Reportage "Si personne ne fait rien, ça ne changera pas" : en Tunisie, des manifestants dénoncent une élection présidentielle transformée "en coup d'État"

Ils étaient plusieurs centaines vendredi soir dans les rues de Tunis, la capitale tunisienne, pour protester contre le chef de l’État. Lors du scrutin qui se tient dimanche, Kaïs Saïed n’affrontera que deux adversaires, dont l’un est en prison. L’opposition et la société civile l’accusent d’avoir truqué le jeu à son profit.
Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 1 min
Des centaines de personnes ont défilé le 4 octobre 2024 dans les rues de la capitale tunisienne à deux jours du scrutin pour la présidentielle. Elles accusent le président Kaïs Saïed, candidat à sa succession, de truquer le jeu. (FETHI BELAID / AFP)

"Ça fait 13 ans qu’on a une certaine liberté d’expression et là, tout tombe à ‘eau. On est un peu dépité", explique une femme qui a participé à une manifestation vendredi 4 octobre à Tunis contre le président, Kaïs Saïed. "C’est pire que Ben Ali [ancien président de la Tunisie], s’emporte une autre femme, parce que Ben Ali avait la couverture du dictateur. Kaïs Saïed joue au populiste démocrate qui défend le peuple. Et les gens sont dupes. Ils ne voient pas toutes les violations de droit qu’il est en train de faire."

Selon Human Rights Watch, "plus de 170 personnes" sont actuellement détenues pour des motifs politiques en Tunisie. Journalistes, ONG et citoyens se retrouvent accusés de complot terroriste ou d’atteinte à la sûreté de l’État. Issa est de la famille de l’avocate Sonia Dahmani, condamnée en septembre à huit mois ferme pour une réplique insolente sur un plateau télé. "En tout et pour tout, elle avait cinq affaires. Aujourd’hui, elle vient d’être inculpée pour une sixième, pour avoir dit tout haut ce que des Tunisiens n’osent pas dire" , explique Issa.

Mise en prison le jour du dépôt de sa candidature

Kaïs Sayed a aussi fait le vide parmi ses adversaires politiques. Dans le cortège, des soutiens d’Abir Moussi, arrêtée le jour où elle venait déposer sa candidature pour la présidentielle. "Elle est en prison depuis. Ça fait un an le 3 octobre 2023", raconte une manifestante. "Je ne sais pas comment l’Occident, les démocraties, peuvent accepter ça", se demande un homme. Au mégaphone un policier un peu tendu dissuade les manifestants de changer d’itinéraire pour passer devant le ministère de l’Intérieur.

La foule des défenseurs de l’État de droit est surtout composée de professions supérieures, comme cet avocat. "Des concepts comme la démocratie, l’alternance, la responsabilité, la liberté sont des notions nouvelles pour le Tunisien. Donc je considère que c’est une période transitoire. Il faut de la maturité, il faut du temps", estime-t-il. "Il faut commencer quelque part, appuie une jeune femme. Si personne ne fait rien, ça ne changera pas. Donc autant essayer". "Par des manifestations comme ça, on pense changer les choses. Nous y arriverons", conclut une manifestante.

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