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Asie du Sud-Est: les disparitions de militants, un phénomène courant
La liste des militants «disparus» n'en finit pas de s'allonger dans les pays du Sud-Est asiatique. Les associations de défense des droits de l’Homme chiffrent à des dizaines voire à des centaines les cas de militants portés disparus ces vingt dernières années. L’enlèvement est fréquemment utilisé pour imposer le silence aux contestataires.
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Laos. Figure de la société civile et défenseur des droits des paysans, Sombath Somphone n’a pas été revu depuis le 15 décembre 2012. Ce soir là, il rentrait chez lui dans sa Jeep sur la route de Tha Deua, qui longe le Mékong à l’est de Vientiane, quand il a été arrêté par un policier en uniforme puis conduit par des personnes en civil jusqu’à un pick-up, dans lequel il a été emmené. La scène, filmée par des caméras de surveillance, accrédite la thèse de l'enlèvement. «Faire disparaître quelqu'un est un crime particulièrement cruel. C'est très difficile de vivre avec cette inconnue», a expliqué Ng Shui Meng, son épouse singapourienne, le 11 décembre 2014, lors d’un déplacement à Bangkok.
Au Laos, où elle vit depuis trente ans, l’affaire a fait grand bruit. Elle a eu aussi un retentissement international: le secrétaire d’Etat américain John Kerry, le sud-Africain Desmond tutu ou Hillary Clinton ont réclamé une enquête. A l’exception de la Chine, nombre de chancelleries se sont déclarées «préoccupées», selon Le Monde du 31 octobre 2013.
La mise à l’écart du fondateur de l’ONG Participatory development Training Center (PADECT) est intervenue après la tenue, début novembre 2012, d’un Sommet Asie-Europe (ASEM) à Vientiane. Un forum des peuples Asie-Europe, co-organisé par Sombath, avait précédé l’ASEM durant lequel certains paysans s'étaient plaint des «confiscations croissantes de terres au profit d'entreprises vietnamiennes ou chinoises pratiquant la culture de l'hévéa ou engagées dans des exploitations minières», rapporte le quotidien.
D'autres cas restés dans l'ombre
En Asie du Sud-Est, investisseurs économiques puissants et acteurs publics corrompus sont souvent accusés de faire disparaître leurs opposants. Et rien ne vient stopper le phénomène car les ravisseurs savent que les risques de poursuite sont très faibles. Rien qu'en Thaïlande, 81 dossiers pour disparition ont été ouverts depuis le milieu des années 1990 d'après Angkhana Neelapaijit de l'Asian Federation Against Involuntary Disappearances (AFAD), une ONG qui recense les disparitions. Parmi elles, le mari d'Angkhana: Somchai Neelapaijit, président de l'Association des avocats musulmans et militant des droits de l'Homme, a disparu depuis plus 10 ans après avoir porté des accusations de torture contre la police thaïlandaise.
«Sombath et Somchai ne sont pas les seuls. Il y en a beaucoup d'autres dans la région» mais leur cas «n'est jamais mentionné et n'a jamais reçu la moindre attention», dénonce l’épouse de Sombath. D'après les associations des droits de l'Homme et les diplomates, aucune nouvelle information sur sa disparition n'a été fournie par les autorités laotiennes depuis juin 2013. «C'est comme si le nom de Sombath avait été complètement rayé de la carte», se désole Ng Shui-Meng.
Le silence du gouvernement laotien est une stratégie «pour reléguer dans l'oubli» ces crimes, dénonce un groupe de 80 associations régionales. «La seule conclusion est qu'il n'existe aucune enquête en cours. Et leur obstination fait partie d'une tentative pour dissimuler l'implication des autorités dans son enlèvement», affirme Charles Santiago, député malaisien et vice-président d'un groupe de parlementaires de l'Association des Nations de l'Asie du sud-est (Asean) pour les droits de l'Homme.
Ce «silence» est une tactique «utilisée par un nombre croissant de gouvernements dans la région», dénonce Phil Robertson de Human Rights Watch (HRW) pour «instiller la peur au sein des communautés». Et cela semble fonctionner puisque la plupart des militants restent maintenant à l'écart des sujets controversés comme la saisie des terres ou les dégâts environnementaux causés par des entreprises toute puissantes.
Thaïlande et Cambodge
Au Cambodge, Khem Soprath, âgé de 16 ans, a disparu depuis janvier 2014 alors qu'il participait à une manifestation d'ouvriers du textile à Phnom Penh, qui a dégénéré. La police a ouvert le feu sur les protestataires et la dernière image de Khem le montre couvert de sang.
Somebath paie-t-il la colère de hauts responsables laotiens provoquée par les incidents au cours de l'ASEM qui réunit une fois tous les deux ans les pays européens et asiatiques dans une capitale des deux continents? Il faut se prémunir contre les «ennemis de l'Etat» engagés dans des «activités déstabilisantes» au nom d'une «stratégie de changement pacifique», avait mis en garde à l'époque le ministre de la Défense, le lieutenant-général Duangchay Phichit (mort dans un crash d'avion en 2014), cité dans le très officiel Vientiane Times, quotidien anglophone , selon Le Monde.
Malgré la promesse des autorités lao d’enquêter «de manière sérieuse et approfondie» sur la disparition de Sombath, leurs démarches sont restées insuffisantes et infructueuses, selon la FIDH qui dénonce d'autres cas de disparition de militants humanitaires dans un pays pauvre sous la coupe d'un régime communiste autoritaire.
Au Laos, où elle vit depuis trente ans, l’affaire a fait grand bruit. Elle a eu aussi un retentissement international: le secrétaire d’Etat américain John Kerry, le sud-Africain Desmond tutu ou Hillary Clinton ont réclamé une enquête. A l’exception de la Chine, nombre de chancelleries se sont déclarées «préoccupées», selon Le Monde du 31 octobre 2013.
La mise à l’écart du fondateur de l’ONG Participatory development Training Center (PADECT) est intervenue après la tenue, début novembre 2012, d’un Sommet Asie-Europe (ASEM) à Vientiane. Un forum des peuples Asie-Europe, co-organisé par Sombath, avait précédé l’ASEM durant lequel certains paysans s'étaient plaint des «confiscations croissantes de terres au profit d'entreprises vietnamiennes ou chinoises pratiquant la culture de l'hévéa ou engagées dans des exploitations minières», rapporte le quotidien.
D'autres cas restés dans l'ombre
En Asie du Sud-Est, investisseurs économiques puissants et acteurs publics corrompus sont souvent accusés de faire disparaître leurs opposants. Et rien ne vient stopper le phénomène car les ravisseurs savent que les risques de poursuite sont très faibles. Rien qu'en Thaïlande, 81 dossiers pour disparition ont été ouverts depuis le milieu des années 1990 d'après Angkhana Neelapaijit de l'Asian Federation Against Involuntary Disappearances (AFAD), une ONG qui recense les disparitions. Parmi elles, le mari d'Angkhana: Somchai Neelapaijit, président de l'Association des avocats musulmans et militant des droits de l'Homme, a disparu depuis plus 10 ans après avoir porté des accusations de torture contre la police thaïlandaise.
«Sombath et Somchai ne sont pas les seuls. Il y en a beaucoup d'autres dans la région» mais leur cas «n'est jamais mentionné et n'a jamais reçu la moindre attention», dénonce l’épouse de Sombath. D'après les associations des droits de l'Homme et les diplomates, aucune nouvelle information sur sa disparition n'a été fournie par les autorités laotiennes depuis juin 2013. «C'est comme si le nom de Sombath avait été complètement rayé de la carte», se désole Ng Shui-Meng.
Le silence du gouvernement laotien est une stratégie «pour reléguer dans l'oubli» ces crimes, dénonce un groupe de 80 associations régionales. «La seule conclusion est qu'il n'existe aucune enquête en cours. Et leur obstination fait partie d'une tentative pour dissimuler l'implication des autorités dans son enlèvement», affirme Charles Santiago, député malaisien et vice-président d'un groupe de parlementaires de l'Association des Nations de l'Asie du sud-est (Asean) pour les droits de l'Homme.
Ce «silence» est une tactique «utilisée par un nombre croissant de gouvernements dans la région», dénonce Phil Robertson de Human Rights Watch (HRW) pour «instiller la peur au sein des communautés». Et cela semble fonctionner puisque la plupart des militants restent maintenant à l'écart des sujets controversés comme la saisie des terres ou les dégâts environnementaux causés par des entreprises toute puissantes.
Thaïlande et Cambodge
Ailleurs, d'autres cas de disparitions sont restées dans l'ombre. En Thailande, Por Cha Lee Rakcharoen, connu sous le nom de «Billy», n'a pas été revu depuis le 17 avril 2014, après son arrestation à un poste de contrôle du parc national de Kaeng Krachan, dans la province de Petchaburi, au sud de Bangkok. Ce militant devait rencontrer des villageois, membres comme lui de la minorité ethnique karen, pour les aider à préparer une action en justice contre des autorités qu'ils accusent d'avoir détruit les maisons de 20 familles dans le parc en 2011. Officiellement, il était en possession de miel récolté illégalement.
Au Cambodge, Khem Soprath, âgé de 16 ans, a disparu depuis janvier 2014 alors qu'il participait à une manifestation d'ouvriers du textile à Phnom Penh, qui a dégénéré. La police a ouvert le feu sur les protestataires et la dernière image de Khem le montre couvert de sang.
Somebath paie-t-il la colère de hauts responsables laotiens provoquée par les incidents au cours de l'ASEM qui réunit une fois tous les deux ans les pays européens et asiatiques dans une capitale des deux continents? Il faut se prémunir contre les «ennemis de l'Etat» engagés dans des «activités déstabilisantes» au nom d'une «stratégie de changement pacifique», avait mis en garde à l'époque le ministre de la Défense, le lieutenant-général Duangchay Phichit (mort dans un crash d'avion en 2014), cité dans le très officiel Vientiane Times, quotidien anglophone , selon Le Monde.
Malgré la promesse des autorités lao d’enquêter «de manière sérieuse et approfondie» sur la disparition de Sombath, leurs démarches sont restées insuffisantes et infructueuses, selon la FIDH qui dénonce d'autres cas de disparition de militants humanitaires dans un pays pauvre sous la coupe d'un régime communiste autoritaire.
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