Cet article date de plus de sept ans.

Présidentielle en France: les Tunisiens ont-ils «parié sur le mauvais cheval?»

700.000 Tunisiens ou Franco-Tunisiens vivent dans l’Hexagone. 30.000 Français résident en Tunisie. Ce qui explique que nombre d’évènements dans chacun des deux pays trouvent un écho dans l’autre. C’est le cas avec l’élection présidentielle en France. Cela a d’ailleurs engendré une polémique à Tunis: le candidat d’En marche! a-t-il été bien reçu quand il a fait le déplacement en novembre 2016?
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Electeurs français à La Marsa, près de Tunis, le 23 avril 2017. (AFP - NURPHOTO - RIADH DRIDI)

En Tunisie, au premier tour de la présidentielle, les expatriés français ont choisi Emmanuel Macron à 36,88%, si l’on en croit les chiffres communiqués par l’ambassade de France. Jean-Luc Mélenchon arrive second avec 32,11%, suivi, loin derrière, de François Fillon (19,18%). Marine Le Pen n’obtient que 3,31%.

Jean-Luc Mélenchon est notamment populaire auprès des jeunes pour son utilisation du néologisme «dégagisme». Une référence au fameux «Dégage» (sous-entendu: «Dégage, Ben Ali»), utilisé par les manifestants lors des grands défilés de la révolution de 2011. Pour le candidat, il s’agit de sortir les sortants du «système».

Pourquoi Marine Le Pen?
Visiblement, les arguments de Marine Le Pen n’ont pas porté auprès des électeurs recensés par les autorités consulaires françaises. Pourtant, la dirigeante du FN trouve grâce auprès de certains Tunisiens: ceux-ci pensent notamment qu’elle lutterait contre les islamistes.

On trouve ainsi ce commentaire sur le site tunisien businessnews.com: «Le vote pour Marine le Pen est un symbole fort pour dire non à l'immigration massive, à l'islamisation des quartiers, à la prolifération des mosquées salafistes et au laxisme généralisé vis-à-vis de l'immigration en général.» Des arguments qui commentent un article intitulé Ces Tunisiens qui votent Le Pen. Pour l’auteure du papier, Synda Tajine, «les discours populistes de la candidate du FN sont plus que jamais proches de la réalité de ceux qu’on tient tous les jours chez nous» en Tunisie.
Le 23 avril 2017, une résidente française montre à son enfant des panneaux électoraux de la présidentielle dans un bureau de vote à Tunis. (REUTERS - Zoubeir Souissi)

Macron mal reçu en Tunisie?
Evidemment, c’est Emmanuel Macron qui retient d’abord l’attention des sites internet tunisiens. A tel point que Géopolis a vu remonter, le 24 avril 2017, dans le classement de ses 10 articles les plus lus, un portrait (publié le 31 mai 2016)  consacré à Yassine Brahim, l'ancien ministre du Transport et de l'Equipement qualifié de «Macron tunisien».

Certains Tunisiens s’inquiètent du fait que le candidat aurait été mal reçu lorsqu’il s’est rendu dans le pays les 6 et 7 novembre 2016 alors qu’il n’était pas encore officiellement candidat. Visite qui aurait été organisé, «comme auparavant celles de DSK», par le Franco-Tunisien Karim Guellaty, fondateur d’un groupe spécialisé dans le conseil économique et politique, selon Le Courrier de l’Atlas.

«La polémique enfle depuis que cette visite s’est rappelée au bon souvenir des élites politiques et intellectuelles du pays», rapporte le journal. «D’aucuns reprochent en effet aujourd’hui rétrospectivement aux collaborateurs et conseillers du président Béji Caïd Essebsi de ne pas avoir jugé bon de le recevoir à l’époque, ayant pronostiqué qu’il n’était alors pas l’un des favoris pour la présidentielle». Et de poser la question qui tue : «A-t-on parié sur le mauvais cheval ?»

Selon Jeune Afrique, l’ancien ministre «avait émis le souhait d’obtenir une audience à la présidence de la République mais (…), embarrassé, Béji Caïd Essebsi a préféré décliner pour ménager la susceptibilité de son homologue, François Hollande.» Il aurait été «diplomatiquement redirigé vers un autre Caïd Essebsi, son fils Hafedh, le directeur exécutif du parti présidentiel Nidaa Tounes, qui s’est empressé de le recevoir dans un lieu insolite, le salon d’honneur de l’aéroport Tunis-Carthage…»

Emmanuel Macron à La Marsa, près de Tunis, le 6 novembre 2016. (AFP - Fethi Belaïd)

Dans le même temps, le Premier ministre de l’époque, Youssef Chahed, «n’avait pas jugé bon de (le) rencontrer», précise Le Courrier de l’Atlas.

«Une sœur tunisienne d’En marche»?
Mais non, assure businessnews.com, la visite «s’est très bien passée». Emmanuel Macron a notamment rencontré à Tunis le ministre de l’Investissement, Fadhel Abdelkefi, et la présidente de l’Utica (patronat), Wided Bouchamaoui, co-Nobel de la paix. De plus, précise le site, il s’était rendu à Tunis en tant que ministre lors de «sa première destination hors Union européenne». En clair, il a la Tunisie au cœur!

Et businessnews.com, visiblement séduit par le patron d’En marche!, de citer des propos qu’il a tenus de l’autre côté de la Méditerranée: «Je suis impressionné par la manière inouïe dont la société civile et politique a été redressée (depuis la révolution de 2011). J’ajouterai que c’est cela qui forge une nation.» Tout en précisant : il serait «formidable qu’en Tunisie une sœur tunisienne du mouvement En marche! voit le jour».

Lors de sa visite, Emmanuel Macron a précisé, au cours une interview sur la radio Express FM, «ce qu’il ferait» dans le cadre des relations franco-tunisiennes. «Trois choses», a-t-il précisé: un effort sur «la conversion» de la dette tunisienne; la mobilisation de grandes entreprises pour «investir massivement» dans le pays; l’organisation d’une conférence sur «le sujet libyen» (sic) en incluant la Tunisie. Un Etat fragilisé par une grave crise économique et le chaos à ses frontières en Libye.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.