Argentine : que propose Javier Milei, le nouveau président ultralibéral qui promet un "traitement de choc" au pays ?
Il a salué "une nuit historique pour l'Argentine". L'économiste ultralibéral argentin Javier Milei, polémiste antisystème et admirateur de Donald Trump, a été élu président de l'Argentine, dimanche 19 novembre. Le candidat, qui tient certaines positions d'extrême droite, l'a emporté avec plus de 55% des voix face à son rival de centre-gauche, le ministre de l'Economie sortant, Sergio Massa.
Le nouveau dirigeant argentin, qui se définit volontiers comme "anarcho-capitaliste", propose notamment une dollarisation de l'économie du pays et un "traitement de choc" budgétaire. Il rejette également la responsabilité humaine dans le réchauffement climatique et s'oppose au droit à l'avortement. Des alliances lui seront toutefois indispensables pour mener à bien son programme. Au Parlement, son parti n'est que la troisième force, derrière les blocs de centre-gauche et de centre-droit. Si Javier Milei parvient à obtenir les soutiens nécessaires, quelles mesures souhaite-t-il mettre en place pour mettre fin, comme il l'affirme, "à la décadence argentine" ? Eléments de réponse.
L'adoption du dollar pour remplacer le peso
L'économiste de formation, élu député en 2021, a défini comme mesure clé de son mandat la dollarisation de l'économie argentine, sur fond d'inflation galopante – un mal chronique depuis des décennies en Argentine. Celle-ci a dépassé 142% sur un an, selon la Banque centrale du pays. Le président élu propose ainsi de remplacer le peso, devise nationale qu'il qualifie d'"excrément", par le dollar d'ici 2025. Un "mirage", selon plus de 200 économistes, qui ont publié une lettre début septembre. Selon ces experts cités par Le Monde, l'Argentine deviendrait encore plus fragile face aux "chocs externes" et connaîtrait "des périodes de récession répétées et (...) un taux de chômage élevé".
En parallèle, Javier Milei propose de "dynamiter" la Banque centrale argentine. Une mesure jugée "dystopique" par l'économiste Martin Epstein, interrogé par le quotidien du soir. "N'importe quel pays un minimum développé possède une banque centrale", relève-t-il.
Une "tronçonneuse" pour les dépenses publiques
Lors de sa campagne présidentielle, Javier Milei a brandi, à plusieurs reprises, une tronçonneuse, symbole des coupes budgétaires drastiques à venir en cas de victoire. Le nouveau président entend réduire les dépenses publiques de 15% du PIB et en finir avec "cette aberration appelée justice sociale, synonyme de déficit budgétaire".
Pour obtenir cette "forte réduction des dépenses publiques", le nouveau dirigeant argentin propose de privatiser les 34 entreprises publiques du pays, d'éliminer des subventions sur le gaz et l'électricité, ou encore de mettre en place un système d'appel d'offres privé pour les travaux publics, énumère le magazine britannique The Economist. Il entend également réduire le nombre de ministères, mettre fin aux retraites versées aux anciens présidents, à des juges ou diplomates, ou encore réduire les fonds versés aux provinces en Argentine.
Javier Milei s'était toutefois voulu plus rassurant vers la fin de la campagne présidentielle, dans un pays où 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté. "Nous n'allons pas privatiser la santé, pas privatiser l'éducation", a-t-il promis dans son dernier clip de campagne.
Des propositions antiféministes, notamment sur l'IVG
Dans sa volonté de réduire abruptement les dépenses publiques, Javier Milei propose de supprimer le ministère des Femmes, des Genres et des Diversités. Une mesure à l'image des convictions antiféministes du nouveau président argentin, qui déclarait en mai 2022 : "Je ne m'excuserai pas d'avoir un pénis". Javier Milei nie également volontiers l'existence d'inégalités salariales entre les femmes et les hommes, malgré un écart qui atteint 27,7% en Argentine. "Si les femmes gagnaient moins que les hommes, les entreprises en seraient remplies, car les patrons veulent gagner de l'argent !", a-t-il lancé lors d'un débat télévisé au mois d'octobre.
Le nouveau dirigeant argentin s'oppose aussi au droit à l'avortement, légalisé jusqu'à la 14e semaine de grossesse depuis décembre 2020. Javier Milei souhaite organiser un référendum sur le sujet et considère l'interruption volontaire de grossesse comme un meurtre. "Evidemment, la femme a les droits sur son corps, mais l'enfant n'est pas son corps", estime-t-il.
Dans la lignée de ses propos antiféministes, Javier Milei critique aussi l'éducation sexuelle à l'école et ce qu'il appelle "l'idéologie de genre", pointe Le Monde. Il défend toutefois la primauté des libertés individuelles sur d'autres sujets, comme la légalisation des drogues "tant que cela n'implique pas l'aide de l'Etat". Le nouveau président argentin se dit, en outre, en faveur de la dérégulation de la vente d'armes, mais également d'une "solution de marché" pour le don d'organes.
Un programme climatosceptique
Pour Javier Milei, malgré le consensus scientifique sur la question, le réchauffement climatique n'est pas la conséquence des activités humaines mais "un mensonge des socialistes", relève Reporterre. "Il existe, dans l'histoire de la Terre, un cycle de températures", avait-il aussi déclaré début octobre lors de la campagne présidentielle. Celui qui affirme qu'il "n'y aura pas de marxisme culturel" sous sa présidence avait alors exprimé son refus d'adhérer à l'agenda 2030 de l'ONU, qui prévoit un programme de 17 objectifs de développement durable à atteindre d'ici la fin de la décennie.
Libertarien, le nouveau président argentin est allé jusqu'à défendre l'idée de privatiser des fleuves en Argentine, rapporte le quotidien. "Si l'eau se fait rare, elle arrête de ne rien valoir et alors un commerce commence, et vous allez voir comment la pollution [des entreprises] se termine", a-t-il notamment déclaré pendant la campagne.
Une vision polémique sur l'héritage de la dictature
Pendant la campagne présidentielle, les propos tenus par Javier Milei sur la dictature militaire ont choqué, laissant entendre une révision de l'histoire de cette période (1976-1983). "Pendant les années 1970, il y a eu une guerre. Et pendant cette guerre, les forces de l'Etat ont commis des excès", a-t-il déclaré début octobre, rapporte Le Monde. Le président élu a également contesté le bilan des morts et des disparus (environ 30 000 personnes selon les organismes des droits humains) pendant ces années noires de l'histoire argentine. Javier Milei divise également avec sa proposition d'une justice "équitable" pour les militaires en détention préventive, dans le cadre des 360 procédures en cours pour crimes pendant la dictature.
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