Guerre entre Amazon et Hachette : un roman en 5 chapitres
Samedi 9 août, à la veille de la publication dans le New York Times d'une tribune d'auteurs prestigieux demandant aux deux parties de se mettre enfin d'accord, francetv info revient sur ce bras de fer.
La guerre est déclarée entre Amazon et Hachette. Depuis plusieurs mois aux Etats-Unis, le géant de la vente de biens culturels en ligne et la maison d'édition sont engagés dans des négociations commerciales très tendues autour de l'épineuse question du prix du livre électronique. Le distributeur dit vouloir un prix unique à 9,99 dollars pour nombre d'entre eux, contre de 12,99 à 19,99 dollars actuellement.
Samedi 9 août, à la veille de la publication dans le New York Times d'une tribune d'auteurs prestigieux demandant aux deux parties de se mettre enfin d'accord, francetv info revient sur ce bras de fer.
Chapitre 1 : Amazon est accusé de faire pression sur les éditeurs
Amazon ne cache pas son ambition : obtenir des prix plus favorables de la part de certains éditeurs, dont Hachette, afin d'augmenter ses marges, notamment sur le segment des livres électroniques où il est l'un des principaux acteurs grâce à sa liseuse Kindle. En pleine renégociation d'accords commerciaux avec Hachette, ce dernier met donc la pression sur l'éditeur, mais pas seulement : Amazon se met à dos plusieurs maisons d'édition aux Etats-Unis, usant de méthodes douteuses (en anglais), voire punitives. Par exemple, Amazon a allongé les délais de livraison des livres concernés par certains éditeurs. Pour d'autres, le site a carrément empêché aux clients de les précommander. Or, il s'agit d'un indicateur précieux pour les maisons d'édition, puisqu'il leur permet de mesurer l'attente autour de leurs futures sorties.
Pour marquer le coup, Amazon rend notamment impossible la précommande d'un roman de J.K. Rowling, l'auteur de la populaire saga Harry Potter.
Chapitre 2 : Amazon assure être dans son bon droit
En mai, la tension monte d'un cran entre Amazon et l'éditeur Hachette Book Group : le géant américain sort de son silence et, pour la première fois, se dit peu optimiste sur l'issue des négociations commerciales en cours. Pour répondre à ses détracteurs, le leader de la vente de biens culturels rappelle alors les règles commerciales de base: "Les fournisseurs décident des termes selon lesquels ils veulent vendre à un distributeur. Par réciprocité, un distributeur a le droit de déterminer si les conditions de l'offre sont acceptables et de stocker les produits conformément à cet accord", se défend le groupe américain.
"Lorsque nous négocions avec les fournisseurs, nous le faisons au nom des clients", poursuit Amazon. Et d'ajouter, concernant les pratiques douteuses qu'il est accusé de pratiquer : "Les perturbations affectent un petit nombre de demandes. Si vous commandez 1 000 produits chez Amazon, 989 ne seront pas affectés. Si vous voulez obtenir rapidement l'un des titres touchés, nous (...) vous encourageons à acheter une nouvelle version ou une ancienne version chez un de nos vendeurs tiers ou chez l'un de nos concurrents."
Aussitôt Hachette Book Group fait part de son souhait de reprendre "des relations d'affaires normales" avec le distributeur américain "mais selon des conditions qui reconnaissent de manière appropriée, pour les années à venir, le rôle unique de l'auteur dans la création des livres, et le rôle de l'éditeur dans leur édition, leur commercialisation et leur distribution".
Chapitre 3 : les auteurs s'en mêlent
Début juillet, plusieurs grandes plumes américaines et britanniques somment Amazon de cesser de prendre les livres, les auteurs et les lecteurs "en otage". Douglas Preston, un auteur américain de romans d'horreur, rallie notamment à sa cause une soixantaine d'écrivains à succès dont James Patterson et David Morrell, comme lui édités chez Hachette. Scott Turow, président de la "Authors Guild" - l'association américaine de défense des intérêts des écrivains - co-signe cette lettre dont des extraits sont publiés par le Wall Street Journal.
"Nous sommes fermement convaincus qu'aucun libraire ne devrait ni empêcher, ni gêner la vente de livres, ni même décourager les clients de commander ou de vouloir recevoir les livres qu'ils désirent", expliquent les écrivains qui se défendent de prendre un quelconque parti dans ce conflit. Ils demandent à Amazon "de cesser de porter atteinte au gagne-pain des auteurs sur lesquels il a bâti son commerce", appelant les lecteurs à écrire au fondateur d'Amazon, Jeff Bezos à l'adresse jeff@amazon.com.
En quelques semaines, plus de 900 auteurs signent une pétition qui doit d'ailleurs faire l'objet dimanche 10 août d'une publicité en pleine page dans leNew York Times.
Chapitre 4 : Amazon propose une sortie de crise
Pour sa part, Amazon assure que le conflit est mené dans l'intérêt des lecteurs car il œuvre pour une baisse du prix des livres électroniques. Afin de reprendre la main dans sa guerre commerciale contre Hachette, l'Américain propose alors, dans un courrier relayé par la presse, toujours au début du mois de juillet, de verser aux auteurs publiés par l'éditeur français la totalité des recettes issues des ventes de leurs livres électroniques, rapporte la presse américaine.
Dans cette missive, le mastodonte de la vente en ligne se propose aussi de suspendre tous les retards de livraison et d'en finir avec les ajustements de prix mis en place pour forcer la main à Hachette dans leurs négociations. Mais la "Authors Guild" rejette cette proposition.
Chapitre 5 : Amazon vise le patron d'Hachette et convoque Orwell
Dans une lettre publiée samedi 9 août sur le site readersunited.com (en anglais), Amazon enjoint les lecteurs à se mobiliser. Publiant l'adresse électronique du patron de Hachette Book Group, Michael Pietsch, ils les invitent à lui écrire pour faire pression et faire pencher la balance de son côté dans ce conflit commercial qui dure depuis plus de cinq mois.
"Nous sommes convaincus que rendre les livres accessibles est bon pour la culture. Nous avons besoin de vous. S'il vous plaît écrivez à Hachette et mettez-nous en copie", écrit Amazon. Le groupe américain va jusqu'à suggérer des revendications types, dont l'une est d'accuser Hachette d'"entente illégale" pour maintenir élevés les prix des livres électroniques. "Nous n'abandonnerons pas le combat pour des prix de livres électroniques raisonnables."
Pour solidifier sa défense, Amazon affirme par exemple que l'écrivain britannique George Orwell avait, dans les années 30, conseillé aux éditeurs de s'unir pour tuer le livre de poche. "Beaucoup croyaient que les livres de poche, parce qu'ils étaient moins coûteux, allaient détruire la culture littéraire et affaiblir l'industrie du livre, avance Amazon. L'histoire n'est pas en train de se répéter telle quelle mais il y a comme un écho."
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