Pourquoi l'otage français enlevé en Algérie est dans une situation très inquiétante
Un guide de haute montagne en randonnée en Kabylie a été enlevé dimanche par un groupe jihadiste, dans un contexte qui pousse à l'inquiétude.
Quelques heures après la revendication de l'enlèvement d'un randonneur français par un groupe jihadiste algérien, Laurent Fabius a réagi, mardi 23 septembre, évoquant une "situation préoccupante". En tombant aux mains de Jund Al-Khilafa, Hervé Gourdel est en effet pris dans un piège dont il sera difficile de l'extraire. Francetv info se penche sur les raisons qui font que la situation de l'otage français est inquiétante.
Parce que ses ravisseurs sont dangereux et sérieux
Le groupe qui a revendiqué l'enlèvement d'Hervé Gourdel a pour nom Jund Al-Khilafa, c'est-à-dire "les Soldats du califat". Autrefois affilié à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), cette organisation jihadiste a récemment prêté allégeance à Abou Bakr Al-Baghdadi, le chef de l'Etat islamique (EI), qui fait régner la terreur en Irak et en Syrie.
Les Soldats du califat sont à prendre très au sérieux. Leur leader, Abdelmalek Gouri, alias Khaled Abou Souleimane, a fait partie du GIA (Groupe islamique armé) algérien dans les années 90. Il a ensuite rejoint le GSPC, un groupe salafiste qui avait notamment la France pour cible. L'organisation est devenue Aqmi à la fin des années 2000. C'est donc un groupe aux méthodes rodées et à la détermination totale. En 2012, une entité du même nom avait revendiqué les meurtres perpétrés par Mohammed Merah à Toulouse, considérant "Youssef le Français" (le nom donné à Merah) comme un "chevalier de l'Islam".
En enlevant Hervé Gourdel, quelques heures à peine après l'appel aux meurtres de Français lancé par l'Etat islamique, les Soldats du califat ont voulu concrétiser leur allégeance à l'EI. Reste à savoir si le groupe algérien compte s'inspirer des méthodes de l'Etat islamique, qui a publié des vidéos de décapitation d'otages américains et britanniques. C'est ce que craint Mathieu Guidère, spécialiste des groupes jihadistes, interrogé par France Info : "Le fait que le chef de l'Etat islamique donne l'ordre de s'attaquer aux Français, c'est comme si l'Etat islamique faisait cette opération. Et comme l'EI a inauguré un modus operandi d'une barbarie extrême, malheureusement le pire est à craindre."
Parce que la France "ne négocie pas"
A l'heure de confirmer la véracité de la vidéo de revendication de l'enlèvement d'Hervé Gourdel, Laurent Fabius a tenu à être clair : "Pas question de céder aussi peu que ce soit aux menaces d'un groupe terroriste" a indiqué le ministre des Affaires étrangères, avant d'être imité par Manuel Valls. Paris ne cédera donc pas aux demandes des ravisseurs, qui exigent de la France un arrêt des frappes visant l'Etat islamique en Irak.
Ce refus d'entrer en négociations avec les terroristes affaiblit également l'hypothèse du versement d'une rançon. La France a toujours affirmé ne jamais avoir payé des ravisseurs pour faire libérer des ressortissants français enlevés. Une affirmation remise en question par Barack Obama, qui a accusé la France d'enrichir les jihadistes en échangeant des otages contre des millions d'euros, comme le relevait Le Figaro. Une mise en cause démentie par le Quai d'Orsay, puis par François Hollande. Dans ce contexte, des négociations de cette nature pourraient être périlleuses pour la diplomatie française, engagée contre l'EI, aux côtés de Washington, en Irak.
Parce qu'une intervention armée sera difficile
En étant capturé par un groupe jihadiste en Kabylie, Hervé Gourdel est tombé dans un piège. Car la région, très accidentée et très difficile d'accès, est un lieu privilégié pour les groupes terroristes, une "zone de transit" jihadiste, comme l'explique TSA, Tout sur l'Algérie. Le site d'informations algérien explique que les militaires algériens ne se déplacent dans la région "qu'en très grand nombre", en raison de l'insécurité qui y règne.
Dès lundi soir, quelques heures après l'annonce de l'enlèvement du Français, l'armée algérienne a lancé une grande opération de ratissage des environs. Mais TSA explique que cette opération a peu de chances d'aboutir, avant tout parce que la revendication du rapt a été effectuée 24 heures après l'enlèvement, soit un laps de temps suffisant aux ravisseurs pour quitter la zone. Un officier algérien, cité par TSA, ajoute que "les chances de retrouver vivant ce touriste sont très minces".
Pour Alain Marsaud, député UMP des Français de l'étranger, et ancien magistrat antiterroriste, les chances de sortie d'Hervé Gourdel sont "nulles". Car, comme il le déclare sur RTL, "nous n'avons pas la capacité, et les Algériens [non plus], de régler ce problème".
Pour des raisons diplomatiques, des soldats français n'obtiendront en effet pas l'aval d'Alger pour mener eux-mêmes une opération de sauvetage d'un otage français, comme ils ont pu le faire en Somalie, en 2013. Après la prise d'otages d'In Amenas, en Algérie, en janvier 2013, Pierre Servent, spécialiste des questions de défense, avait expliqué que "les Algériens ne supportaient pas que, sur des questions de défense, d'autres pays puissent s'impliquer" chez eux.
L'épisode d'In Amenas avait donné lieu à un assaut des forces algériennes sur un complexe pétrolier tenu par des jihadistes retenant en otages plusieurs centaines de personnes, dont 134 étrangers. Durant l'assaut, 38 otages ont été tués, dont un Français, ce qui avait provoqué de nombreuses critiques contre l'opération militaire algérienne.
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