L'élection présidentielle mexicaine entachée d'irrégularités
L'élection de Enrique Peña Nieto n'a rien de surprenant. Depuis le début de la campagne, les sondages le donnaient gagnant. Excédés par la violence et un taux élevé de chômage, les Mexicains ont sanctionné le Parti action nationale (PAN) du président sortant Felipe Calderón. Ce dernier est le responsable de la guerre contre les narcos qui a fait plus de 55 000 morts depuis 2006.
Le mariage du nouveau président avec une star des telenovelas en 2010, son allure de play-boy et la machine bien huilée de son parti n'ont fait que lui donner le petit coup de pouce qui manquait pour être plébiscité par les urnes.
Pur autant, le Parti révolutionnaire entendait s'assurer à tout prix de son retour au pouvoir après douze années passées dans l'opposition. D'autant plus que le candidat de la gauche populaire, Andrés Manuel Lopez Obrador, menaçait l'élection du favori. El peje (un poisson de Tabasco, région d'origine du politique) comme on l'appelle, a fini deuxième, comme en 2006. Le PRI n'a donc pas hésité à acheter les faveurs des médias et des électeurs.
Collusion médiatico-politique
A trois semaines de la présidentielle, le quotidien britannique The Guardian a révélé que le groupe audiovisuel le plus puissant du Mexique avait vendu une couverture favorable au candidat du PRI. Le quotidien s'est procuré une série de documents qui prouvent que Televisa et le parti du nouveau président étaient arrivés à un accord bien avant la campagne présidentielle de 2012.
Ainsi, les documents publiés par le journal détaillent les montants facturés par le groupe pour montrer le meilleur visage de Peña Nieto lors de l'élection du gouverneur de l'Etat de Mexico en 2005. Il a remporté haut la main un scrutin qui s'est révélé être un tremplin pour la présidentielle à venir.
L'enquête du Guardian révèle également que Televisa s'est évertuée à boycotter la campagne de Manuel Lopez Obrador en 2006 alors qu'il était sur le point de l'emporter. Le groupe médiatique le plus important en Amérique latine nie ces accusations tout en admettant qu'Enrique Pena Nieto est "le meilleur produit à promouvoir".
Ces révélations intervenaient au moment où les étudiants des universités privées et publiques se révoltaient contre le traitement médiatique favorisant le candidat du PRI. Les manifestations ont pris une ampleur inouïe depuis la révolte estudiantine de mai 1968 (48 morts). Les commentateurs politiques se sont même demandés même si le mouvement #YoSoy132 n'allait pas changer l'issue des élections.
Des étudiants se dirigent vers le siège de Televisa. Notimex, 18 mai 2012.
Bourrage d'urnes et achat de voix
La douteuse stratégie médiatique de Enrique Peña Nieto a été agrémentée d'une méthode bien connue des Mexicains, l'achat de voix. Contre quelques kilos de haricots ou de riz les électeurs des zones défavorisées étaient prêts à donner leur vote au PRI ou à voter nulle. Au cours de la journée électorale du 1er juillet, des activistes et des journalistes indépendants ont dénoncé la présence de camions remplis de denrées alimentaires destinées à la corruption des électeurs. Des citoyens vigilants ont signalé également des vols ou des trafics d'urnes dans des points stratégiques du pays.
Il faut dire que les enjeux étaient de taille. Le même jour que la présidentielle, deux chambres du Parlement ont été renouvelées, 6 des 31 gouverneurs des Etats mexicains ont été remplacés, ainsi que le gouverneur du District Fédéral de Mexico, l'équivalent du maire de la ville. Des élections municipales ont eu lieu dans près de 900 communes. Facebook, Twitter, YouTube et les téléphones portables ont été des armes redoutables pour dénoncer toutes les irrégularités.
Malgré les nombreuses plaintes, l'Institut fédéral électoral (IFE) a déclaré que la journée électorale avait été un succès avec un taux record de participation d'environ 62%. Ce que l'IFE se garde bien de signaler c'est que certains bureaux de vote ont ouvert avec deux heures de retard et que les feutres utilisés pour voter étaient défectueux. Les électeurs ont fini par s'équiper eux-mêmes de crayons de cire.
Le mandat d'Enrique Peña Nieto va donc débuter avec les mêmes accusations que celui de Felipe Calderón. La courte alternance n'a pas pu mettre fin à des pratiques frauduleuses enracinées dans la tradition politique mexicaine. La passation de pouvoirs aura lieu en décembre prochain.
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