espèces.

Ainsi au Rwanda, depuis le printemps 2020, les autorités imposent le paiement des courses de moto-taxi par le biais d'une application de paiement mobile. Officiellement, elle évite les contacts lors des règlements. Mais c'est aussi un excellent moyen de contrôle fiscal.

Si les transactions augmentent, les particuliers sont également plus nombreux à opter pour le service. Au Rwanda, MTN le principal opérateur mobile du pays – et l'un des plus importants d'Afrique – a constaté une hausse sur un an de plus de 400 000 clients pour le service d'argent mobile. Même constat pour le nouveau venu, MoMo, qui gagne plus d'un million d'utilisateurs en un an !

Offres incitatives

Le montant des sommes échangées suit la même courbe de progression. Il a atteint 7 177 milliards de francs rwandais en 2020 (6 milliards d'euros) contre le tiers en 2019. Au Kenya, la hausse en valeur des transactions est de 60% pour le mois de janvier 2021 en comparaison de celui de 2020. Car dans le même temps, les commerçants ont suivi le mouvement, opérant à leur tour leur mutation numérique.

Tous les opérateurs s'accordent à reconnaître que l'épidémie de Covid-19 a accentué la progression constante de ce moyen de paiement. Au Kenya, premier pays d'Afrique pour l'utilisation de l'argent mobile, son usage a été dopé depuis mars 2020 par des offres incitatives.

Payer ses menus achats par téléphone devient une pratique de plus en plus fréquente en Afrique comme ici à Harare, la capitale du Zimbabwe, en décembre 2019. (JEKESAI NJIKIZANA / AFP)

Ainsi, les transactions inférieures à 1 000 shillings (7,5 euros) étaient exonérées de frais. Le montant des achats quotidiens et la limite acceptée ont été également revus à la hausse. Les autorités y ont vu un bon moyen de prophylaxie contre l'épidémie.

Lorsque les incitations gouvernementales ont disparu, les entreprises de paiement virtuel ont pris le relais. Les frais de transaction chez M-Pesa ont ainsi été réduits de près de la moitié. Une véritable aubaine pour les clients qui ont plébiscité le service.

Progression artificielle ?

Ces promotions ont certes eu pour effet d'effacer en partie les gains de chiffres d'affaires des opérateurs. Mais elles ont accompagné plus globalement un mouvement qui ne cesse de gagner du terrain en Afrique, en attirant de nouveaux clients. Détenir un compte bancaire est encore rare sur le continent à l'économie très souvent informelle. En revanche, les transactions par téléphonie mobile ont été largement adoptées, en évitant ainsi de détenir du cash.

En 2019, on comptait 500 millions de comptes d'argent mobile en Afrique subsaharienne, dont plus de la moitié en Afrique de l'Est. Un peu à la traîne jusqu'alors, l'Afrique de l'Ouest comble son retard, tirée par le géant nigérian.

Le mouvement n'est pas près de s'estomper. Dopé par la pandémie, le développement des services d'argent mobile se poursuit. Les acteurs majeurs de la communication mobile en Afrique : Vodacom, Orange, Safaricom ont tous créé, ou se sont associés à des services de paiement mobile dans le courant de l'année 2020. Le sud-africain MTN s'est associé à Mastercard. Le leader de la musique en ligne Spotify a ajouté à ses offres une option de paiement en argent mobile.

Clairement, le continent africain a sauté une étape. Y détenir de l'argent ne passe pas par une agence bancaire, mais par un smartphone. Il suffit de voir les offres promotionnelles qui se multiplient sur les réseaux sociaux pour s'en convaincre !

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