: Vidéo Conflit au Haut-Karabakh : "Foutez-nous la paix et essayons de nous reparler", l'appel d'André Manoukian au président turc
"À M. Erdogan. Cher Monsieur, mes grands-parents, ayant dû quitter précipitamment Amasya en avril 1915, n’ont pas pu emporter le piano familial. Pourriez-vous s’il vous plaît le faire livrer à l’adresse suivante..." L'auteur compositeur a envoyé une lettre ouverte au président turc.
Le conflit au Haut-Karabakh qui a repris depuis la fin du mois de septembre, "c'est un cauchemar qui recommence", a commenté l'auteur-compositeur d'origine arménienne André Manoukian mercredi 7 octobre sur franceinfo. Il a publié lundi sur son compte Twitter une lettre ouverte à destination de Recep Tayyip Erdogan, où il demande au président turc de "foutre la paix à son peuple".
franceinfo : Pourquoi cette région vous est si chère ?
Parce que j'ai l'impression que c'est un cauchemar qui recommence. Mon travail, ces derniers temps, c'était d'essayer de me rapprocher justement de la Turquie. Quand vous êtes Arménien, vous êtes complètement traumatisé. Imaginez que votre famille, votre grand-mère, vous a raconté des récits atroces. Des récits qui sont niés par ceux qui ont perpétré ces massacres il y a plus de 100 ans.
Depuis dix jours cette population subit des bombardements quasi quotidiens. Celui qui est soupçonné de tirer les ficelles de ce conflit, c'est le président turc Recep Tayyip Erdogan, C'est à lui que vous vous adressez dans un texte que vous avez publié lundi. Vous lui demandez de "foutre la paix" à votre peuple. Pourquoi cet appel aujourd'hui ?
Il y a une dizaine d'années, avant le conflit syrien, il y avait un mouvement de paix qui était amorcé. Il y a eu les protocoles arméno-turcs. C'est de ça que je parle dans ma lettre à la fin, c'est la conclusion, j'avais espoir en cela. Il n'y a pas si longtemps, je pense que c'était il y a quatre ou cinq ans, Erdogan a dit : "Je présente mes condoléances au peuple arménien". On était tout près de quelque chose. Et puis là, tout d'un coup, il y a une sorte de géopolitique qui s'est mise en route. Il y a un désintérêt des grandes puissances. Il y a le grand frère russe qui pactise avec les Turcs en Syrie. Il y a de la géopolitique qui me dépasse. Je peux juste vous donner mon ressenti de musicien : le plus chouette concert que j'ai fait, c'était à Istanbul. J'ai dit devant mille personnes qui étaient là, mille Turcs : "Je suis fier d'être sur la terre de mes ancêtres". Les gars se sont levés pour applaudir, fiers que je revendique cette terre comme étant la mienne. Il y a une dizaine d'années encore, Erdogan nous disait : "Il faut que les Arméniens reviennent en Turquie. C'était bien quand ils étaient là".
Le Haut-Karabakh a déjà été le théâtre d'une guerre terrible au début des années 1990, il y a eu 30 000 morts, un million de personnes ont été déplacées. Le président de l'Azerbaïdjan est intervenu à la télévision d'État il y a quelques heures en disant : "C'est bientôt la fin, on va les chasser comme des chiens".
Voilà où on en est aujourd'hui. Alors moi, je remercie le président Macron, qui est quand même en première ligne. Tout le monde est affolé parce qu'en plus de ça, le jeu des alliances traditionnelles, il n'est plus là.
Mais à part réclamer un cesser le feu, comme le fait la France, que peut-on faire de plus ?
Moi, j'ai horreur des nationalistes qui se renvoient de part et d'autres. Pour moi, le nationalisme, c'est la guerre. C'était la phrase de François Mitterrand. Le sens de mon appel, c'était ça. J'ai commencé cette lettre en disant : "J'aimerai bien récupérer le piano qu'ont oublié mes grands-parents en 1915 quand ils ont dû fuir" , en rigolant. Après il y a eu d'autres Arméniens qui ont dit : "Ma grand-mère elle a oublié une boîte de loukoums, est-ce qu'on pourrait la renvoyer?" Je rêve presque qu'on fasse un mouvement avec les Turcs. On n'aura jamais les terres réclamées par les nationalistes arméniens. Mais juste foutez nous la paix et essayons de nous reparler.
A Mr Erdogan
— André Manoukian (@andremanou) October 5, 2020
Cher Monsieur,
Mes grands parents, ayant dû quitter précipitamment Amasya en avril 1915, n’ont pas pu emporter le piano familial. Pourriez vous s’il vous plait le faire livrer à l’adresse suivante : Poste restante de Stephanakert, capitale de l’Artshak
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