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Sri Lanka : où en est l'enquête après les attentats qui ont fait au moins 359 morts ?

Les attentats ont été commis dimanche par neuf kamikazes, selon les autorités sri-lankaises, qui ont arrêtées des dizaines d'autres suspects en lien avec ces attaques.

Article rédigé par franceinfo avec AFP et Reuters
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Trois jours après les attentats qui ont frappé le pays, des soldats bloquent une route à Colombo, au Sri Lanka, mercredi 24 avril 2019. (ATSUSHI TAKETAZU / YOMIURI / AFP)

Les jours passent et le bilan humain ne cesse de s'alourdir. Au moins 359 personnes, dont 39 étrangers, sont mortes et environ 500 autres ont été blessées lors des attentats perpétrés dimanche contre des églises et des hôtels du Sri Lanka, a déclaré mercredi 24 avril le vice-ministre sri-lankais de la Défense, Ruwan Wijewardene.

Mardi, le groupe Etat islamique (EI) a revendiqué ces attaques, qui sont les plus meurtrières commises à l'étranger par l'organisation depuis la proclamation en juin 2014 de son "califat". Alors que les autorités locales multiplient les arrestations, franceinfo récapitule les derniers développements de l'enquête.

Le profil des terroristes s'affine

Les attentats ont été commis par neuf kamikazes, dont une femme, a précisé mercredi le vice-ministre sri-lankais de la Défense lors d'une conférence de presse. Huit assaillants ont été identifiés pour le moment. L'un d'eux avait étudié en Grande-Bretagne et en Australie.

D'après des éléments de l'enquête dont l'AFP a eu connaissance, deux frères islamistes sri-lankais issus d'une famille aisée ont joué un rôle-clé dans les attaques. Ils se sont fait exploser respectivement aux hôtels Shangri-La et Cinnamon Grand Hotel de Colombo, la capitale du pays, au buffet du petit-déjeuner. Le chef du groupe islamiste National Thowheeth Jama'ath (NTJ), accusé par les autorités d'être responsable des attaques, s'est suicidé à l'hôtel Shangri-La, a par ailleurs annoncé le ministre.

La plupart de ces kamikazes ont fait de longues études et viennent de classes moyennes ou supérieures. Ils sont donc plutôt indépendants financièrement, ce qui est un facteur d'inquiétude.

Ruwan Wijewardene

devant la presse

Près de 60 arrestations en lien avec l'enquête

Dix-huit personnes ont été arrêtées par les autorités dans la nuit de mardi à mercredi, selon la police. Elles s'ajoutent aux 40 autres interpellées depuis dimanche. Mais le Premier ministre sri-lankais, Ranil Wickremesinghe, a prévenu que plusieurs suspects, potentiellement armés d'explosifs, étaient toujours recherchés, rapporte le Guardian (en anglais). Selon des sources proches de l'enquête citées par le quotidien britannique, les enquêteurs sont sur la piste de neuf personnes qui seraient "directement liées aux attaques".

"Nous pouvons affirmer avec certitude que, d'ici les deux prochains jours, la situation de ce pays sera sous le contrôle total de nos services de sécurité", a tenu à rassurer le Premier ministre.

La revendication de l'Etat islamique en question

L'EI a revendiqué mardi ces attentats via son agence de propagande Amaq. Sur une photo diffusée avec le communiqué, dont l'authenticité n'a pu être vérifiée de source indépendante, huit hommes, dont sept au visage couvert et trois portant des couteaux, posent devant le drapeau noir de l'EI.

Interrogé mardi par franceinfo, François-Bernard Huyghe, directeur de recherche à l’Iris et spécialiste de l'EI, estime que les terroristes qui ont agi au Sri Lanka ont sans doute été "inspirés" par les méthodes de l'organisation jihadiste.

Ils ont 'appris' les techniques du groupe Etat islamique très rapidement. Par exemple, ils ont utilisé des kamikazes et ils ont eu une capacité de coordination de destruction tout à fait surprenante.

François-Bernard Huyghe

à franceinfo

L'hypothèse émise par le gouvernement sri-lankais d'attentats commis en représailles à l'attaque menée en mars par un terroriste contre des musulmans à Christchurch, en Nouvelle-Zélande, est plausible, affirme ce spécialiste. "Dans leur mentalité, ça ne me paraît pas totalement invraisemblable puisque pour eux, les chrétiens, qu'ils soient sri lankais, néo-zélandais ou français, forment un seul groupe uni, agissant sous les ordres du pape", précise François-Bernard Huyghe à franceinfo.

La spécialiste du terrorisme Rita Katz, membre du groupe de recherche américain SITE, estime de son côté que l'organisation Etat islamique a pu avoir un rôle d'entraînement opérationnel auprès des kamikazes qui ont frappé le Sri Lanka. "Les attentats au Sri Lanka étaient sophistiqués et coordonnés, ce qui laisse supposer que les assaillants ont pu recevoir une formation […] de la part de l’Etat islamique, peut-être à partir d’une des bases du groupe aux Philippines ou ailleurs dans la région", juge-t-elle dans les colonnes du Washington Post (en anglais).

Un dysfonctionnement du renseignement

Sur place, l'attitude de l'Etat sri-lankais dans les jours précédant les attentats fait l'objet de critiques grandissantes, dans un contexte politique de lutte de pouvoir entre le président et le Premier ministre. L'organisation NTJ avait fait, il y a environ deux semaines, l'objet d'une alerte diffusée aux services de police, selon laquelle elle préparait des attentats-suicides contre des églises, précise le Guardian. Or, d'après le porte-parole du gouvernement, cette alerte n'avait pas été transmise au Premier ministre ou à d'autres ministres de haut rang.

La police est en effet du domaine du président Maithripala Sirisena, en conflit ouvert avec son chef de gouvernement. Il l'avait limogé à l'automne mais avait été forcé de le réinvestir après sept semaines de chaos politique. Les deux têtes de l'exécutif se vouent une animosité réciproque.

Il y a clairement eu une défaillance de la communication de renseignements. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités car si l'information avait été transmise aux bonnes personnes, cela aurait pu permettre d'éviter ou minimiser [ces attaques].

Ruwan Wijewardene

devant la presse

La note d'alerte se basait sur des éléments transmis par "une agence de renseignement étrangère". Un responsable sri-lankais avait affirmé en début de semaine que l'Inde et les Etats-Unis avaient fourni des informations. Les Américains ont démenti mercredi avoir eu des informations préalables. Conséquence de cette crise : le président sri-lankais a annoncé qu'il procéderait dans la journée à "des changements importants" à la tête des forces de sécurité.

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