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Etats-Unis : entre pro et anti-armes, c'est la guerre des tranchées

Après le drame de Newtown, le 14 décembre, et l'assassinat de deux pompiers dix jours plus tard, dans l'Etat de New York, le débat sur le contrôle des armes divise le pays.

Article rédigé par Jelena Prtoric
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des fusils à vendre lors d'un salon à Kansas City (Missouri, Etats-Unis). (DAVE KAUP / REUTERS)

"Vous êtes un homme incroyablement stupide, n'est-ce pas ?"  Le journaliste de CNN Piers Morgan n'a pas pris de gants face à Larry Pratt, directeur d'une association américaine de détenteurs d'armes, la Gun Owners of America (GOA). Lors d'une interview sur CNN, son interlocuteur venait de suggérer d'augmenter le nombre d'armes en circulation pour empêcher les fusillades. Depuis l'altercation, le lobby des armes a riposté. Il a lancé une pétition contre Piers Morgan, qui est britannique, demandant son expulsion du pays. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la question du contrôle des armes reste très sensible aux Etats-Unis. 

L'histoire d'un pays armé jusqu’aux dents

Environ 310 millions d'armes à feu sont en circulation aux Etats-Unis. Soit 88 armes pour 100 personnes (infographie en anglais), enfants compris. Leur vente génère un chiffre d’affaires d’environ 7 milliards de dollars chaque année, explique France 24.

Le droit de porter des armes repose sur un argument historique. Du XVIe au XVIIIe siècles, au temps des treize colonies britanniques, ancêtre des Etats-Unis, la couronne d'Angleterre empêchait les colons américains de s'armer, afin de bloquer toute rébellion. "Au moment de la guerre d'Indépendance, les colons ont créé des milices qui sont devenues l'armée des Etats-Unis", rappelle l’historien Romain Huret dans une interview pour le Figaro.fr. Le port d’armes est donc vu comme le symbole même de l'indépendance. Il s'inscrit en toutes lettres dans le deuxième amendement de la Constitution des Etats-Unis.  

 2012 : une année particulièrement meurtrière

A la veille de Noël, lundi 24 décembre, deux pompiers ont été tués par balles et deux autres blessés alors qu'ils intervenaient contre un incendie dans la ville de Webster (Etat de New York). Une fin sanglante pour une année qui aura été marquée par deux des fusillades les plus meurtrières (infographie en anglais) de l’histoire des Etats-Unis. En avril, James Holmes, un jeune homme de 22 ans, avait tué douze personnes dans un cinéma du Colorado, lors d'une projection du film Batman : The Dark Knight Rises

Le 14 décembre, Adam Lanza, âgé de 20 ans, a fait irruption dans une école primaire de Newtown (Connecticut) tirant sur les élèves et les adultes présents. La fusillade s’est soldée par 27 morts, dont 20 enfants.

Sur twitter, le compte Gun Death recense tous les meurtres par arme à feu aux Etats-Unis. Depuis la fusillade de Newtown, cette liste - non exhaustive - compte déjà plus de 190 meurtres, comme l’illustre cette infographie de Slate.com (en anglais).

Les anti-armes plaident pour davantage de régulation

Après le massacre de Newtown, le président américain, Barack Obama, a promis de faire tout ce qui était en son pouvoir pour empêcher de nouvelles tragédies.

"Nous ne pouvons plus le tolérer. Ces tragédies doivent prendre fin. Et pour y mettre fin, nous devons changer (…) S'il n'y a qu'une mesure que nous pouvons prendre pour sauver un enfant, un parent, (...) alors nous avons l'obligation d'essayer", a-t-il affirmé. Sans pourtant préciser la teneur de ces mesures.

Le jour même de la tragédie, une pétition a été lancée pour demander à l’administration Obama la régulation des armes. En outre, des célébrités hollywoodiennes se sont mobilisées dans une vidéo pour inciter les Américains à "demander un programme politique" sur le sujet.

Les pro-armes poussent leur logique jusqu'au bout

Or, les marges de manœuvre de Barack Obama apparaissent déjà très réduites face au puissant lobby pro-armes. La National Rifle Association (NRA), le principal mouvement de défense du port d'armes, refuse toute régulation. Après avoir fait profil bas dans les quelques jours suivant la tuerie de Newtown – elle a notamment supprimé sa page Facebook pour échapper à un flot de commentaires hostiles – la NRA plaide aujourd'hui pour que des policiers armés assurent la surveillance des écoles.

Le vice-président de l’association, Wayne LaPierre, a appelé à stopper les armes par les armes. "La seule façon d’arrêter un méchant avec une arme, c’est de lui opposer un gentil avec une arme", a-t-il argumenté.

 Depuis Newtown, les ventes d'armes augmentent

Malgré ces débats, les ventes d'armes ont bondi aux Etats-Unis depuis la tuerie de Newtown. Un regain d’activité qui pourrait s'expliquer par la crainte de voir bientôt la législation sur le contrôle des armes renforcée, estime Le Monde.fr. Mais pas seulement. Le site américain Global Post avance une autre théorie : c'est la faute du père Noël ! Un fusil ou un pistolet seraient-ils un cadeau idéal ?

Le site américain The Verge (lien en anglais) a relevé les tweets de ces nouveaux heureux propriétaires d'armes à feu. "Bon, mon cousin de 10 ans a reçu un poing américain et un fusil AR-15 pour Noël... En fait, je suis un peu jaloux", écrit ainsi Joe Kemp, un utilisateur de Twitter.


“Quelqu’un a eu un Glock”, annonce @amyleigh215 en posant avec son pistolet sur une photo Instagram

Un autre site, The Atlantic Wire, a de son côté compilé une série de photos publiées sur divers réseaux sociaux : des Américains y sont immortalisés devant leur sapin avec leurs nouveaux jouets.

Et l'article de conclure : "Le contrôle de la circulation des armes n'aura pas empêché ces gens d'avoir ce qu'ils voulaient pour Noël. En tout cas pour cette année."

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