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Eric Samson sur les négociations de paix avec les Farc

Correspondant pour les médias français en Amérique du Sud, Eric Samson estime que le gouvernement colombien est en position de force dans les discussions face à la guérilla marxiste.
Article rédigé par Florencia Valdés Andino
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des militaires se préparent à affronter des membres des Farc dans les montagnes colombiennes de Caloto, en juillet 2012. (LUIS ROBAYO / AFP)

Le président colombien Juan Manuel Santos a annoncé le 4 septembre 2012 l’ouverture des négociations avec le mouvement armé. Les guerilleros ont confirmé à leur tour vouloir entamer un processus de paix. Un évènement historique que la presse colombienne ne manque pas de saluer.

Les négociations se tiendront en Norvège, terrain neutre, pendant la première quinzaine d’octobre. Elles se poursuivront à Cuba. Ce long processus devrait s’achever avant 2014, l’échéance que le président Santos s’est fixée. Ce nouveau dialogue de paix constitue la quatrième tentative de négociations en trente ans avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie.

En 2002, le gouvernement colombien avait cédé un territoire grand comme la Belgique aux Farc qui en ont profité pour se remilitariser. Juan Manuel Santos assure avoir retenu les leçons de cet échec. Il souhaite rester ferme face aux combattants qui terrorisent la Colombie depuis cinquante ans. Malgré des négociations très discrètes entamées depuis des mois, la guérilla marxiste la plus vieille au monde continue à perpétrer des attaques.

Après plusieurs tentatives de négociations qui se sont soldées par un échec, en quoi le contexte est-il différent aujourd’hui ?
Depuis quelques années, les Farc s’affaiblissent. Des membres clés de leur état-major ont été éliminés ou sont morts comme Manuel Marulanda, appelé Tiro Fijo, leur leader suprême tué en 2008. La guérilla ne s’en remet pas, même si elle continue à recruter, notamment chez les enfants. Mais elle a perdu de sa superbe : elle est passée de 16.000 recrues à environ 10.000, tout au plus, selon des estimations qui ne peuvent pas être tout à fait exactes, bien sûr.

Par ailleurs, les moyens des Farc sont moins importants. Ils ont de plus en plus du mal à se cacher dans la forêt, par exemple. Les moyens technologiques au service de l’armée colombienne sont capables de les repérer. Alors qu’ils utilisaient des téléphones satellitaires il y a quelques années, aujourd’hui ils communiquent à l’aide de clés USB. Cela fait au moins un an que les Farc veulent établir un processus de paix pour s’en sortir par le haut.

Quels sont les atouts de Juan Manuel Santos dans cette négociation ?
Le président colombien a un atout de taille. C’est un dur. Les Colombiens se souviennent de lui comme le ministre de la Défense de l’ancien président, Alvaro Uribe, qui a orchestré la chute de Raul Reyes, N°2 des Farc, entre autres.

Deuxième atout : alors que son prédécesseur était lié aux paramilitaires, il n’est pas concerné par des affaires sordides avec les milices d’extrême-droite. L’AUC est placée sur la liste officielle des organisations terroristes. 

Troisième atout : l’économie colombienne se porte bien. Elle vient de dépasser l’économie argentine. Une bonne nouvelle profitant à Santos qui a l’image d’un homme qui travaille pour son pays. Un dernier atout, alors que les relations étaient tendues avec l’Equateur et le Venezuela, le chef d’Etat colombien a réussi à calmer le jeu.

Comment les Farc vont-elles essayer de peser dans la négociation ?
Bien que la guérilla ait perdu de son aura, l’idéal marxiste persiste en Amérique Latine. Même les pays les plus modérés comme le Chili n’osent pas s’attaquer au mythe de Cuba. Les Farc bénéficient donc d’une certaine popularité dans le continent.

On sait que le Venezuela protège la guérilla. Ce qui ne va pas aider dans les négociations. De plus, le pouvoir de nuisance des Farc est loin d’être contrecarré. La guérilla est devenue un cartel de la drogue. Les Farc protégeaient les narcotrafiquants qui traversaient leur territoire et leurs opérations sont financées grâce à ce commerce illicite et aux enlèvements.

Leur pouvoir est plus lié aujourd’hui à la coke qu’à leur puissance militaire et aux principes révolutionnaires qu’elles défendaient. Les négociations s’annoncent donc corsées. Certains auront du mal à renoncer à un train de vie que seul les trafics peuvent alimenter.

Le journaliste Roméo Langlois enlevé par les Farc

Sujet de Dorothée Ollieric diffusé dans le 20h de France 2, le 29 avril 2012.

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