Les progrès des systèmes éducatifs africains sont réels, loin des idées reçues
...Certaines idées reçues sont ainsi à confronter aux chiffres.
Idée reçue numéro 1: L'éducation ne progresse pas en Afrique subsaharienne
Pour apprécier les réalisations éducatives de l’ASS, il est important d’avoir une vision de long terme. Certains travaux récents permettent d’estimer les taux nets de scolarisation (TNS) entre 1820 et 2010 pour 111 pays dans le monde, dont 24 d’ASS. Depuis 1820 et de toutes les régions du globe, c’est l’ASS qui a progressé le plus rapidement sur la période 1995-2010. Le TNS au cycle primaire y est ainsi passé de 66,5 % à 90,7 % soit une amélioration de 24,5 points. Sur la même période de temps (quinze années), l’amélioration maximum a été de 13 points dans les pays développés (1865-1880), 15,4 points en Amérique latine et dans la zone Caraïbes (1940-1955), 18 points en Asie dans la zone du Pacifique (1935-1950) et 22,6 points en Afrique du Nord et Moyen-Orient (1965-1980).
Sur la base de données plus complète de l’ISU entre 1999 et 2015, les pays d’ASS ont presque doublé leurs capacités d’accueil dans le primaire, multipliées par 2,5 l’accès au 1er cycle du secondaire et quasiment triplé les chiffres concernant l’accès au 2e cycle du secondaire. La durée moyenne de scolarisation a donc progressé rapidement passant de 6,5 années en 1999 à 8,8 années en 2015.
Idée reçue numéro 2: Les conditions d'études empirent en Afrique subsaharienne
Les données disponibles ne concernent que le cycle primaire et la disponibilité d’enseignants, de manuels scolaires et de certains des équipements de base dans les écoles. Malgré l’augmentation constante des effectifs, le nombre d’élèves par enseignant a connu une légère tendance à la baisse, passant de 42 élèves en moyenne par enseignant en 1999 à 39 élèves en 2015. Si le nombre absolu d’enseignants formés a doublé, il faut toutefois noter que le pourcentage d’enseignants formés au cycle primaire a baissé durant la même période passant de 57 % à 36 %.
Grâce des investissement très importants des États, le nombre d’élèves par manuel est resté stable dans le temps tandis que la disponibilité des équipements de première nécessité dans les écoles primaires comme l’accès à l’eau, aux sanitaires et à l’électricité, s’est légèrement améliorée, alors même que le nombre moyen d’écoles a augmenté fortement
Idée reçue numéro 3: La qualité des apprentissages s'effondre en Afrique subsaharienne
Les résultats des évaluations standardisées des acquis des élèves en fin de cycle primaire PASEC (en Afrique francophone) et SACMEQ (en Afrique anglophone) montrent que les pays d’ASS ont encore de grands efforts à fournir pour amener une majorité d’élèves à la maîtrise des compétences de base. Selon l’évaluation PASEC 2014, environ 42,7 % des élèves atteignent le seuil suffisant de compétences en lecture et 44 % en mathématiques, les résultats étant très variables selon les pays. Ces résultats très insuffisants ne traduisent pourtant pas un effondrement des acquisitions des élèves, ce d’autant plus que le nombre d’élèves scolarisés a très fortement augmenté. Le nombre d’élèves en grande difficulté a ainsi globalement diminué au cours des dix dernières années dans les pays francophones tandis que dans les pays anglophones on observe une augmentation des résultats scolaires ou un maintien dans le temps.
Finalement, il faut noter que l’alphabétisation des adultes et des jeunes adultes progresse en Afrique subsaharienne. Le taux d’alphabétisation des 15-24 ans est passé de 67,8 % à 75,5 % entre 1999 et 2016.
Idée reçue numéro 4: L'éducation n'est pas un investissement rentable en Afrique subsaharienne
Au niveau des individus et en se basant sur les données collectées auprès des ménages, les rendements de l’investissement éducatif, c’est-à-dire le gain financier d’une année d’éducation supplémentaire, les études montrent que l’ASS est la région du monde où les rendements de l’éducation sont les plus importants au monde, pour les garçons comme pour les filles, pour les cycles primaire, secondaire et supérieur. Basés sur les dernières enquêtes ménages dans 33 pays d’ASS, les résultats montrent un taux de rendement de 12,4 % contre 10 % dans les pays à revenus élevés, 9,4 % en Asie de l’Est et dans le Pacifique, 9,2 % en Amérique latine, 7,7 % en Asie du Sud et 7,3 % en Afrique du Nord et Moyen-Orient. Les cinq pays ayant les meilleurs rendements au monde sont tous africains (Rwanda, Afrique du Sud, Éthiopie, Namibie, Kenya et Burundi). Ce rendement des études sur le marché du travail est particulièrement important pour les filles et pour les diplômés de l’enseignement supérieur. Au-delà des aspects financiers, les effets de l’éducation sur un grand nombre de variables essentielles aux individus (santé, emploi, implication sociétale, bien-être) comme aux sociétés (lien social, confiance dans les institutions, participation citoyenne) font également l’objet d’un consensus de la communauté de recherche.
En guise de conclusion
Les systèmes éducatifs africains ont accompli des progrès considérables pour accueillir les nouvelles générations à l’école. Les pays et les familles reconnaissent l’importance de cet investissement en faisant de l’éducation une priorité, notamment dans leurs dépenses. Les retours sur investissement leur donnent raison, aussi bien par rapport aux gains individuels de revenus et de compétences que par rapport au développement économique et social des pays. Les systèmes éducatifs subsahariens restent cependant sous tension à la fois pour répondre aux enjeux de scolarisation universelle de base dans un contexte de croissance démographique soutenue et pour assurer une qualité minimale de l’éducation qui garantisse le développement des compétences fondamentales des élèves. Si beaucoup de progrès restent à faire, il ne faut pas pour autant oublier les très grands progrès éducatifs de l’ASS dans une perspective de long terme.
Ce texte s’appuie sur le document « L’éducation en Afrique subsaharienne : idées reçues (AFD, 2018) » co-rédigé avec Audrey Martinenq Duplessis et Vanessa Sy, chefs de projet à la division Education-Formation-Emploi de l’Agence Française de Développement.
Rohen d’Aiglepierre, PhD, chargé de recherche « Capital humain » / "Human Capital" reseacher, AFD (Agence française de développement) et Valerie Tehio, Responsable adjointe de la division Éducation, Formation, Emploi, Agence Française de Développement, AFD (Agence française de développement)
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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