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Etats-Unis : "Mon premier fusil", ou comment le lobby des armes cible les enfants

Un petit garçon de 5 ans a accidentellement abattu sa sœur de 2 ans, mardi, avec son propre fusil pour enfant.

Article rédigé par Camille Caldini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Une enfant de 9 ans, membre d'un "groupe de survie", tend une arme automatique à son chef, en Floride, le 8 décembre 2012. (REUTERS )

Les enfants ont à leur disposition de nombreux jouets "pour faire comme les grands" : "mon premier smartphone" pour faire semblant de téléphoner, et "mon premier sac à main" pour ranger mon doudou (et mon smartphone). Aux Etats-Unis, la marque Crickett vend "My First Rifle' ("Mon premier fusil"), une véritable arme à feu. Avec ce type de fusil pour enfant, un petit garçon de 5 ans a accidentellement tué sa sœur de 2 ans, dans leur maison du Kentucky, mardi 30 avril.

Depuis le milieu des années 1990, le lobby des armes, inquiet du désintérêt grandissant des Américains pour le tir sportif et la chasse, cherche une parade. Pour attirer de nouveaux consommateurs, il se lance donc dans le "marketing to kids", pour habituer les enfants aux armes, dès leur plus jeune âge.

Mon premier fusil

Keystone Sporting Arms, l'entreprise qui fabrique les fusils Crickett destinés aux enfants, utilise les mêmes codes que de nombreux fabricants de jouets. Les armes, petites et légères, arborent des couleurs vives (du rose pour les filles, du bleu pour les garçons, du rouge-blanc-bleu pour le patriotisme). La mascotte de la marque est un mignon petit criquet nommé Davey (allusion au trappeur Davy Crockett). Et dans son Kids corner ("Le coin des enfants"), on trouve une galerie de photos de bambins armés et souriants. Dans le chargeur de ces armes miniatures, de vraies balles.

Galerie photo du site de la marque de fusils pour enfants Crickett. (CRICKETT / FRANCETV INFO)

Pour justifier sa démarche, l'entreprise explique vouloir "instiller les notions de sécurité des armes dans l'esprit des jeunes tireurs et les encourager à améliorer la connaissance et le respect que la chasse et le tir nécessitent". Et cela fonctionne. A ses débuts, en 1996, la société fabriquait 4 000 armes pour enfants. En 2008, elle a atteint 70 000 pièces, selon le site d'information américain Mother Jones (en anglais).

Mon premier gilet pare-balles

La tuerie de l'école Sandy Hook, à Newtown (Connecticut), en décembre 2012, n'a pas seulement relancé le débat sur le port et la vente d'armes aux Etats-Unis. Les compagnies spécialisées dans le blindage corporel, comme Amendment II, ont enregistré une forte hausse des ventes de leurs sacs à dos pare-balles après le drame. Avec des modèles spécialement conçus pour les enfants. Siglés Princesses Disney ou Avengers, les sacs à dos semblent ordinaires mais sont en fait renforcés par une plaque de carbone et coûtent environ 300 dollars.

Les sacs à dos pare-balles de la marque Amendment II. (AMENDMENT II / FRANCETV INFO)
 

Les mêmes marques distribuent aussi des gilets pare-balles taille enfant pour 600 dollars. Une autre marque, Caballero, installée en Colombie, qui fabrique des vêtements pare-balles "fashion" pour des célébrités et des responsables politiques, s'est lancée, en avril, dans les uniformes scolaires blindés et compte bien s'installer sur le marché américain, raconte encore Mother Jones.

Mon premier magazine de chasse

Il s'appelle Junior Shooters et est financé par l'industrie des armes à feu, selon le New York Times (en anglais). Son objectif est d'attirer les plus jeunes vers "l'usage récréatif des armes", détaille le quotidien américain. Coupons de réduction à l'appui, Junior Shooters suggère sans détour à ses lecteurs de partager les articles avec leurs parents. "Qui sait ?, est-il écrit, peut-être que tu trouveras un Bushmaster AR-15 sous ton sapin, un beau matin de Noël !"

Mon premier tir

Le New York Times révèle encore d'autres pratiques du lobby des armes, qui vise les jeunes de "8 à 17 ans" à travers leurs activités extrascolaires. L'idée est de repérer des "ambassadeurs" dans les clubs de paintball ou de tir à l'arc. "L'objectif est d'inciter des nouveaux venus à tirer sur quelque chose ; l'étape suivante naturelle étant le passage à une vraie arme à feu", rapporte le quotidien, qui cite un rapport rédigé par la National Shooting Sports Foundation et le Hunting Heritage Trust, deux organisations qui défendent le port d'arme.

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