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Amérique latine: une diaspora syrienne bien implantée depuis un siècle et demi

Du Venezuela au Brésil, en passant par le Chili et l'Argentine, les principaux dirigeants sud-américains ont offert un refuge dans leur pays aux Syriens fuyant les combats. Vers la fin du XIXe siècle déjà, chassés par les persécutions qu'ils subissent dans l'Empire ottoman, les premiers Syriens et Libanais débarquent sur les côtes brésiliennes. Leurs descendants y ont gravi les échelons du succès.
Article rédigé par Véronique le Jeune
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Carte postale d'un bateau amenant des immigrants arabes dont des Syriens vers le Brésil de Lisbonne à Santos, en 1922. (Inconnu — Cartão Postal)

Dans la lignée syrienne présente en Amérique du Sud, on compte des médecins, des professeurs d'université, des hommes d'affaires, des financiers et même un ancien président argentin (1989-1999). Carlos Saul Menem, né en 1930 de parents immigrés syriens, fut élevé dans la foi musulmane mais, pour satisfaire ses ambitions politiques, se convertit au catholicisme, la religion officielle en Argentine. Comme lui, beaucoup ont très vite adopté la langue espagnole ou portugaise et transformé leur patronyme. Le gage d'une assimilation rapide.

La grande majorité des exilés syriens de l'époque ottomane est chrétienne. Le massacre de Damas en juillet 1860, au cours duquel 6.000 chrétiens ont péri sous les coups des musulmans, l'extension aux chrétiens du service militaire obligatoire décidée en 1909 ou encore la grande pauvreté liée au statut de citoyens de seconde zone imposé par l'Empire sont autant de raisons qui ont poussé la communauté syrienne à embarquer sur des navires en partance pour «l'Amrik», la possibilité d'une vie nouvelle.

De la vente ambulante à l'industrie textile
C'est au Brésil, plus précisément dans l'Etat de São Paulo, que les Syriens s'établisssent en plus grand nombre. Issus pour beaucoup de familles d'agriculteurs, ils préfèrent s'orienter rapidement vers le commerce, une activité qui leur réussit. Ils commencent comme vendeurs ambulants dans les grandes villes, proposant toutes sortes d'accessoires – peignes, miroirs, savons (d'Alep?), boutons – avant de s'établir dans des boutiques et de se lancer dans la vente de tissu, dont la qualité fera leur réputation.

Puis, de fil en aiguille, de plus en plus de boutiques syriennes ouvrent à São Paulo, jusqu'à plus de 500 dès 1901. Devenus prospères, les petits commerçants du début investissent dans l'industrie textile et tirent l'économie du pays vers le haut. Mais l'empreinte de la communauté syrienne se fait sentir aussi dans le milieu de la santé avec l'ouverture en 1931 du prestigieux hôpital syro-libanais de São Paulo, reconnu pour son excellence. C'est là que le président Lula se fera soigner pour un cancer du larynx en 2011.

Outre leur présence enracinée au Brésil, les communautés syriennes les plus importantes se retrouvent au Venezuela – un pays qui s'engage aujourd'hui à recevoir 20.000 réfugiés, foi de Nicolas Maduro, le président – au Chili, en Argentine, où l’immigration arabe est la troisième la plus nombreuse du pays, les Syriens étant les plus représentés. Ils sont aussi installés dans une moindre mesure en Equateur, le plus petit pays d'Amérique latine. Faute de statistiques précises, leur nombre exact n'est pas connu mais on évalue généralement la population sud-américaine d'origine arabe dans son ensemble à environ 15 millions de personnes.

Les chefs d'Etat sud-américains ouvrent leurs portes aux réfugiés syriens d'aujourd'hui
Avec plus de 2.000 réfugiés syriens, le Brésil est le pays d'Amérique latine qui a accueilli le plus de ressortissants de cette nationalité depuis le début de la guerre civile en 2011. Depuis deux ans, le géant latino-américain a d'ailleurs assoupli les procédures d'immigration pour les Syriens.

Sans donner de perspective chiffrée, la présidente Dilma Rousseff (gauche) a récemment déclaré être prête à accueillir «à bras ouverts les réfugiés» qui, «expulsés de leur patrie, voudraient venir vivre, travailler et contribuer à la prospérité et à la paix du Brésil». Un Brésil qui, tombé en récession, n'est pourtant en mesure de ne donner ni allocations ni logement ni emploi aux arrivants.

D'autres pays comme le Chili ou l'Argentine, dont le programme mis en place en octobre 2014 a permis l'accueil de 90 réfugiés, ont emboité le pas au Venezuela, lui aussi en crise économique, et au Brésil.

L'Uruguay, 3,4 millions d'habitans, a, pour sa part, renouvelé son offre d'asile à sept familles de réfugiés syriens alors que les cinq familles déjà reçues sur le territoire fin 2014 réclament haut et fort de pouvoir quitter le pays, faute d'avoir su s'adapter. Signe que générosité et hospitalité sont loin d'être des conditions de réussite suffisantes dans ce difficile et délicat dossier, devenu international.

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