Confrontation sans concessions entre étudiants et islamistes bangladais
Le mouvement des étudiants bangladais, initié par des blogeurs et sur les réseaux sociaux, se dresse contre les musulmans fondamentalistes qui portent la tâche indélébile d’avoir été du côté de le répression lors de la guerre d’indépendance, en 1971. Le mouvement indépendantiste fut violemment combattu par les forces pakistanaises, auxquels se joignirent les milices islamistes du Jamaat-e-islami. Au moins 300.000 civils ont été tués et des dizaines de milliers de femmes furent violées. Le Bengladesh ne put gagner la guerre que grâce à l’intervention de l’armée indienne.
Solder les comptes du passé
Quarante deux ans après les faits , un tribunal spécial a condamné au début 2013, trois hauts responsables du Jamaat-e-islami pour génocide et crimes contre l’humanité. Neuf autres cadres doivent encore être jugés.
Les étudiants mobilisés indiquent avoir repris la combat de leurs parents, se rassemblant en masse place Sabbagh au cœur de Dacca. Ils demandent l’interdiction du Jamaat-e-islami. Mais le gouvernement de l’Awami League (AL) dirigé par Mme Sheikh Hasina, dont l’idéologie est socialiste et laïque, ne tient guère à heurter de front les islamistes qui pourraient rejoindre le Banglasdesh National Party (BNP), conservateur et proche des valeurs islamiques.
Le 6 avril 2013, les différentes organisations religieuses musulmanes se sont réunies. Quelque 5000.000 militants vêtus de la robe blanche et de la toque traditionnelle ont défilé à quelques kilomètres de la place Sabbagh. Ils réclamaient l’instauration de la peine de mort en cas de blasphème des blogueurs.
Le mouvement islamiste n’est pas représenté que par des foules à l’allure embrigadée. Il compte des élites bien éduquées et riches. Les cadres issus de ce vivier dirigent des hôpitaux, des universités, etc.
La puissance des activistes musulmans
Asif Nazrul, professeur de droit à l’université de Dacca estime que «Si le Jamaat est interdit, tous ses militants se jetteront dans les bras de l’opposition du parti nationaliste (BNP) ».
Le 5 mai 2013, les partisans du Jammaat-e-islami se sont rassemblés à nouveau, pour demander notamment la mise en place de l’éducation religieuse obligatoire et la fin de la mixité entre hommes et femmes dans certains lieux publics.
La confrontation avec les policiers a été violente. Les protestataire religieux ont incendié plus de 150 véhicules, une centaine de commerces ont été ravagés par des flammes. Des policiers et des passants ont été frappés. Les policiers des brigades anti-émeutes ont fait usage de leurs armes. Selon le gouvernement, 32 personnes seraient mortes. Pour le quotidien le plus influent du pays, Prothom Alo, au moins 49 personnes ont été tuées dans les heurts.
Le BNP affirme, lui, que le nombre réel de victimes se compte en «centaines». Le parti au pouvoir, l'Awami League, a rejeté la demande de la rue.
Un défi pour la stabilité du pays
Imran Sarker, un médecin de 29 ans, à l’origine du mouvement des jeunes affirme que «le Jammat s’oppose aux valeurs de l’indépendance, basées sur la tolérance ; il n’a donc aucune légitimité politique ».
Confrontée à cette grave crise politique, illustrant les deux tendances diamétralement opposées de la société, le gouvernement de Sheikh Hasina a lâché du lest dans le drame qui a endeuillé le pays, l’effondrement de la tour abritant des ateliers de confection qui a fait plus de 800 morts. Dacca a annoncé la fermeture de seize usines à Dacca et deux à Chittagong, la deuxième ville de l’ancien Pakistan oriental. "Nous avons constaté que ceux qui prétendent avoir les usines les plus aux normes au Bangladesh n'ont pas totalement respecté les règles de construction", a indiqué le ministre du textile.
Eviter le collapsus du pays, coincé entre le courant moderniste et une poussée de fanatisme est une toute autre gageure.
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