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Guatemala: soupçonné de corruption, le président Pérez est poussé vers la sortie

«Dehors Otto Pérez!» C'est le slogan entendu lors de multiples manifestations organisées dans le pays depuis qu'a été révélé à la mi-avril 2015 un immense réseau de fraude fiscale via les taxes douanières. Pour calmer les esprits, le président Pérez s'est séparé de sa vice-présidente Roxana Baldetti, accusée d'être à la tête du trafic, et de plusieurs ministres. Il se retrouve en première ligne.
Article rédigé par Véronique le Jeune
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Otto Pérez Molina, le président du Guatemala (ici lors de la campagne électorale de 2011), est soupçonné d'être impliqué dans un vaste scandale de corruption. (Orlando SIERRA / AFP)

Otto Pérez Molina, 64 ans, n'est pas homme à se laisser dicter sa conduite, en cédant au-delà du strict nécessaire à la colère populaire. Pas question donc pour lui d'abandonner un mandat qui court jusqu'en janvier 2016, répète-t-il depuis plusieurs semaines, clamant à qui veut l'entendre que, loin d'être impliqué dans la fraude, il a été trahi par des «subalternes».

Elu en 2011 sur la promesse d'agir «d'une main de fer» contre le crime qui partout sème la terreur au Guatemala, cet ancien général sous la dictature de Ríos Montt dans les années 80, adepte de la manière forte, est aujourd'hui aux prises avec les effets d'un scandale de corruption qui pourraient se révéler plus coriaces que lui.

La justice recommande la levée de l'immunité du président Pérez
Car, au royaume de la corruption – le Guatemala figure au 115e rang sur 175 du classement mondial 2014 de l'ONG Transparency International –, la donne est en train de changer. De l'avis d'observateurs et d'associations engagées contre les mauvaises pratiques, un air nouveau souffle sur les habitudes d'impunité des puissants, qui sont la règle dans cet Etat d'Amérique centrale.

Première nouveauté: non seulement des juges guatémaltèques ont eux-mêmes dénoncé l'énorme fraude impliquant le gouvernement et la vice-présidente de M.Pérez, mais ils ont aussi lancé une procédure de levée de l'immunité du même M.Pérez, donnant une suite favorable à la requête du député d'opposition Amilcar Pop du parti indien Winaq, fondé par la militante maya et prix Nobel de la Paix Rigoberta Menchu. Selon ce député, il est clair que le président, élu sous les couleurs du Parti patriote, marqué à droite, était au courant des activités illicites de ses ministres et des hauts fonctionnaires du Trésor public.

Cette volonté de «propreté» mise en avant par la Cour suprême du Guatemala est encouragée depuis huit ans par l'action de la CICIG, Commission internationale contre l'impunité au Guatemala, une agence dépendant des Nations Unies, créée en 2006 pour renforcer le système juridique national.

«Il se passe quelque chose au Guatemala»
Deuxième nouveauté: l'ampleur de la protestation populaire. Dès le 25 avril, des dizaines de millers de manifestants se pressaient devant le Palais national, siège du gouvernement, à Guatemala City, la capitale. De mémoire de Guatémaltèque, jamais on n'avait vu de rassemblement plus imposant. Et depuis, les sit-in et autres défilés se poursuivent chaque samedi à travers les provinces, réclamant la fin de la corruption et le départ du président Otto Pérez.

«Il se passe quelque chose au Guatemala», entrevoit Dina Fernandez, journaliste et directrice du site d’information Soy502, citée par Mediapart«En 20 ans de carrière, j’ai vu passer des milliers de scandales, des pillages, des assassinats, le tout dans l’indifférence totale des gens. Il ne se passait jamais rien. Et là, l’étincelle a pris et les gens se sont dit: "Ce scandale, il ne passera pas"», explique-t-elle.

«C’est le gouvernement le plus corrompu de toute l’histoire du pays, sans aucun doute, déplore de son côté, sur le même site, Óscar Vásquez, secrétaire général d’Acción Ciudadana, une ONG qui lutte contre la corruption au Guatemala depuis près de 20 ans.


Une commission d'enquête établira le degré d'implication du président Pérez
Il faut dire que le scandale qui secoue le sommet de l'Etat guatémaltèque donne le vertige. Depuis au moins un an, a minutieusement été mise en place La Línea (La Ligne), un gigantesque réseau de détournement de taxes douanières articulé par des hauts fonctionnaires du Trésor public et des membres du gouvernement. Jusqu'à présent, 21 personnes ont été arrêtées, accusées d’avoir organisé ce système parallèle d’encaissement de taxes dans les principaux ports du pays.

Place maintenant à la désignation d'une commission d'enquête «qui établira si M.Otto Fernando Pérez Molina a participé ou non aux faits décrits dans la demande de jugement préalable», selon les termes du président de la Cour suprême.

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