Tunisie: un tour d'horizon pas très rose...
Après les violents heurts du week-end de Pentecôte entre policiers et salafistes, le Parti républicain a salué le 20 mai, par la voix d’Issam Chebbi, numéro deux du PR, «la décision du ministère de l'Intérieur d'imposer le respect de la loi et de l'Etat». Tout en appelant à une «stratégie nationale pour faire face à l'intégrisme et au terrorisme». Un ton nouveau de la part de l’opposition pour qui Ennahda, la formation islamiste au pouvoir, a longtemps entretenu des relations ambiguës avec les jihadistes malgré l'essor de ces groupes violents depuis la révolution de janvier 2011.
Lors de sa rencontre avec la presse, Saïd Aidi a lui aussi parlé de la situation sécuritaire, «tache noire» de la Tunisie et «risque majeur» en cette période de transition politique. Il a évoqué les difficultés à faire interdire les groupes violents. Ainsi que les liens existant, selon lui, entre «la branche dure d’Ennahda», le parti islamiste au pouvoir, et le mouvement salafiste Ansar Ashariaa. Lequel, opposé à la démocratie, considère exercer «une mission divine» qui l’autoriserait à se placer au-dessus des lois.
Pour l’ancien ministre, Ennahda se trouve aujourd’hui «un peu dépassé» par le problème extrémiste. Cette formation, qui n’a pas forcément «la volonté politique d’aborder le dossier», se trouve « pris en tenaille par son aile dure». Elle n’en cherche pas moins «à se positionner comme la seule à pouvoir contrôler le risque salafiste». Pour ensuite offrir «une image modérée».
L’ancien ministre de l’Emploi s’est refusé à chiffrer le nombre des militants d’Ansar Ashariaa, se contentant de dire que «certains évoquent le chiffre de 20.000, d’autres de 40.000». Il constate surtout qu’il recrute dans les populations touchées par la crise.
Menaces sur la cohésion sociale
Il y a une relation, estime-t-il, entre «les tensions sociales et le salafisme». A ses yeux, les «difficultés économiques de la transition aggravent l’extrémisme» et minent «la cohésion sociale du pays».
Parmi ces difficultés, «le chômage, notamment celui des jeunes, s’amplifie, de même que les déséquilibres entre régions. L’inflation, officiellement de 6%, est en fait ressentie beaucoup plus fortement : elle tourne en moyenne autour de 10%, et plus particulièrement de 20% pour les produits alimentaires. Les investissements étrangers sont en chute libre. Et la croissance est plus que molle. Elle était de 2,7% en 2012, alors que pour commencer à inverser la courbe du chômage, il faudrait qu’elle atteigne 6-7% au minimum».
Dans ce contexte, et dans le contexte d’une situation sécuritaire tendue, l’image de la Tunisie, autrefois appréciée des organismes financiers, se dégrade. Selon l’ancien ministre, son économie du pays est aujourd’hui «considérée comme l’une des dix les moins performantes d’Afrique». Au niveau économique, toujours, deux éléments suscitent «des craintes» pour les mois à venir : l’évolution du tourisme, un des piliers de l’activité en Tunisie, gênée par la situation sécuritaire, et la période du ramadan (approximativement 12 juillet-12 août) qui, contrairement à ce que l’on pourrait penser en raison du traditionnel jeûne, est propice à la consommation.
La confiance n’est donc pas forcément au rendez-vous. Une confiance malmenée par les évènements politiques. A commencer par le retard pris par l’élaboration de la Constitution. Au mieux, pense Saïd Aïdi, elle ne sera pas présentée devant l’Assemblée nationale avant juin. Reste aussi à savoir quand elle sera votée… Ensuite devra être décidée la date des élections, véritable serpent de mer de la politique tunisienne. «Il faudrait une boule de cristal pour dire quand elles auront lieu. Et l’on rêve les yeux ouverts si l’on pense qu’elles se tiendront d’ici la fin de l’année !».
Et les relations avec la France ?
Tous ces problèmes sont-ils à même de malmener les relations avec la France et l’Union européenne ? Pour Saïd Aïdi, qui a rappelé le voyage du président François Hollande prévu en juillet, Paris doit «rester un partenaire privilégié» de Tunis. Et ce alors que l’on compte quelque «1300 entreprises françaises» installées dans le pays, qui «emploient plus de 130.000 personnes». Et d’ajouter : «Nous trouvons que la France, qui parle avec toutes les forces du pays, a une attitude juste». Une manière de dire que certains errements de sa diplomatie appartiennent au passé…
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