Soudan du Sud : guerre de pouvoir sur fond de tensions ethniques
Alors que la rébellion est installée à Bor, la capitale de l'Etat du Jonglei, son chef Riek Machar a accusé Salva Kiir de vouloir éliminer ses rivaux et démenti être à l’origine de la tentative de coup d’Etat.
Si le président s'est dit prêt à discuter avec Riek Machar, «sans condition préalable», ce dernier a fait savoir auparavant qu'il était uniquement prêt à négocier un départ du chef de l’Etat, qu’il accuse de «tendances dictatoriales».
Réponse du berger à la bergère : Machar est un «prophète de malheur» qui menace la stabilité du pays.
Qui croire ? Force est de constater que les troupes de Machar ont non seulement pris Bor, mais encore Bentiu, capitale d'Unité. Cet Etat est d’autant plus stratégique qu’il concentre la production pétrolière nationale, soit 95% de l’économie sud-soudanaise.
Le Soudan du Sud, classé 173e pays le plus corrompu du monde par Transparency International, est en proie aux violences, sur fond de rivalités politiques et ethniques. Ainsi, les fidèles de Salva Kiir sont issus de l'ethnie Dinka, ceux de Riek Machar de l'ethnie Nuer, deuxième plus grande tribu du pays. Les Nuers accusent le régime de Juba (capitale sud-soudaine) de mener un politique de domination dinka.
Riek Machar, éternel prétendant au pouvoir
A 61 ans, Riek Machar est entré en politique il y a une vingtaine d’années, et mène depuis une carrière en dents de scie.
Pour les observateurs étrangers, Riek Machar serait cependant l'un des hommes politiques sud-soudanais les plus accessibles et les plus ouverts. Ses études à l'université de Srathclyde en Ecosse, son diplôme de l'université de Bradford et son mariage avec une employée humanitaire britannique y sont sans doute pour quelque chose.
En 2002, il rejoint les rangs de la rébellion de l’Armée de libération populaire du Soudan (branche armée du Mouvement de libération du peuple du Soudan, parti qui dirige le pays aujourd'hui). Et en 2005, il devient vice-président du Soudan du Sud, après l'accord de paix avec le Soudan.
D’anciens compagnons d’armes lui reprochent d’avoir fait des choix plus ou moins judicieux, comme celui qui l’a vu s'allier un temps avec le régime de Khartoum, à l’issue d’un accord de paix signé en 1997.
D’autres détracteurs l'accusent d'être à l’origine d'un massacre commis par des Nuers sur des Dinkas, en 1991 à Bor.
Salva Kiir, ancien chef de guérilla
Face à lui, le premier président du Soudan du Sud, Salva Kiir. Cet homme s’est battu pour un pays indépendant depuis les années 60. Il a mené la lutte dans l’Armée de libération populaire du Soudan durant des décennies et, en 2005, a assumé la direction du Mouvement de libération du peuple du Soudan (la branche politique de l’Armée de libération), à la mort de John Garang, son cofondateur.
Au décès de Garang, on ne donnait pas cher de la rébellion ni de Salva Kiir, plus coutumier des actions de guérilla en brousse que des meetings politiques.
L’homme au chapeau de cowboy, qui s’est avéré un fin négociateur, s'est retrouvé au poste de vice-président du Soudan en 2004, s’assurant de la bonne marche des accords de paix qui aboutiront, sept ans plus tard, à la partition nord-sud, après 30 ans de conflit.
S’il n’est pas considéré comme un intellectuel, ni un bon orateur, Salva Kiir possède un capital sympathie auprès de ses partisans quand il apparaît en public.
Dans l’ère post-indépendance, le règlement de l'actuelle crise constitue le plus grand défi qu'il aura à relever depuis son arrivée au pouvoir.
Aujourd’hui, il assiste à une course diplomatique des dirigeants de la planète, Etats-Unis en tête (principal soutien de Juba), qui tentent d'éviter au Soudan du Sud de s'enfoncer dans une nouvelle guerre civile meurtrière.
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