Colombie : l'Etat demande pardon à une journaliste violée et torturée
Le directeur général de l'Agence nationale de défense juridique de l'Etat colombien a accepté "la responsabilité internationale pour les failles du système judiciaire".
L'Etat colombien a demandé pardon à la journaliste Jineth Bedoya, mardi 23 mars devant la Cour interaméricaine des droits humains, victime en 2000 de sévices avec la complicité présumée d'agents de la force publique. La reporter, aujourd'hui âgée de 47 ans, travaillait pour le journal El Espectador quand un groupe de paramilitaires l'avait enlevée devant une prison à Bogota. Elle avait été torturée et violée pendant seize heures, avant d'être abandonnée nue au bord d'une route.
Le directeur général de l'Agence nationale de défense juridique de l'Etat colombien, Camilo Gomez, a accepté "la responsabilité internationale pour les failles du système judiciaire" et "pour le non-respect du devoir de diligence dans les enquêtes sur les menaces" dénoncées par la journaliste, prix mondial de la liberté de la presse de l'Unesco 2020. Lors de cette audience virtuelle devant la cour, entité judiciaire de l'Organisation des Etats américains (OEA), l'Etat a demandé "pardon à Jineth Bedoya pour ces faits et pour les dommages qu'ils lui ont causés". Il a également admis que "ces omissions ont porté atteinte à ses droits à la dignité, à un projet de vie, à l'intégration personnelle, aux garanties et à la protection judiciaires", selon l'avocat Camilo Gomez.
Jineth Bedoya évoque "une gifle de plus"
La journaliste, qui accuse la cour de partialité, a estimé que l'Etat ne proposait qu'une demande de "pardon partiel" et "une gifle de plus". "[Des excuses totales] impliquent de reconnaître qu'il y a une absence de toute investigation, mais surtout d'appui à une femme qui a subi la pire des violences (...) la violence sexuelle", a déclaré Jineth Bedoya lors d'une conférence de presse.
En 1999, avant son enlèvement, la journaliste et sa mère Luz Nelly Lima avaient en outre été la cible d'un attentat. L'Etat a aussi présenté des excuses "pour le manque d'investigation de l'attaque". "Le dommage causé à ma mère et moi pour les violations subies depuis plus de vingt ans et l'impunité (...) ne nous ont pas permis de clore le cycle de violence et de récupérer nos vies", a dénoncé Jineth Bedoya. Elle a demandé des mesures de protection, ainsi que la fermeture de la prison devant laquelle elle avait été enlevée et sa transformation en espace de mémoire.
La défense de l'Etat a pour sa part assuré qu'il n'y a pas de preuves "suffisantes pour démontrer la participation d'agents de la force publique" et qu'il est impossible de fermer l'établissement. Aucun délai n'est imposé à la Cour pour rendre ses décisions, qui sont sans appel.
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