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Soudan: l’Europe au secours de Noura,condamnée à mort pour avoir tué son violeur

La mobilisation en faveur de Noura Hussein Hammad, une jeune soudanaise condamnée à mort pour avoir tué son violeur, prend de l’ampleur. Après celle de collectifs et associations de femmes au Soudan et celle sur les réseaux sociaux, les capitales européennes ont fait savoir leur opposition à un tel verdict dans un cas de légitime défense.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Image diffusée sur les réseaux sociaux pour réclamer la «Justice pour Noura» Hussein Hammad, 19 ans, condamnée à mort pour avoir tué son violeur. (DR)

Noura Hussein Hammad, une Soudanaise de 19 ans, rêvait d’être enseignante. Mais depuis le 10 mai 2017, elle est détenue à la prison pour femmes d’Omdurman près de Khartoum, son rêve brisé par la justice de son pays.
 
La loi soudanaise autorise le mariage des enfants de plus de 10 ans

Elle est, en effet, condamnée à mort pour avoir tué Abdel Rahmane Hammad. Un homme que son père l’avait forcée à épouser à l’âge de 16 ans, la loi soudanaise autorisant le mariage des enfants de plus 10 ans.
 
Après la première phase du mariage comprenant la signature du contrat entre son père et Abdel Rahmane, la deuxième phase de la cérémonie s’était déroulée en avril 2017, lorsqu’elle a dû emménager chez son mari à la fin de ses études secondaires.
 
Face à son refus de consommer le mariage, son mari demande à deux de ses frères et un cousin de venir l’aider à la violer, rapporte Amnesty International qui a dénoncé un verdict «d’une intolérable cruauté».
 
«Le 2 mai 2017, précise l’ONG de Défense des droits de l’Homme, les trois hommes ont maintenu Noura Hussein pendant qu'Abdulrahman la violait. Le lendemain matin, il a essayé de la violer une nouvelle fois, mais elle a réussi à s'échapper dans la cuisine, où elle a saisi un couteau. Lors de la bagarre qui s'en est suivie, Abdulrahman a reçu des coups de couteau qui ont provoqué sa mort.»
 
Amnesty international demande l'annulation d'une sentence inique
La jeune femme s’est réfugiée au domicile de ses parents, mais son père l’a remise à la police qui a aussitôt ouvert contre elle une procédure pénale. A l’issue de son procès et sur la base d’une loi archaïque ne reconnaissant pas le viol conjugal, elle a été déclarée coupable d’homicide volontaire le 29 avril 2018.
 
«La peine de mort est le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit, et le fait de l'infliger à une victime de viol souligne que les autorités soudanaises ne reconnaissent pas les violences qu'elle a endurées», s’est insurgé Amnesty. Elle a même appelé les autorités à annuler «cette sentence inique et veiller à ce que Noura bénéficie d'un procès équitable tenant compte des circonstances atténuantes propres à cette affaire.»
 
Le verdict a provoqué une vague d’indignation au Soudan: sur les réseaux sociaux, mais aussi de la part d’associations de femmes, de personnalités et d’intellectuels soudanais qui ont exprimé leur soutien à Noura.
 
Pour la militante féministe Rawa Jaffar, citée par RFI, cette sentence apporte la preuve que le droit soudanais opprime les femmes alors qu'il devrait les protéger: «Près de 36% des femmes soudanaises sont mariées avant leurs 18 ans. La loi autorise même les familles à les marier avant leurs 10 ans, avec l'accord d'un juge. La loi est mauvaise.»


Les ambassadeurs européens à Khartoum fermement opposés à la peine de mort
C’est ce que pensent également les ambassadeurs de l’Union européenne, de Norvège et de Suisse à Khartoum. Ils ont fait part eux aussi, le 15 mai 2018, de leur opposition au verdict et fait savoir qu'ils «suivaient de près et avec préoccupation la situation de Noura Hussein».
 

Dans leur communiqué, «les chefs de mission rappellent leur ferme opposition à la peine capitale où que ce soit et quelles que soient les circonstances», soulignant que la condamnée se trouve en position de légitime défense.
 
Le jour même, alors que la mobilisation pour sauver Noura prend une dimension mondiale, une autre affaire est venue illustrer à son tour l'état d’oppression dans lequel vivent les femmes au Soudan.

Six mois de prison et 75 coups de fouet pour mariage illégal 
Après avoir purgé une peine de 6 mois de prison pour avoir épousé un homme de son choix et fait un enfant avec lui, sans l’approbation de son père, une femme, originaire du Darfour, a eu droit à un complément de peine.
 
Coupable de «vivre illégalement avec un homme et d’avoir des relations sexuelles hors mariage», elle a reçu 75 coups de fouet dans un poste de police de la ville d’Omdurman, a rapporté son avocate, Azza Mohamed Ahmed. Amnesty International a confirmé les faits et affirmé qu’elle suivrait le dossier.
 
Par ailleurs, une militante des droits des femmes a déclaré avoir assisté à la flagellation. «Je tenais son bébé dans mes bras alors que cela se déroulait devant moi», a déclaré Tahani Abbas, membre de l'ONG soudanaise Don't Oppress Women. «Ce fut une scène très douloureuse, surtout pour une militante des droits des femmes», a-t-elle ajouté.

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