"Nous avons commandé une grande quantité de sacs mortuaires" : les Bahamas vacillent face à l'ampleur des dégâts causés par l'ouragan Dorian
Les évacuations ont débuté vendredi dans l'archipel des Bahamas après le passage de l'ouragan Dorian. Le dernier bilan fait état de 43 morts. Mais les autorités craignent qu'il soit beaucoup plus lourd.
Cinq jours après le passage de Dorian, les Bahamas font face à la désolation et commencent à compter leurs morts. Un récent bilan fait état de 43 morts. "C'est le chiffre officiel, avec de nombreux disparus et l'on s'attend à ce que ce nombre augmente de façon significative", a confié Erica Wells Cox, la porte-parole du Premier ministre bahaméen, Hubert Minnis, sur la chaîne américaine NBC News. Entre les opérations de recherches et de secours, l'évacuation des blessés, le maintien de la sécurité et l'aide aux rescapés, l'archipel est face à un défi sans précédent.
"C'est notre Katrina"
Dorian est passé il y a près d'une semaine laissant derrière lui le chaos et la confusion. Les opérations de recherches et de secours restent très difficiles à mettre en place. "C'est très compliqué comme il n'y a presque pas de communications", a expliqué un responsable de l'agence bahaméenne des situations d'urgence, la Nema. Les autorités craignent donc le pire.
Il y a encore pour l'instant des centaines, peut-être même des milliers de disparus
Le directeur général du ministère du Tourisme et de l'Aviation bahaméenà CNN
"C'est notre Katrina", a estimé jeudi le ministre de la Santé, Duane Sands, en référence à l'ouragan qui avait semé la désolation en Louisiane en août 2005. Il craint que le bilan définitif soit "épouvantable". "Le public doit s'attendre à des informations inimaginables concernant le bilan humain et les souffrances", a-t-il mis en garde.
Caroline Burnett-Garraway, directrice du seul hôpital public encore debout, à Nassau, la capitale, évoque, elle, un bilan humain "effroyable". "Nous avons commandé une grande quantité de sacs mortuaires", a-t-elle précisé.
La plupart des cliniques sur les îles du nord de l'archipel ne sont plus en état de soigner les blessés et il n'y a pas assez d'ambulances disponibles pour les transporter jusqu'aux hôpitaux de campagne installés par les secours. Les morts s'amoncellent notamment à Marsh Harbour.
Cela fait six jours ! Six jours et ce corps est toujours là ! Où sont-ils ? Où est l’aide ? Où est l’eau ? Où est la nourriture ? Où est le gouvernement ? Pourquoi y a-t-il encore des corps ici ?
Charles Alouivor, un habitant de Marsh Harbourau "Washington Post"
Dans cette ville, des quartiers entiers ont été engloutis. "Je travaille dans une maison funéraire. Je connais l’odeur de la mort. Il doit y en avoir des centaines. Des centaines", a déclaré un résident. La violence de la catastrophe et les inondations provoquées font redouter que de nombreux habitants, emportés par le courant, ne soient jamais retrouvés.
Outre les besoins urgents, de milliers d'habitants attendent également d'être évacués. Le Premier ministre, Hubert Minnis, a déclaré sur Twitter que des "évacuations gratuites par avion de Bahamasair ont débuté jeudi aux îles Abacos et se poursuivront jusqu'à ce que tous les habitants des îles Grande Bahamas et Abacos souhaitant partir auront pu quitter les îles".
On my way to Abaco to assess damage with @CARICOMorg and @cdemacu officials. Free air evacuations on Bahamasair from Abaco started yesterday and will continue until all Grand Bahama and Abaco residents who want to leave are off the islands. We are also taking more supplies. pic.twitter.com/dNRf8tpQNr
— Dr Hubert Minnis (@minnis_dr) September 6, 2019
Les habitants les plus riches, eux, ont pu quitter l'île en payant jusqu'à 20 000 dollars (près de 18 000 euros), explique Le Monde. "Les riches, ils peuvent s’en aller. Ils peuvent emmener leur famille, leurs amis en hélicoptère ou dans des petits avions", observe Charlese McIntosh, citée par le Washington Post.
Si la voie des airs reste, pour l'instant, l'apanage des plus aisés, certains ont pu quitter la désolation par bateau. Ainsi, plus de 260 habitants de l'île d'Abaco ont été évacués par un ferry affrété par le gouvernement après une traversée de plus de sept heures. Ils sont arrivés au port de Nassau vendredi à la tombée de la nuit, a constaté un journaliste de l'AFP. Un second ferry devait arriver dans la nuit. Melanie Lowe, venue avec ses quatre enfants et son chiot, raconte que sa maison a été à moitié détruite. "Je suis juste heureuse que nous puissions avoir une bonne nuit de sommeil, une douche et un repas sain", raconte-t-elle.
Avant d'être évacués, "nous étions 16 dans un trois-pièces, à faire de notre mieux, à utiliser l'eau de pluie pour nous laver, à manger quelques plats congelés". A Nassau, un gymnase sert de centre d'hébergement où Diane Forbes attend de voir ses deux fils, Patrick (24 ans) et DeAngelo (28), dont elle n'a plus de nouvelles depuis mardi. "Ils ont dit qu'ils avaient faim, et que l'odeur des corps, des morts, commençait vraiment à les affecter... J'attends, je veux juste savoir si mes fils sont à bord [du ferry] et s'ils vont bien. Je ne bougerai pas jusqu'à ce qu'ils ferment les portes ce soir et je reviendrai demain", insiste-t-elle à l'AFP.
Des milllions de tonnes de vivres en attente
Selon l'ONU, 70 000 personnes ont besoin d'une aide immédiate dans cet archipel des Caraïbes : eau, nourriture, médicaments... L'aide humanitaire a commencé à arriver dès mercredi. L'organisation internationale a annoncé que 85 tonnes de vivres seraient envoyées au cours des trois prochains mois. Le Programme alimentaire mondial (PAM) a annoncé jeudi une aide d’urgence de 5,4 millions de dollars (4,9 millions d’euros) sur trois mois. Le PAM précise également que 8 millions de tonnes de vivres seront acheminées dès que les conditions le permettront, avance Libération.
Le problème n’est pas le manque de ressources, mais comment les livrer sur place. De nombreux pays et ONG ont envoyé de l’aide et le gouvernement des Bahamas assure disposer de suffisamment de stocks. Mais l’accès et les communications restent très difficiles.
Ugo Blanco, du Programme de l'ONU pour le développementà "Libération"
En effet, les deux principaux aéroports de l'archipel à Grand Bahama et Marsh Harbour, inondés et détruits, restaient encore hors service vendredi. Face à cette situation dramatique, la communauté internationale s'organise. Florence Parly, ministre des Armées, a annoncé, ainsi ce samedi dans un communiqué qu'un détachement militaire français va se déployer aux Bahamas pour venir en aide à la population. Ce déploiement se fera en étroite coordination et avec le concours d'une force amphibie de la marine royale néerlandaise.
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