Haut-Karabakh : ce que l'on sait des combats meurtriers entre l'Azerbaïdjan et les séparatistes arméniens
Cette région séparatiste azerbaïdjanaise, peuplée majoritairement d'Arméniens, échappe au contrôle de Bakou depuis une guerre au début des années 1990 qui avait fait 30 000 morts.
Le spectre d'un conflit entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie est ravivé, depuis dimanche 27 septembre, après de nouveaux combats meurtriers dans la région séparatiste du Haut-Karabakh, principalement peuplée d'Arméniens chrétiens et qui a fait sécession de l’Azerbaïdjan musulmane, avec le soutien de l'Arménie.
Le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a affirmé dimanche que l'Azerbaïdjan avait "déclaré la guerre" au peuple arménien, après son offensive contre les séparatistes arméniens du Haut Karabakh. Il estime que les deux pays sont au bord d'une "guerre d'envergure" qui pourrait avoir "des conséquences imprévisibles" et s'étendre au-delà du Caucase.
Que s'est-il passé autour de cette région séparatiste ? Comment s'expliquent ces tensions entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, et quelles sont les réactions internationales ? Voici ce que l'on sait de ces combats menaçant de relancer le conflit dans la région.
Des bombardements dans le Haut-Karabakh
Dimanche matin, le ministère azerbaïdjanais de la Défense a indiqué avoir lancé une "contre-offensive sur toute la ligne de front" du Karabakh, afin de "mettre fin à des activités militaires des forces armées de l'Arménie". "Tôt ce matin, la partie azerbaïdjanaise a lancé des bombardements tout au long de la ligne de contact, a indiqué de son côté le porte-parole de la présidence séparatiste sur sa page Facebook. Ils bombardent aussi Stepanakert [la capitale du Haut-Karabakh], nous appelons la population à se mettre à l'abri", a-t-il alerté.
Un porte-parole du ministère azerbaïdjanais de la Défense a affirmé à l'AFP que Bakou avait conquis une demi-douzaine de villages sous contrôle arménien lors de ces affrontements. "Nous avons libéré six villages, cinq dans le district de Fizouli, un dans le district de Jebrail", a indiqué un porte-parole du ministère. Des affirmations démenties par l'Arménie, selon l'agence russe Interfax. Cette déclaration "ne correspond pas à la réalité", et "relève de la provocation", a réagi une porte-parole du ministère arménien de la Défense.
Des victimes civiles et militaires
Les belligérants ont chacun évoqué des victimes. Vingt-sept militaires sont morts au combat lundi, a indiqué le ministère de la Défense du Haut-Karabakh, après un premier bilan à 28 morts. Les nouveaux affrontements de la journée portent donc le bilan dans ce camp à 59 morts.
L'Azerbaïdjan n'a pas annoncé ses pertes militaires. Bakou a en revanche fait état de sept civils tués, dont six membres d'une même famille, et le Karabakh a annoncé que de deux civils avaient péri.
Depuis dimanche, ce sont au moins 68 personnes qui ont perdu la vie.
Un conflit vieux de trente ans
Le conflit autour du Haut-Karabakh, qui a proclamé son indépendance en 1991, nourrit les tensions régionales depuis trente ans. Des combats opposent régulièrement séparatistes et Azerbaïdjanais, mais aussi directement l'Arménie et l'Azerbaïdjan.
En 2016, de graves heurts avaient failli dégénérer en guerre au Karabakh, et des combats meurtriers ont opposé en juillet Arméniens et Azerbaïdjanais, à leur frontière nord. Les deux camps ont l'habitude de se rejeter la responsabilité de ces flambées de violence.
Ces dernières années, l'Azerbaïdjan a profité de ses réserves immenses de pétrole pour dépenser sans compter en matière d'armement, bénéficiant du soutien de la Turquie. L'Arménie, bien plus pauvre, est toutefois plus proche de la Russie, qui y dispose d'une base militaire. Erevan appartient aussi à l'Organisation du traité de sécurité collective, une alliance politico-militaire dirigée par Moscou. Le Kremlin, qui se positionne en arbitre régional, livre des armes aux deux pays.
"Nous sommes à deux doigts d'un conflit à grande échelle", explique à l'AFP Olesya Vartanyan, experte du International Crisis Group. Celle-ci estime que cette nouvelle escalade, dimanche, s'explique notamment par l'absence d'une médiation internationale active ces derniers temps. "Depuis le coronavirus, le conflit a été négligé, sans que des diplomates se rendent à Bakou et à Erevan même après les affrontements de juillet", précise-t-elle.
La loi martiale instaurée
Après l'annonce des premiers combats dimanche matin, le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a décrété "la mobilisation générale" et l'instauration de "la loi martiale", tout comme les autorités du Haut-Karabakh. "Nous allons vaincre. Longue vie à la glorieuse armée arménienne !" a écrit le dirigeant arménien sur Facebook.
Le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, a quant à lui convoqué une réunion de son conseil de sécurité, au cours de laquelle il a dénoncé une "agression" de l'Arménie. "C'était une provocation prévue à l'avance", a-t-il dénoncé, cité par l'agence Interfax. Le chef de l'Etat avait promis, plus tôt, de "vaincre" l'Arménie.
Dimanche après-midi, l'Azerbaïdjan a également déclaré la loi martiale dans le pays, ainsi qu'un couvre-feu à Bakou, dans plusieurs autres grandes villes et près de la ligne de front, de 21 heures à 6 heures.
Les appels au cessez-le-feu se multiplient
Dès dimanche matin, la Russie a appelé "à un cessez-le-feu immédiat" et à des pourparlers, alors que les deux camps se rejettent la responsabilité des hostilités. La France, médiatrice du conflit avec la Russie et les Etats-Unis dans le cadre du Groupe de Minsk, a également appelé à cesser les hostilités, tout comme Bruxelles.
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, un allié traditionnel de l'Azerbaïdjan, lui a renouvelé son soutien lors d'un entretien téléphonique avec son homologue azerbaïdjanais, d'après la présidence d'Azerbaïdjan. Lundi, il a également appelé dans un discours à la fin de "l'occupation" arménienne. Selon Moscou, le ministre turc des affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, s'est également entretenu avec son homologue russe Sergueï Lavrov, convenant de la "nécessité d'un cessez-le-feu".
Le Premier ministre arménien a toutefois mis en garde contre l'ingérence "agressive" de la Turquie dans ces combats. "J'appelle la communauté internationale à utiliser tous les moyens existants pour empêcher l'ingérence turque, qui peut déstabiliser une fois pour toutes la région".
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a exhorté dimanche l'Azerbaïdjan et les forces séparatistes du Nagorny Karabakh soutenues par l'Arménie à "cesser immédiatement les combats, engager une désescalade des tensions et revenir sans délai à des négociations significatives".
Lundi, l'Arménie a saisi d'urgence la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) pour demander des mesures provisoires à l'encontre de l'Azerbaïdjan. "La cour a reçu ce matin une demande de mesures provisoires de l'Arménie, elle est en cours d'examen", a déclaré une porte-parole de la CEDH.
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