La Chine, atelier mondial du Père Noël
Implantée dans une région où il ne neige pas et où les sapins ne poussent pas, la véritable fabrique de Noël fourmille à des milliers de kilomètres du Pôle Nord. A 300 kilomètres au sud de Shanghai plus précisément, dans la province chinoise de Zhejiang, la ville de Yiwu fabriquerait, selon l’agence de presse Xinhua, plus de 60% des décorations de Noël vendues dans le monde. Les ouvriers des 600 usines de ce «village de Noël» sont principalement des travailleurs migrants, œuvrant une douzaine d’heures par jour, contre 250 à 400 euros mensuels.
Harassés et poudrés de rouge pourpre, les lutins chinois de ces ateliers de confection ne savent pas toujours ce que Noël peut bien vouloir dire. «Ça doit être une sorte de Nouvel An chinois pour les étrangers», se hasarde Wei, ouvrier de 19 ans, interrogé par le journaliste Oliver Wainwright du Guardian. Venu faire la saison à Yiwu avec son père, Wei est originaire de la province rurale du Guizhou. Ensemble, ils colorent manuellement des milliers de flocons de polystyrène par jour. Pour se prémunir des poussières toxiques et des odeurs de plastique brulé, ils utilisent quotidiennement jusqu’à dix masques de protection différents.
Célébrer Noël en terre communiste
Culturellement parlant, la place prise par le premier marché libre de l’histoire de Chine est parlante. Vingt-trois ans après son ouverture en 1982, le marché de Yiwu a été reconnu par l’ONU comme étant le plus grand marché de gros de petites marchandises du monde. Sur les cinq districts que compte ce marché, deux sont dédiés à la vente au détail d’articles de Noël. Près de 40.000 visiteurs s’y pressent chaque jour, et virevoltent autour des 400.000 produits de Noël proposés.
Produit phare de cette économie chinoise, le Père Noël, figure popularisée aux Etats-Unis au XIXe siècle, fait grincer quelques dents. Il y a cinq ans, une pétition emmenée par les enseignants de la prestigieuse université pékinoise de Tsinghua demandait qu’on cesse de glorifier cette icône et cette fête «commerciales et importées d’Occident».
Dans les faits, en Chine, Noël est souvent dissocié de son origine religieuse, à savoir la naissance de Jésus de Nazareth. Banni dans les premières décennies du communisme, le christianisme compte désormais dix millions d’adeptes dans le pays. Mais, dans la première puissance économique du monde, «le père Noël est plus connu que Jésus», souligne The Economist. Pour un nombre croissant de jeunes Chinois, célébrer Noël est davantage synonyme d’illuminations et d’échanges de cadeaux à l’occasion, par exemple, d’un repas ou d’une soirée entre collègues ou amis.
Une frénésie consumériste... et patriotique
Preuves de l'ancrage de Noël en Chine, des Pères Noël ambulants proposent par exemple du canard laqué dans les rues de la capitale. La chaîne Quanjude, qui sert ce plat traditionnel aux Pékinois depuis les empereurs de la dynastie des Qing, en a embauché toute une armée à l’approche des fêtes. Autre symbole fort, la ville de Chengdu ouvrira en 2016 le premier «SantaPark» de toute l’Asie, un parc d’attractions géant déjà surnommé «la maison officielle du Père Noël».
Dans ce véritable folklore consumériste, les géants de l’Internet ont flairé le filon. Là encore, la Chine tient le haut du marché. Sur Alibaba.com, par exemple, qui est le premier marchand en ligne au monde devant Amazon, on peut commander plus de 1,4 million de décorations de Noël différentes. Soit un million d’articles de plus qu’au marché de Noël de Yiwu. «Un clic et c’est chez vous», promet le site.
Lot de consolation pour les détracteurs chinois de Noël, le Père Noël devient même un outil de propagande patriotique, puisque l’une des boutiques en ligne les plus connues de Chine, Jingdong, propose de livrer ses articles de Noël… jusque sur les très disputées îles Senkaku !
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