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Aux Etats-Unis, le scandale des enfants adoptés puis donnés sur internet

Une longue enquête de l'agence Reuters relate l'expérience de Quita, une jeune Libérienne adoptée aux Etats-Unis et donnée à une autre femme par sa famille d'accueil, via un forum. Un phénomène qui n'est pas isolé.

Article rédigé par franceinfo
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Nicole Eason, qui s'est procuré une adolescente sur un forum internet, pose dans son salon à Tucson (Arizona), le 7 mai 2013. (SAMANTHA SAIS / REUTERS)

Quita Puchalla est née au Liberia, mais a été adoptée par une famille du Wisconsin (Etats-Unis) à son adolescence. Jugée "difficile" et parfois "violente", elle irrite de plus en plus sa famille d'accueil, qui décide de s'en séparer en 2008. Pour cela, la mère, Melissa Puchalla, contacte une famille sur internet, via un forum. Elle obtient une réponse rapidement. Nicole Eason, alias "Big Momma", se montre intéressée. Après quelques échanges en ligne, Melissa Puchalla décide de lui donner l'enfant, en toute illégalité. 

L'enquête menée par l'agence Reuters (en anglais), publiée lundi 9 septembre, relate cet édifiant "transfert" d'enfant. Pour seul document administratif attestant de leur capacité à élever une enfant adoptée, les Eason livrent cette feuille, en prétendant qu'elle émane des services sociaux de l'Illinois. Melissa Puchalla ne se méfie pas. Elle livre sa fille aux Eason, quelques heures après être arrivée dans leur mobile home vétuste. Puis repart chez elle en voiture. Quita Puchalla s'appelle désormais Quita Eason. La "transaction" n'a coûté que le prix de l'essence pour faire le trajet entre les deux domiciles.

Les forums en ligne facilitent ce trafic

Le cas de Quita est loin d'être isolé. L'agence Reuters a analysé plus de 5 000 messages postés depuis cinq ans sur sept groupes ou forums en ligne, six sur Yahoo! et un sur Facebook. "La plupart des enfants proposés à l'échange ont entre 6 ans et 14 ans. Le plus jeune avait 10 mois, écrit l'agence. Ils viennent généralement de Russie, de Chine, d'Ethiopie ou d'Ukraine." 

Les parents qui souhaitent se débarrasser des enfants adoptés qu'ils ne désirent plus élever parlent de "re-homing", un terme habituellement utilisé pour les animaux domestiques. Tous ces "re-homing" ne sont pas illégaux : dans certains cas, et sous le contrôle de la justice, l'enfant peut être placé dans une famille d'accueil, le temps que les tensions s'apaisent entre lui et ses parents, par exemple.

Photo de Todd et Melissa Puchalla dans leur salon à Kiel (Wisconsin), le 8 mai 2013. (SARA STATHAS / REUTERS)

Mais les échanges illégaux prennent des proportions inquiétantes. "Avec internet, les parents trouvent plus facilement d'autres parents intéressés", écrit Reuters, d'autant que les conditions pour adopter deviennent de plus en plus strictes aux Etats-Unis. Presque gratuit et immédiat, le "re-homing" a de solides arguments pour séduire des parents en mal d'enfant. Des parents pas toujours bienveillants. Ceux qui ont accueilli Quita lui ont ainsi proposé de venir dormir avec eux dès la première nuit. "La femme était nue, se souvient Quita. Je ne voulais pas les rejoindre, j'ai dit non."

Aucune condamnation

Heureusement pour la jeune fille, les Eason éveillent rapidement les soupçons. Deux semaines après l'arrivée de Quita dans l'Illinois, Melissa Puchalla, voulant prendre des nouvelles de l'adolescente auprès de son école, apprend qu'elle ne s'y est jamais présentée. L'établissement alerte alors les services sociaux. Quita et Nicole Eason sont retrouvées quelques jours plus tard par la police dans l'Etat de New York. Quita est placée une nuit en foyer, puis renvoyée dans sa première famille, dans le Wisconsin. Aucune condamnation n'a été prononcée.

Aujourd'hui âgée de 21 ans, Quita vit toujours dans le Wisconsin. Elle se souvient d'une période de sa vie "cauchemardesque". Et en veut à ses parents libériens de l'avoir abandonnée enfant. "Pourquoi se sont-ils séparés de moi, alors qu'ils m'avaient conçue ?"  

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