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Bangladesh : plus de 1000 morts, l'industrie textile en cause ?

L’effondrement de l’immeuble Rana Plaza au Bangladesh, qui abritait des ateliers textiles, a fait au 10 mai 2013 plus de 1000 morts selon le dernier bilan des autorités. Il fait de cet effondrement la pire catastrophe industrielle du pays et rappelle le bilan des grandes catastrophes minières (Courrières en France, 1906, 1099 morts).
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Etiquettes découvertes dans les décombres des ateliers textiles qui se sont effondrés au Bangladesh (AFP/MUNIR UZ ZAMAN)

Cet immeuble de neuf étages, situé à une trentaine de km de Dacca, la capitale, abritait cinq ateliers de confection fournissant notamment les marques britanniques Primark (Associated British Foods) et espagnole Mango.

«Selon le Clean Clothes Campaign, un groupe de défense des ouvriers du textile basé à Amsterdam, le britannique Bonmarché, l'espagnol Corte Inglès et le canadien Joe Fresh ont également confirmé avoir travaillé avec ces ateliers», précisait le journal Métro. D'autres marques ont démenti avoir des sous-traitants dans ces locaux. Un porte-parole de la firme italienne Benetton a déclaré qu'aucun des ateliers de l'immeuble effondré n'était à ce jour un fournisseur. La marque de Carrefour a aussi démenti, tout en affirmant mener une enquête approfondie. Même réponse chez l'Américain Wall Mart.

Lorsqu'il s'est effondré comme un château de cartes au matin du 24 avril,  plus de 3.000 ouvriers étaient au travail alors que des fissures avaient été constatées la veille sur le bâtiment. Une douzaine de personnes ont été arrêtées dans le cadre de l'enquête, dont  le propriétaire de l'immeuble et les propriétaires des ateliers de confection.
 
Ateliers de misère
Ce drame a braqué les projecteurs sur les «ateliers de misère» du secteur textile, pilier de l'économie du Bangladesh , où des ouvriers payés parfois  moins de 30 euros par mois travaillent à des cadences infernales dans des conditions de sécurité largement insuffisantes.  En novembre dernier, un incendie dans une usine textile près de Dacca avait déjà fait 111 morts. Le pays est le deuxième exportateur mondial de textile  (80 % de ses exportations) et cette branche occupe plus de 40 % de la main-d'œuvre du pays. Mercredi 8 mai, le pays a annoncé avoir fermé dix-huit usines textiles pour des raisons de sécurité.
              
Craignant que les marques occidentales ne se détournent de leurs fournisseurs bangladais, le gouvernement a annoncé lundi la mise en place d'une nouvelle commission d'enquête censée inspecter les milliers d'usines textiles à la recherche d'éventuels défauts de construction.
 
Au Bangladesh même, la colère a été palpable. Plusieurs milliers de travailleurs brandissant des banderoles et des drapeaux rouges ont scandé «Pendez les tueurs, pendez les propriétaires d'ateliers» lors de défilés pacifiques organisés dans la capitale, Dacca.

Le drame a eu un écho mondial, la production du pays étant essentiellement destinée à l'exportation vers les pays développés. Au Vatican, le pape François a condamné le «travail d'esclave» des victimes de l'accident, ajoutant sa voix à celle d'organisations de défense des ouvriers qui dénoncent depuis des années leurs conditions de travail.

Dans les pays où des marques ont reconnu sous-traiter dans l'immeuble effondré, les réactions ont aussi été nombreuses. L'Union européenne y achète 60% de ses vêtements et les Etats-Unis un quart des vêtements produits au Bangladesh.

-Grande-Bretagne : fin mars, l'enseigne britannique Primark a annoncé qu'elle s'engageait à «verser des indemnités» aux victimes de l'accident, sans en préciser toutefois le montant. "Cela comprendra la fourniture d'une aide à long terme pour les enfants qui ont perdu leurs parents, une aide financière pour les personnes blessées et des paiements aux familles des défunts", a-t-elle détaillé dans un communiqué. La marque dit également vouloir établir un partenariat avec une ONG locale pour répondre aux besoins immédiats des victimes.

Manifestation en Espagne après la catastrophe au Bangladesh (AFP/LLUIS GENE)

-Espagne : Les mains peintes rouge sang, des membres du syndicat espagnol UGT ont manifesté devant un magasin Mango à  Barcelone pour fustiger la marque qui a reconnu avoir commandé des «échantillons» auprès du Rana Plaza. Les manifestants ont déployé une banderole où était inscrit en lettres rouge sang: «Death, precarity and fashion work» (mort,  précarité et travail dans la mode). La société Mango a adressé un message sur son site Facebook dans laquelle elle «regrette la tragédie» et explique qu’elle impose toujours un audit social à ses sous-traitants. Et que sur ce site, elle n’avait fait faire que des échantillons.

-Etats-Unis : Les Etats-Unis ont reconnu mercredi que des entreprises américaines de vêtements se fournissaient auprès des ateliers de confection textile effondrés.    "Des sociétés qui travaillaient dans cet immeuble semblent avoir des liens  avec de nombreuses entreprises aux Etats-Unis et en Europe et nous continuerons  de discuter avec ces entreprises de la manière dont elles peuvent améliorer les  conditions de travail au Bangladesh", a déclaré le porte-parole du département  d'Etat.  Le diplomate n'a pas voulu désigner ces sociétés, assurant qu' «elles  s'étaient elles-mêmes fait connaître».

-En Allemagne, Adidas affirme lutter contre les mauvaises conditions de travail en proposant  aux employés de ses sous-traitants en Asie de l'informer par SMS sur les conditions de travail. Une expérience qui fonctionnerait déjà dans ses usines indonésiennes et pourrait se développer dans une autre usine de sous-traitance au Vietnam.

De son côté, la chancelière allemande, Angela Merkel, a affirmé que nous devrions «essayer d'obtenir davantage de transparence dans la  production» de textiles, en essayant par exemple de «généraliser ce  qui existe déjà dans le commerce équitable afin de savoir d'où vient ce que je  porte, ce que j'achète».

La concurrence continue
Alors qu'apparaissent des menaces de boycott, le Bangladesh doit réformer son  appareil productif avant que les fashionistas ne renoncent à «porter des robes  tâchées de sang», assure Kalpona Akter, du Centre du Bangladesh pour la  solidarité des travailleurs. Car déjà les autres pays disposant de main d'oeuvre bon marché sont prêts à ramasser la production textile qui quitterait le pays.

Le Vietnam communiste, qui produit pour Zara, Mango ou H&M, témoigne de ce qu'il est possible de disposer de lois du travail «extrêmement fortes» et de salaires décents, dit-elle. Les exportations vietnamiennes de textile, d'une valeur de 3,1 milliards de dollars au premier trimestre 2013, ont augmenté de 18,3% sur un an.

Le Cambodge voisin, où le textile est une source de revenu majeure, combat  pour sa part son image d'atelier clandestin avec l'aide de l'OIT. Des  évanouissements collectifs ont tiré la sonnette d'alarme sur la santé des ouvrières. Des grèves ont eu lieu. Et si, grandes marques et sous-traitants se renvoient les responsabilités, le corps syndical se renforce et le gouvernement négocie.

Quant à la Thaïlande, elle n'est pas exempte de reproches. Mais si les  petits ateliers restent problématiques, les conditions se sont améliorées dans  les grandes structures depuis que l'incendie d'une usine de jouets a fait 188  morts en 1993.

La production de tous ces pays étant souvent destinée aux entreprises occidentales, ce sont ces dernières qui sont sous les projecteurs en cas de catastrophes. Pour Marie-Noëlle Roy, Anthropologue, coordonnatrice de la Coalition québécoise contre les ateliers de misère,  «si ces dernières qui sous-traitent au Sud veulent réellement être prises au sérieux dans leur volonté de se responsabiliser socialement, elles doivent absolument s’engager avec des organismes multipartites qui les obligeront à long terme à respecter les engagements internationaux en matière de droits de la personne et de droits du travail».

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