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Mauritanie: des militants anti-esclavagistes américains refoulés de Nouakchott
Officiellement aboli en Mauritanie depuis 1981, l’esclavage continue de gangrener la société et la vie politique du pays. Des militants anti-esclavagistes américains, dont le fils du dirigeant noir Jesse Jackson, ont été refoulés le 8 septembre 2017 de Nouakchott, en raison d’un programme «contraire aux lois mauritaniennes». L’ambassadeur américain s’est dit déçu et préoccupé par la décision.
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En dépit de l’abolition de l’esclavage en Mauritanie en 1981 et de l’adoption en août 2015 d’une nouvelle loi l’assimilant à «un crime contre l’humanité», cette pratique d’un autre âge continue de faire polémique et de soulever des contestations dans la société.
Une délégation emmenée par le fils du révérend Jesse Jackson
Le refoulement par les autorités mauritaniennes d’une douzaine de militants américains anti-esclavagistes depuis l’aéroport de Nouakchott et après plusieurs heures d’attente en est la dernière illustration en date.
«Nous avons informé l’ambassade américaine qui nous a transmis le programme de cette délégation, qu’il ne lui sera pas accordé le visa d’entrée en raison de son programme que nous jugeons contraire aux lois mauritaniennes», a indiqué le ministre de la Culture et porte-parole du gouvernement pour justifier ce refus d'entrée sur le territoire.
«Ce programme n’a pas été concerté avec les autorités comme cela est de coutume et ne comportait que des rencontres avec des parties bien ciblées qui travaillent selon un agenda particulier», a encore précisé Mohamed Lemine Ould Cheikh.
Emmenés par Jonathan Jackson, le fils de Jesse Jackson, un des principaux dirigeants de la communauté noire des Etats-Unis, les anti-esclavagistes américains devaient séjourner dans le pays du 8 au 15 septembre.
Au cours de ce voyage organisé par un institut abolitioniste basé à Chicago et le mouvement Arc-en-ciel (Rainbow/Push) du Révérend Jackson, ils devaient rencontrer des responsables mauritaniens et de l’ambassade des Etats-Unis ainsi que des représentants de la société civile.
Une attitude qui n'honore pas le pays, selon le président de SOS-Esclaves Mauritanie
Parmi ces derniers figuraient des membres de l’ONG SOS-Esclaves Mauritanie, avec lesquels ils devaient discuter «de toutes les expériences et approches positives afin d’apporter une contribution à la promotion de la justice sociale». La délégation de SOS-Esclaves qui devait accueillir les militants américains à l’aéroport a d’ailleurs été empêchée d’y parvenir.
«Arrivés au niveau de Ribatt El Bahr, des agents de la sûreté d’Etat arrêtent le véhicule qui transporte le président (de SOS-Esclaves) Boubacar Messaoud et déclarent qu’il ne peut aller à l’aéroport, selon un ordre du chef de la sécurité territoriale», raconte l’ONG sur son compte Facebook.
«Une situation surréaliste, absurde, en plein jour et au vu et au su de tous les passants! Il faut vraiment le voir pour y croire!», s'est indignée l’organisation dans son communiqué.
«Cette atitude de nos autorités n'honore pas notre beau pays. Pays qui doit renouer avec les valeurs cardinales de paix et d'accueil», a commenté le président de SOS-Esclaves.
De son côté, l’ambassadeur des Etats-Unis, Larry Andrew, s’est dit «déçu et préoccupé» par l’interdiction d’entrée en Mauritanie des militants américains.
La persistance des pratiques d'asservissement, selon les ONG
«Je ne comprends pas les raisons de ce refus d’entrée pour une délégation qui voulait prioritairement rencontrer et échanger avec les autorités mauritaniennes sur la question de l’esclavage», a-t-il déclaré lors d’une rencontre avec des membres de SOS-Esclaves.
Ce refus est d’autant plus surprenant «que le programme des anti-esclavagistes a non seulement été partagé avec le gouvernement, mais en plus, des modifications y ont été apportées à leur demande», rapporte «de source sûre» le site LeReflet.net sur son site web.
L’épisode vient en tout cas rappeler que «l’esclavage a la peau dure», comme l’écrit aussi LeReflet.net. Sur la persistance des pratiques d'asservissement en Mauritanie, le site rapporte que, «selon les ONG qui travaillent dans le domaine, ce phénomène est encore une réalité. Mais du côté du gouvernement on parle de séquelles».
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