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El Niño : incertitudes sur le retour du «satané gamin»

Malgré des prévisions alarmistes au début de l’été, suivies d’un retour en arrière, aucun organisme n’est encore capable de prévoir avec certitude l’arrivée d’ El Niño cet hiver. L'Amérique du Nord, assoiffée après trois ans de sécheresse, l'appelle de ses vœux tandis que d'autres régions tremblent.
Article rédigé par Titouan Lemoine
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Carte des températures des eaux dans l'océan Pacifique lors du dernier «super-El Nino», en 1997. En rouge, les eaux chaudes transportées dans l'est du Pacifique, tandis que l'Ouest est trop froid pour la saison. (Commons)

El Niño est un phénomène climatique dont les mécanismes sont bien connus, mais toujours difficiles à prévoir. Cette phase du système ENSO (El Niño Southern Oscillator) est caractérisée par un glissement vers l'Est des eaux chaudes du Pacifique, qui provoque des évènements climatiques importants à l’échelle du Globe : pluies diluviennes en Amérique, moussons imprévisibles et typhons en Asie. Le phénomène se déclare généralement autour de Noël, ce qui lui vaut son nom, El Niño évoque l’enfant Jésus.

 
Les conséquences d’El Niño peuvent être dévastatrices pour les pays côtiers du Pacifique. En 1998, un «super-El Niño» ravage l’Amérique du Sud. The Economist écrit : «Il a balayé routes et ponts, maisons et fermes, vies et modes de vie. Il a créé un grand lac dans un désert du nord-Pérou et ruiné les pêcheries du Chili (…). Dans l’ensemble, il a tué au moins 900 êtres humains et des centaines de milliers de têtes de bétail. Il a frappé les économies d’au moins 20 milliards de dégâts.»

Le «satané gamin» (la formule est toujours de The Economist) aurait même un impact sur les guerres civiles. Une étude publiée en 2011 dans la prestigieuse revue Nature suggère que les années d’El Niño voient la probabilité d’un conflit civil doubler (de 3 à 6%) dans les pays tropicaux affectés et estime que 21% des conflits civils mondiaux ont été au moins partiellement causés par les variations du système ENSO.

Des habitants de la ville de Portoviejo (Equateur) tentent de traverser une rivière, alors que le pont qui la surplombait a été détruit par le phénomène El Niño. (ALICIA SMITH \ AFP)

Au début de l’été, les indicateurs faisaient craindre le retour d’un «super-El Niño». Le phénomène se déclenche tous les 15 ans, et commence à être en retard. Heureusement, le Pacifique s’est calmé et ses eaux se sont refroidies. Aujourd’hui, les satellites de la NASA et les climatologues sont formels : si El Niño se déclenche en 2014 (les chances sont estimées à 50%), il sera assez faible.
 
De quoi apaiser les inquiétudes, mais pas de les faire disparaître complètement. Asia Sentinel note que le marché du riz, principal indicateur économique agricole en Asie, est en pleine attente. Les traders attendent avec anxieté des nouvelles plus définitives du climat. Toutefois, la région n'est plus menacée de famine en cas de mauvaises récoltes. Depuis les dernières tourmentes climatiques, la plupart des pays ont subventionné de conséquentes réserves agricoles pour faire face à une mauvaise mousson.

Un fond d'urgence 
Même chose en Amérique du Sud, ou la leçon de 1998 a porté. Le Pérou, la Bolivie ou le Chili disposent à présent de fonds d’urgence bien pourvus, sur lesquels ils veillent jalousement. Comme le note le chroniqueur Ballo, la capacité de la région a endurer un El Niño de moyenne puissance pourrait témoigner de ses progrès et de ses perspectives en cas de nouveau «super-El Niño».

Des pontons posés sur le lit asséché du lac Huntington, réduit à 30% de sa capacité normale après 3 ans de sécheresse consécutive. (MARK RALSTON \ AFP)
 
Mais toutes les régions Pacifique ne craignent pas El Niño. Certaines l’appellent même de leurs vœux. Les fermiers du sud des Etats-Unis ont désespérément besoin d’un des hivers pluvieux caractéristiques du phénomène. Après trois ans de sécheresse continue, les réserves en eau de la Californie ou de l’Arizona sont au plus bas. Pour les fermiers locaux, l’incertitude domine toujours, à tel point que le San Diego Union Tribune s’est amusé à en faire un concours. «Sécheresse ou El Niño?», demande le quotidien en invitant ses lecteurs à parier sur la pluviométrie de l’année. Le plus proche de la solution peut remporter un week-end au ski. Avec ou sans neige?

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