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La mimouna, fête juive typiquement marocaine, adoptée en Israël

La mimouna est une fête qui marque la fin de la Pâque juive au Maroc. Bien que spécifique aux juifs marocains, elle est si joyeuse et conviviale, qu'elle a été adoptée par tous en Israël. Décryptage d'une coutume qui inscrit la communauté juive au cœur de la population musulmane marocaine.
Article rédigé par Frédérique Harrus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Table de fête sur laquelle trônent terri, farine avec 5 œufs et 5 cosses de fèves fraîches, miel, fruits confits, leben (petit-lait fermenté), levain... (DR capture d'écran)

On toque à la porte d'entrée. La voisine musulmane se tient dans l'encadrement portant un plateau sur lequel se trouvent du miel et des gâteaux. Elle est chaleureusement conviée par la maîtresse de maison juive à entrer et partager thé à la menthe et terris (sorte de crêpe feuilletée aussi connue sous le nom de m'semen ou mufletta) brûlants. Elle admire et complimente son hôtesse à propos de la grande table décorée de fleurs, couverte de plats et de sucreries dans lesquels elle est invitée à se servir.

Terri aussi connu sous le nom de mufleta ou m'semen (dr capture d'écran)

Tous les ans, le scénario se répète en toute amitié et sérénité.

Pâque, un récit fondateur
La Pâque est une des fêtes les plus importantes de la religion juive. Elle commémore la fuite des esclaves hébreux de l'Egypte de pharaon. Ce dernier refusant de les laisser partir, Dieu envoya les 10 plaies sur les Egyptiens. Après avoir passé 40 ans dans le désert, les hébreux atteignirent enfin le pays de Canaan. Dans leur fuite précipitée, les aliments habituels n'eurent pas le temps de fermenter, les pâtes avec du levain, de lever. 

Cette fête est l'occasion pour les familles de se réunir, pour que, toutes générations confondues, on se recueille sur la difficulté endurée par le peuple juif, et que les anciens de transmettre l'histoire du judaïsme aux plus jeunes dans un moment de partage. Pour tous les juifs du monde, cette souffrance est racontée et «revécue» en mangeant du pain azyme (sorte de galette assez sèche, qui est du pain sans levure) et en bannissant de la maison tout ce qui est levé et fermenté (le hametz) comme le pain, les gâteaux, la bière, le vin ou le vinaigre, le fromage, etc. Seuls les juifs du Maroc, au huitième et dernier jour de la Pâque, prennent le contrepied des jours précédents et se réjouissent de la fin heureuse de l'histoire et de la réintroduction des aliments interdits dans les maisons.

Le retour de la levure
C'est la mimouna. Une tradition remontant aux temps les plus anciens qui veut que le premier levain de retour dans une maison juive soit offert par des amis musulmans. Anciennement placé sur un plateau couvert de fleurs, le levain offert était accompagné de poissons, de lait, de beurre frais et d'un gros bouquet de menthe. L'arrivée de ce plateau dans la maison donnait lieu a de grandes festivités. 

Sur la table de fête traditionnelle, on retrouve des poissons, symbole d'abondance, un bol contenant de la farine sur laquelle reposent cinq œufs frais, cinq fèves fraîches (encore dans leur cosse), des épis de blé qui symbolisent le renouveau sous le sceau du 5 de la chance, du miel, un pain de sucre et une infinité de gâteaux pour la douceur, du leben (petit lait fermenté) symbole de blancheur et de fermentation et bien sûr une grosse boule de levain dans laquelle était posé un Louis d'or pour la chance.

Table de mimouna sur laquelle on retrouve du miel, le leben (petit-lait fermenté), une boule de levain, l'assiette de farine sur laquelle sont posées les 5 fèves et les 5 œufs, un poisson, un pain de sucre, des gâteaux, des épis de blé. (photo d'Har)

Portes ouvertes
Dernier pan de cette tradition au Maroc, les portes des maisons restent ouvertes à tous et à un moment de la soirée, les habitants quittent leur demeure pour faire la tournée des autres maisons juives et honorer les tables de fête de chaque famille amie. S'en suit une nuit de fête, de partage, de générosité et de réception mutuelle d'amis mais aussi de voisins.

Entre disparition et adoption
Au fil des siècles, cette tradition s'est maintenue entre une communauté juive qui a compté jusqu'à 300.000 personnes et le reste de la population marocaine avec laquelle les liens étaient étroits, serrés, solides et quotidiens. Aujourd'hui encore, les uns rendent visite aux autres et les festivités demeurent, mais cette tradition risque de disparaître du Maroc avec une population juive qui se réduit comme peau de chagrin (1.000 à 3.000 personnes dans les estimations les plus hautes). Son côté convivial et festif a en revanche séduit toutes les autres communautés juives d'Israël, qui ont adopté cette fête marocaine et en ont quasiment fait une fête nationale.

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