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Costa Rica : la «démocratie verte» est-elle en train de perdre son âme?

A l’étranger, le Costa Rica (4,8 millions d’habitants) est souvent présenté comme la «Suisse de l’Amérique centrale». Le pays est notamment réputé pour son tourisme écologique, lié à la richesse de son écosystème. Mais le modèle est peut-être en panne…
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Coucher de soleil sur la côte Pacifique du Costa Rica, dans le parc national Manuel Antonio le 26 août 2014. (AFP - Biosphoto - Minden Pictures - Tim Fitzharris)

Le Costa Rica est l’une des démocraties les plus stables d’Amérique centrale. Qui a aboli l’armée en 1948. Qui autorise les couples homosexuels à s’inscrire à la Sécurité sociale. Où la population est habituée à célébrer la «fête civique» que constituent les élections. Où le Parlement a voté une loi (en avril 2014) établissant que l’eau est un bien public, que comme tel, elle doit être protégée par l’Etat et ne peut être privatisée. Par ailleurs, les autorités ne se sont pas laissé séduire par les sirènes de l’exploitation minière ou pétrolière, principales ressources de nombreux pays latino-américains. Et en 2012, elles ont été les premières en Amérique latine à interdire la chasse sportive commerciale.

Cette importance accordée au thème de l’environnement, qui vaut au pays le titre flatteur de «démocratie verte», vise à protéger un patrimoine naturel exceptionnel : plages paradisiaques, épaisses forêts tropicales, volcans imposants… L’écosystème costaricain, particulièrement riche (il renfermerait 6% de la biodiversité planétaire), est ainsi protégé par un ensemble de réserves naturelles. Lesquelles couvrent 25% d’un territoire de 51.000 km², dont trois classées au Patrimoine mondial de l’Unesco.
 
Un paradis, le Costa Rica ? Oui, si l’on regarde les brochures touristiques. Par ailleurs, le pays est souvent présenté comme un modèle dans une région géopolitique instable. Ne serait-ce que parce qu’en avril 2014, les Costaricains ont choisi en toute indépendance un nouveau président, le centriste Guillermo Solis, avec 77,87% des voix au second tour (son adversaire s’était retiré de la course). Malgré une abstention de 43,2%, qualifiée d’«historique», et lors d’une campagne marquée par une atonie peu commune dans ce pays, les électeurs ont sanctionné la présidente sortante Laura Chinchilla, issue du Parti libération nationale (droite). Motifs : des scandales de corruption et une mauvaise gestion économique.

Ralentissement économique
Certes, aujourd’hui, la situation de l’économie reste enviable. Le PIB par habitant est l’un des plus élevés d’Amérique latine (10.166 dollars), ce qui a permis de doter le pays d’un haut niveau de protection sociale.

Mais le Costa Rica n’en est pas moins confronté à de grosses difficultés. En 2013, la croissance a baissé, à 3,5%, contre 5% l’année précédente. La dette publique atteint désormais 50% du PIB. Et en quatre ans, le taux de pauvreté est passé de 17 à plus de 20% de la population. Tandis que le taux de chômage atteint 7,9%. Il est même de 20% chez les jeunes de moins de 20 ans.

Un toucanet émeraude (Aulacorhynchus prasinus) se nourrissant d'un fruit de la passion, quelque part au Costa Rica, le 23 août 2014.       (AFP - Biosphoto - Minden Pictures - Michael et Patricia Fogden)

Alors que la croissance a notamment été dopée par les investissements étrangers, ceux-ci ont tendance à régresser. En avril, les deux géants américains Bank of America et Intel ont dévoilé la suppression de 3000 emplois. Le groupe bancaire a même annoncé qu’il quittait le pays.

Le développement contre l’environnement ?
Dans le même temps, au cours de la décennie écoulée, la richesse de l’environnement a été durement mise à mal par le développement économique. Alors que son patrimoine naturel a permis au Costa Rica de se forger une image de tourisme écologique, secteur essentiel pour l’économie : 2,3 millions de visiteurs (39 % sont américains, 12,4% européens) sont venus en 2013, apportant avec eux 2,1 milliards de dollars.
 
Mais en une décennie, le milieu naturel a pâti d’une administration déficiente de ses zones protégées et de la pollution croissante de l’air, des sols et des cours d’eau. Ainsi, selon le rapport sur l'Etat de la Nation 2013, prestigieuse étude annuelle des universités publiques, 96,4% des eaux usées sont rejetées dans la nature sans aucun traitement.

Des associations écologistes dénoncent également les grandes exploitations de production d'ananas (dont le pays est le premier exportateur mondial) pour la pollution qu'elles provoquent. L'organisation Pretoma regrette que le pays, baigné par l'océan Pacifique et la mer des Caraïbes, favorise l'exploitation irraisonnée de ses ressources maritimes et la pollution de ses côtes.

Mais le problème le plus prégnant demeure les émissions de gaz à effet de serre, qui ont augmenté de 43,2% en 10 ans, en raison surtout de l'accroissement du parc automobile, selon le rapport sur l’Etat de la Nation. «L'air est trop pollué et les gouvernements ont manqué d'autorité et permis cette perte de contrôle» par l’Etat des ressources écologiques, regrette le coordinateur de l'organisation Preserve Planet, Luis Diego Marin, interrogé par l’AFP.
 
La dégradation de l’environnement a parfois tendance à prendre un tour violent. En 2013, le meurtre du jeune militant écologiste Jairo Mora, défenseur des tortues marines, a ainsi choqué l’opinion costaricaine. Mais malgré cette évolution, la classe politique ne semble pas avoir pris conscience de l’importance des enjeux : ceux-ci ont été totalement absents pendant la campagne présidentielle de 2014. Les programmes des principaux partis s’accordaient sur le diagnostic. Mais restaient vagues sur les remèdes…

Echappées Belles (France 5) sur le Costa Rica

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