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Les Indiens du Kenya sont désormais des Kényans comme les autres
Ceux que l'on appelle les «Asiatiques» au Kenya sont désormais une tribu du pays. Les Indiens du Kenya, qui se sentent marginalisés depuis des décennies, ont obtenu le gage d'être davantage intégrés, à quelques jours de la présidentielle d'août 2017.
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C'est le début d'une nouvelle ère pour beaucoup. Du moins, le symbole. La communauté indo-pakistanaise qui vit dans le pays depuis plus d'un siècle a été officiellement déclarée 44e tribu du Kenya le 22 juillet 2017. Dans la Constitution, elle bénéficie ainsi du même statut que les Masaï ou les Kikuyu.
Le président Uhuru Kenyatta a répondu positivement à une requête introduite en janvier 2017 par l'activiste Farah Mannzoor, mais qui correspond à une vieille aspiration de ceux que l'on appelle «les Asiatiques» (Asians) dans ce pays. «Selon le dernier recensement de la population kényane en 2009, indique l'AFP, cette communauté compte quelque 46.000 personnes.»
«Cinq générations» de présence
«La communauté asiatique est présente (au Kenya) depuis les cinq dernières générations. C'est donc un honneur pour nous d'être reconnus comme la 44e tribu du Kenya», a affirmé Bismilahi Rahman Nirarhim, l'une des représentantes de la communauté lors de la cérémonie officielle, rapporte Capital News.
I recently petitioned President Uhuru Kenyatta requesting him to constitutionally recognize the Kenya- Asian... https://t.co/9Lzsli6Ah3
— Farah Mannzoor Hsc (@farahmannzoorke) January 13, 2017
«Nous avons accompli notre devoir de citoyens», avait indiqué Farah Mannzoor pour expliquer une démarche qui suscite l'adhésion d'une grande majorité. Les Indiens du Kenya sont arrivés «dans les années 1820 comme marchands et maçons». «Plus tard, dans les années 1890, ils ont joué un rôle important dans la construction du Chemin de fer de l'Ouganda (qui relie Mombasa, au Kenya, à Kampala, en Ouganda).
Ce sont les colons britanniques qui font appel à cette main d'œuvre. Ils étaient environ 32.000 et quelque 2.500 trouveront la mort sur ce chantier. C'est d'ailleurs là que serait née la devise nationale du Kenya, Harambee. Le terme signifie en swahili (l'une des langues du Kenya qui est parlée dans toute l'Afrique de l'Est et au-delà) «Conjugons nos efforts».
Mal-aimés
«Cette contribution, qui a commencé par la construction de notre première ligne de chemin de fer, se poursuit aujourd'hui avec la réputation d'excellence dans l'industrie dont jouit la communauté asiatique du Kenya (qui se distingue aussi) par ses œuvres caritatives et philanthropiques», soulignait le 22 juillet le ministre de l'Intérieur par intérim Fred Matiangi lors de la cérémonie officielle.
Les Asiatiques ont rapidement prospéré dans les affaires et ont fini par dominer l'économie locale. Déjà «en 1905, 80% des entreprises appartenaient aux Kenyans d'origine indienne, selon les estimations d'un officier britannique», indique National Geographic. Leur réussite va contribuer à les exclure de la société kényane. «Personne ne devrait vous discriminer, vous intimider ou vous exclure inutilement de la vie de notre Nation», a déclaré Fred Matiangi.
Car la bonne fortune de la communauté indienne du Kenya nourrit les tensions avec ses compatriotes. Un ressentiment qui est souvent instrumentalisé par les politiques depuis la colonisation britannique.
Pourtant, les Asiatiques ont fait montre de leur solidarité avec les populations noires brimées et opprimées par le colonisateur. Ils ont soutenu le mouvement indépendantiste kenyan, notamment l'un de leurs leaders Jomo Kenyatta, premier président du Kenya et père de l'actuel chef d'Etat. Mais en dépit du soutien apporté à ceux qui ont pris la tête du pays ou l'ont souhaité – Kenyatta en (1964-1978), Kenneth Matiba (candidat malheureux en 1992) et Daniel Arap Moi (1978 - 2002) –, les Asiatiques ont été victimes de leur politique.
«Pendant cette période, c'était un fait. Si vous vouliez être populaire au sein de votre communauté, il suffisait de vous en prendre aux Indiens», résume Bushan Vidyarthi, un Kenyan d'origine indo-pakistanaise dans les colonnes du National Geographic. Victimes de nombreuses attaques et craignant pour leur sécurité, les Indiens du Kenya ont fini par vivre en vase clos. Leur rêve: se sentir vraiment chez eux! «C'est notre droit de demander (à être reconnus comme tribu). Nous avons besoin d'une maison!», confiait Shakeel Shabbir, le premier député kényan d'origine indienne, au New York Times en mai 2017.
Un atout politique
La fin du régime Moi, l'émergence d'une autre communauté dans les affaires – les Kikuyu entre autres – et la mobilisation des Kenyans d'origine indo-pakistanaise pour venir en aide aux victimes après l'attentat terroriste perpetré au Wesgate à Nairobi en 2013 ont, semble-t-il, contribué à apaiser les relations entre eux et les autres tribus.
La reconnaissance des Kényans d’ascendance indienne intervient après celle de la communauté makondé qui vit dans la région costale du Kenya. Reconnue comme 43e tribu, ses membres peuvent désormais prétendre à la nationalité kényane qui leur était jusqu'ici refusée. Mais pour les Asiatiques, la symbolique l'emporte, notamment parce qu'ils souhaitent s'impliquer davantage dans la vie politique du pays.
Le geste du président Kenyatta, candidat à sa propre succession le 8 août 2017, a aussi des accents politiques à quelques jours des élections générales. Le chef de l'Etat sortant a déjà reçu le soutien de Kenyans d’origine indo-pakistanaise conduits par Farah Mannzoor. Cette dernière est candidate à la députation aux prochaines élections générales, sous la bannière du parti présidentiel, Jubilee.
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