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Que contient le Pacte mondial de Marrakech sur la migration, attaqué par Trump et les extrêmes droites?

Le Pacte mondial pour les migrations, négocié par 192 pays, pourrait être ratifié le 11 décembre 2018 à Marrakech (Maroc). C'est la première fois que la communauté internationale se met d’accord sur un texte global. Mais à la veille de sa signature, la polémique enfle et les défections se multiplient.

Article rédigé par franceinfo Afrique
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Empilement de gilets rouges devant le Sénat à Paris, symbole des migrants morts en Méditerranée. Une action militante, le 19 juin 2018, à l'occasion du débat sur l'immigration et le droit d'asile. (CHARLES PLATIAU / X00217)

Porter un regard lucide sur les migrations, c’est l’ambition de ce pacte qui vise à définir des principes communs pour une meilleure gestion des flux migratoires.

Bien qu'il prenne acte de la permanence historique du phénomène, ce pacte, négocié sous l'égide de l'ONU, cherche surtout à encadrer les migrations, à les organiser.

"C’est un pari sur l’avenir, car la mobilité humaine est non seulement un phénomène inévitable, mais surtout, bien gérée, elle peut donner des dividendes extrêmement positifs", assure Mme Louise Arbour représentante spéciale du secrétaire général des Nations Unies pour les migrations.

Moins de morts en Méditerranée?

Le texte contient 23 objectifs visant à favoriser des "migrations sûres, ordonnées et régulières".

Parmi ces objectifs, le pacte propose ainsi:
-de lutter contre les causes structurelles qui poussent des personnes à quitter leur pays d’origine (lutte contre la pauvreté);

-d'organiser, comme le fait par exemple le Canada, des filières de migration régulière, accessibles et souples;

-de renforcer la lutte transnationale contre le trafic des migrants;

-d'investir dans les politiques d’accueil (santé, logement et formation professionnelle) et de faciliter la reconnaissance des qualifications et compétences;

-de sauver des vies et mettre en place une action internationale coordonnée pour retrouver les migrants disparus.

Plusieurs paragraphes sont dédiés aux publics les plus exposés aux risques : les femmes, les enfants, etc.

Chaque pays reste souverain

Le président américain, Donald Trump, a décidé de ne pas signer ce pacte. Il le juge "incompatible" avec sa politique migratoire.

Ce texte n’a pourtant pas de caractère contraignant. Les Etats membres ont tenu à préserver leur souveraineté sur un sujet passionnel qui suscite de vives réactions politiques.

Pour le porte-parole de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), Leonard Doyle, le pacte "ne change rien au droit de la gestion des frontières. Il espère inculquer un peu d’ordre aux mouvements transfrontaliers afin qu’ils soient moins chaotiques et moins problématiques pour les gouvernements."

La plupart des pays sont aujourd’hui à la fois des pays de départ, des pays de transit et des pays d’accueil. C’est le cas de l'Algérie ou du Maroc (où se tient cette conférence), qui après avoir été des pays d’immigration vers l’Europe sont aujourd’hui soumis à l’immigration sub-saharienne. Même la France, avec ses centaines de milliers de salariés et de retraités vivant aujourd’hui à l’étranger (au Maroc par exemple), est concernée.

L’extrême-droite vent debout contre ce texte

"Avec cette nouvelle trahison silencieuse de la nation, nos dirigeants franchissent une nouvelle étape dans la submersion organisée de notre pays",  affirme l'ancienne candidate du Front national (aujourd'hui Rassemblement national) à l'élection présidentielle française, Marine Le Pen.

Selon elle, les Français sont "conscients qu'on ne peut pas accueillir des centaines de milliers de personnes supplémentaires, sans que ça ait une influence sur l'équilibre de nos budgets sociaux et de nos territoires". Des paroles rapidement relayées sur les réseaux sociaux, notamment par certains "gilets jaunes" qui veulent empêcher la signature du pacte par le président Macron.

Pourtant, la réalité est quelque peu différente : "Les migrants apportent énormément aux économies européennes, notamment une main d’œuvre que l’on retrouve dans certains secteurs en manque de bras comme le bâtiment ou dans nos maisons de retraite. Ils ajoutent à la richesse nationale, ce sont des contributeurs nets à nos sociétés, ils n’enlèvent rien aux natifs, comme le montre toute l’histoire des Etats-Unis ou de la France", affirme Cécile Riallant, de l’OIM.

Il ne s’agit pas pour autant de faire dans l'angélisme et de minimiser les crispations culturelles liées à l'immigration. "Il y a une vraie angoisse de nos sociétés, qui est liée notamment à la question des inégalités. Mais si l’on regarde le temps long, toutes nos sociétés sont le résultat de ce brassage des cultures, qui constitue des nations."

"Mme Merkel a pris le risque politique d’accueillir un million de syriens, elle en paye le prix. Mais un jour, on lui dira peut être merci, car son pays en avait besoin", estime Jean-Pierre Elong Mbassi, secrétaire général de CGLIA (Cités et Gouvernement Locaux Unis d'Afrique). 

Ce texte négocié dans le cadre de l’ONU veut surtout en finir avec ces dizaines de milliers de morts en Méditerranée ou dans le désert saharien. Ses initiateurs aimeraient qu'il permette de déboucher sur moins de souffrances, moins de tortures dans les prisons libyennes, moins d'exploitation des clandestins dépourvus de tous leurs droits dans les champs de tomates de Sicile ou d'Andalousie.

Ce pacte doit être signé le 11 décembre. Mais les défections se multiplient depuis quelques semaines, car les opinions publiques sont réticentes. Une vingtaine de pays ont déjà affirmé qu'ils ne le signeront pas. A commencer par les Etats-Unis, l'Australie, l'Autriche, la Hongrie, la Pologne, l'Italie, la Suisse, Israël...

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