Nigeria : le dirigeant chiite Zakzaky libéré de prison pour se faire soigner
Alors que son mouvement, l’IMN, vient d’être interdit, Ibrahim Zakzaky, incarcéré depuis plus de trois ans, est autorisé par un tribunal à se rendre en Inde.
Après le froid, le chaud. Et c’est peut-être un geste d’apaisement. "Le juge a ordonné que Zakzaky puisse prendre un vol pour l'Inde, pour y bénéficier d'un traitement médical ", a déclaré l'avocat Me Femi Falana à l'AFP. Le leader chiite avait été arrêté après des violences lors d’une procession religieuse. L’armée nigériane avait tiré, faisant plus de 350 morts.
A la tête de l’Islamic Movement of Nigeria (IMN), Ibrahim Zakzaky rêverait, selon ses détracteurs, d’installer une république islamique dans son pays à l’image de celle qui régit l’Iran. Les chiites, ultra minoritaires, subissent une répression sanglante de la part du régime.
Inspirée par la révolution iranienne de 1979, l'IMN est la première organisation à revendiquer un chiisme nigérian, dans un pays où la moitié des habitants sont des musulmans sunnites et l'autre moitié des chrétiens.
Qui sont ses fidèles ?
Les prêches enflammés de Zakzaky ont vite fait de séduire une partie de la jeunesse déçue par le pouvoir et se sont traduits par des millions de conversions. En 2019, il y aurait au bas mot trois millions de chiites, dans un pays de 190 millions d'habitants d’où ils étaient quasi absents il y a 30 ans.
Le mouvement a installé son siège dans la ville de Zaria, au nord du pays (là où sévit Boko Haram). Or les autorités nigérianes ont toujours craint les minorités religieuses, nous dit Al-Jazeera.
Les processions, comme celle de l’achoura, où se mêlent ferveur religieuse et rigueur militaire, ont inquiété le pouvoir et entraîné une répression féroce du mouvement chiite. En 30 ans, les différents gouvernements ont ainsi multiplié les arrestations de leaders religieux.
Pourquoi la prison ?
Avec l’arrivée de Muhammadu Buhari au pouvoir en 2015, la tension est montée d’un cran avec l’IMN. Le président de la République condamne un "Etat dans l’Etat" jusqu’à ce que l’armée provoque un bain de sang à Zaria, tuant, selon Amnesty International, 350 personnes : hommes, femmes et enfants. L’armée parle d’un barrage routier érigé par des militants armés et d’une action en légitime défense. Une thèse dénoncée par les observateurs comme Amnesty ou Human Rights Watch.
Seikh Zakzaky means fighting between light and darkness #FreeZakzaky #FreeZakzakyForTreatment pic.twitter.com/ZZjh86cfo9
— Kudüs TV (@KudusTv) August 4, 2019
Pour les observateurs, le pouvoir d’Abuja se comporte avec les chiites comme il le fait avec Boko Haram. La répression est féroce et aveugle. Et beaucoup s’inquiètent de voir l’IMN se radicaliser, tout comme Boko Haram l’avait fait en 2009, après la mort de son chef, tué par la police.
La fille du leader Ibrahim Zakzaky est d’ailleurs bien plus radicale que lui, réputé pacifiste. "Ils nous poussent à bout, au point où on dira 'C'est bon, défendons nous nous-mêmes et prenons les armes'", explique Suhailah Maleshiya.
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