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​L’ONU poursuivie pour avoir introduit le choléra en Haïti

Le tribunal fédéral de Manhattan a été saisi, le 9 octobre 2013, d’une plainte en recours collectif contre l’ONU, accusée d’avoir introduit le choléra en Haïti en 2010. L'affaire intervient au moment où le Conseil de sécurité vient de renouveler pour un an le mandat de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation de l'île (Minustah). L’épidémie y a fait plus de 8.300 morts depuis trois ans.
Article rédigé par Dominique Cettour-Rose
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Des Haïtiens protestent contre les Casques bleus des Nations Unies, le 18 Novembre 2010, à Port-au-Prince, qu'ils jugent responsable de l'épidémie de choléra en Haïti. (HECTOR RETAMAL / AFP)

Trois ans après l’apparition du choléra en Haïti, des avocats de victimes ont porté plainte contre l’ONU qu’ils accusent de «négligence, d’imprudence et de conduite tortueuse». «C'est la pire épidémie de choléra au monde», a lancé l’un des avocats, Ira Kurzban, soulignant qu’avant son apparition, en octobre 2010, Haïti n’avait connu aucun cas de choléra depuis plus d’un siècle.

En juin 2011, une étude publiée par les Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC) avait conclu à la responsabilité des Casques bleus, arrivés au nombre de 1.075 sur l'île, entre le 9 et le 16 octobre 2010. Une douzaine d’études sur le sujet ont permis de remonter jusqu'à un contingent népalais de la mission onusienne, basée à Mirebalais, dans le centre du pays, confirmant leur responsabilité.

Les eaux usées et le mauvais état des installations, conséquence du grave tremblement de terre neuf mois plus tôt, ont contribué à propager la maladie avec un premier mort le 14 octobre 2010. Depuis, le choléra a infecté plus de 650.000 personnes et s'est étendu à la République dominicaine voisine et à Cuba, où plusieurs foyers ont été signalés.



L'ONU plaide l'immunité diplomatique
L’ONU n’a pas souhaité réagir à la plainte et invoque l’immunité diplomatique. A ses yeux, cette demande n'est «pas recevable au titre de la section 29 de la Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies» de 1946. L'organisation avait déjà refusé de reconnaître sa responsabilité lors d’une précédente demande de l'Institut pour la justice et la démocratie en Haïti (IJDH) datant de novembre 2011. Elle avait alors plaidé  l'immunité.

Mais cette immunité invoquée par les Nations Unies n’est pas synonyme d’impunité, argumente un rapport publié en juillet par des juristes de l’Université américaine de Yale. Selon eux, l’ONU a enfreint ses obligations contractuelles envers Haïti en refusant de créer une commission d’indemnisation.
 
Un porte-parole des Nations Unies  a toutefois souligné que l’organisation «s'efforçait de faire tout ce qui est en son pouvoir pour aider la population de Haïti à surmonter l'épidémie de choléra».

En décembre 2012, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, avait annoncé un plan de 2,2 milliards de dollars prévoyant d’importants travaux d’assainissement et d’accès à l’eau potable pour éradiquer de l’île en dix ans le choléra. Mais selon l’avocate de l’IJDH, Beatrice Lindstrom, partie prenante dans la plainte, l’ONU n’a affecté que 1% de cette somme à la lutte contre le choléra.

La mission Minustah prolongée d'un an
Une résolution a renouvelé le mandat de la Minustah pour un an, en réduisant ses effectifs. Elle rappelle que l'ONU et le gouvernement haïtien ont lancé un appel de fonds international pour éradiquer l'épidémie mais ne fait auccune allustion aux accusations contre le contingent népalais. Pourtant, l'ONU a «une responsabilité morale» dans cette épidémie a soutenu, le 13 septembre 2013, le Premier ministre haïtien Laurent Salvador Lamothe. 
 
«Nous pensons que nous allons gagner», a affirmé de son côté l’avocat Ira Kurzban. «Ce sont des circonstances uniques, pour lesquelles l'ONU ne peut pas se cacher derrière le bouclier de l'immunité», a-t-il ajouté, précisant que les plaignants iraient en appel en cas de refus du tribunal de saisir la plainte. Les compensations réclamées à l'ONU pourraient atteindre plusieurs millions de dollars.

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