Pérou: une opinion de plus en plus décidée à défendre l’environnement
Avec la tenue à Lima en décembre 2014 de la Conférence des Nations Unies sur le climat (COP 20) et l’accent mis sur la sauvegarde de la planète, la sensibilisation des citoyens péruviens à l’écologie a pris de l’ampleur.
Selon un sondage réalisé fin mai 2015 par l’institut d’études de marché GFK, 68% des Péruviens estiment qu’il faut annuler définitivement le projet Tia Maria (dont les prévisions de production s’élèvent à 120.000 tonnes de cuivre par an), 59% soutiennent la population locale et considèrent à la fois que l’exploitation de cette mine entraînerait une contamination de l’environnement (eau et forêts).
Le pays andin, avec de très importantes richesses naturelles dans son sous-sol, est le deuxième producteur de cuivre et le cinquième producteur d’or de la planète ; la mine y est l’objet de nombreux conflits socio-environnementaux. Un néologisme qui prend tout son sens au Pérou où 200 mouvements de cette nature ont été enregistrés ces derniers mois. Les conséquences d’une exploitation minière à l’infini sur l’environnement, sur la qualité de l’eau et de l’air sont devenues le centre des préoccupations d’une grande partie de la population.
Des concerts de casseroles
A 1.100 km au sud de la capitale, le projet de mine à ciel ouvert de Tia Maria, dont le coût est estimé à 1,4 milliard de dollars et qui aujourd’hui cristallise la colère des protecteurs de la nature et celle des habitants, est censé voir le jour en 2016. Mais les manifestations hostiles, doublées d’une grève générale récurrente dans les villages voisins du projet, où la population cernée par les forces de l’ordre a décidé d’organiser des concerts de casseroles assourdissants, inquiètent la société minière Southern Peru, filiale de la mexicaine Southern Copper.
«Le fait est qu'aujourd'hui il n'existe pas ce que les sociétés minières elles-mêmes appellent le "climat social" nécessaire pour leurs opérations», souligne dans une étude pour l'ONG CooperAccion, José de Echave, ancien vice-ministre de l'Environnement. L'état d’urgence ayant en effet été décrété par les autorités, l’activité des entreprises sur le terrain est suspendue à un apaisement de la situation.
Le ministère de l'Environnement réduit à une coquille presque vide
Mais ça pourrait prendre du temps. Car, au-delà des cas particuliers, l’inquiétude des défenseurs de l’environnement se focalise sur le désintérêt plus ou moins avoué du pouvoir péruvien pour la sauvegarde du patrimoine écologique du pays. En juillet 2014, le gouvernement péruvien a en effet promulgué une loi qui simplifie les normes de l’activité minière, à la grande satisfaction des acteurs de cette dernière. Conséquences: le récent ministère de l’Environnement a perdu des prérogatives importantes comme la création de réserves naturelles ou les études d’impact environnementales qui sont désormais du domaine du Conseil des ministres ; quant auxdites études d’impact (EIE), elles ont été accélérées et ne doivent plus dépasser quarante-cinq jours pour éviter les blocages jugés abusifs par le gouvernement.
En neuf ans, de 2005 à 2014, les concessions minières au Pérou sont passées de 7% du territoire national à 22%. Et, on le voit, l’expansion continue d'être encouragée par le pouvoir. Pour le nouveau Premier ministre Pedro Cateriano, la population doit avoir conscience que le Pérou «est un pays minier». CQFD.
D’autres soulignent que l'économie du pays marque le pas avec une croissance de 2,35% en 2014 (un chiffre qui ferait rêver la France), la plus faible en cinq ans, en raison notamment de moindres performances dans l'exploitation minière (!) et dans le secteur de la pêche.
Le président Humala au plus bas dans les sondages
«Alors que le Pérou est confronté à un ralentissement de son économie, la violence (NDLR : des manifestations) fait perdre des opportunités d'investissement pour le développement de projets miniers et énergétiques », regrette dans un communiqué la Société nationale des mines et du pétrole du Pérou (SNMPE), sous-entendant attendre de la part des pouvoirs publics des «signes» que l’Etat de droit sera respecté.
Aujourd'hui, ce qu'il y a de plus tangible à propos des autorités péruviennes, c'est la chute vertigineuse de la cote de popularité du président Ollanta Humala, élu en 2011 sous les couleurs nationalistes. Début juin 2015, les opinions favorables sont passées de 24 à 16%. A un an de la fin de son mandat, plusieurs clignotants sont au rouge. Parmi eux, les dossiers miniers dont Humala attendait au contraire la preuve de sa réussite.
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