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Pakistan : «Zinda Bhaag», film de Lollywood sur l’immigration des jeunes
Sorti en 2013, Zinda Bhaag, de Meenu Gaur et Farjad Nabi, est le premier film pakistanais à avoir été sélectionné aux Oscars en… 50 ans. Il raconte la galère de trois jeunes de la classe moyenne, qui cherchent à se faire une place au soleil à Lahore. Pour eux, la seule solution est d’émigrer en Europe. Le film change le regard habituel porté en Occident sur le Pakistan. Rencontre avec les auteurs.
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Zinda Baagh, titre en pendjabi traduit en anglais par «Run for Life» («Cours pour sauver ta vie»), a été projeté à Paris en février 2015 dans le cadre du Festival du film d’Asie du sud transgressif. Le film aborde la question de l’émigration vers l’Europe occidentale, problème qui déchire la société pakistanaise. En 2011, près de 15.000 jeunes Pakistanais auraient ainsi cherché à gagner clandestinement le Vieux continent.
D'une manière générale, «les réalisateurs pakistanais indépendants sont fatigués de la manière unilatérale dont leurs compatriotes sont représentés (en terroristes, en poseurs de bombe (… ) sur les écrans occidentaux. Ils se mettent à raconter d’autres histoires, plus sophistiquées», explique un article du New York Times. Et à «dresser des portraits plus nuancés» de leur pays.
Meenu Gaur et Farjad Nabi racontent l’histoire de trois jeunes de Lahore qui cherchent à échapper à leur quotidien et ne rêvent que d’une seule chose : quitter le pays. Empêtrés dans leurs difficultés quotidiennes, ils sont prêts à tout pour y parvenir. Ils font falsifier leurs passeports, passent les frontières en clandestins. Quitte à en mourir.
On découvre ainsi dans ce film à la fois grave, léger (ah, ces chansons et ces danses !) et plein d’humour, une réalité sombre, à mille lieux des préjugés sur le Pakistan… Là, la religion est présente. Mais pas omniprésente. Les femmes ne sont pas voilées. Certaines, à qui leurs familles désargentées cherchent désespérément un mari, passent la journée à regarder la télévision. Tandis qu’une autre, aimée de l’un des trois garçons, crée, courageusement, une affaire de savons appelée… Facelook. La preuve que l’on peut s’en sortir en restant au pays.
Qu’avez-vous voulu montrer dans votre film ?
Farjad Nabi
Meenu et moi, nous avons voulu raconter une histoire authentique avec des personnages qui s’ancrent dans la réalité. Il s’agit de faits d’immigration illégale que nous ont racontés nos amis et des membres de nos familles. Le scénario a également été inspiré par un article écrit par notre producteur, Mazhar Zaidi, après le naufrage d’un navire au large des côtes grecques. Il s’est rendu dans le village où étaient ramenés les corps des jeunes hommes morts lors du drame. C’était effrayant et nous a conduits à nous demander pourquoi des jeunes prennent des risques aussi importants pour vivre en Occident. Quand on nous a commandé un projet de film sur le thème de la «masculinité», nous avons senti que ce fait divers pourrait être le cadre idéal dans lequel développer le scénario.
«Zinda Bhaag» est sous-titré en anglais. Vous voulez donc vendre votre film dans les pays occidentaux. S’agissait-il pour vous de leur montrer une autre face de la réalité pakistanaise qui ne se résume pas à l’islamisme, au terrorisme etc ?
Farjad Nabi
Nous étions sûrs d’une chose : nous voulions nous éloigner des récits habituels de violences géopolitiques et d’extrémisme religieux. Nous voulions faire un film très réel sur des gens réels au Pakistan. Le premier pays où le film est sorti, c’est le Pakistan, et il y est resté huit semaines sur les écrans. Après, il est sorti aux Etats-Unis et aux Emirats Arabes Unis. Le film n’est pas seulement le premier film pakistanais à être nommé aux Oscars en 50 ans. Il a été projeté dans plusieurs festivals internationaux. On le montre sur des plate-formes VOD comme iTunes et Netflix. Il n’a pas été conçu pour un public particulier mais a su trouver peu à peu son public à travers le monde.
Le problème de l’immigration des jeunes représente-t-il un réel problème de société au Pakistan? Concerne-t-il une groupe social particulier, ou toute la société?
Farjad Nabi
Selon les statistiques les plus récentes, un demi-million de Pakistanais, ou presque, ont été expulsés des pays occidentaux au cours de ces cinq dernières années, ou un peu plus. C’est un chiffre considérable et il transcende les divisions sociales. Pour autant, au Pakistan, cela n’est pas considéré comme un problème. On perçoit plus l’affaire comme une prise de risque pour mener une vie meilleure. Au cours de nos recherches, nous avons découvert que le fait d’émigrer est presque un rite de passage auquel les jeunes hommes doivent se soumettre.
Vous allez à contre-courant de la manière dont les Européens perçoivent souvent les immigrés…
Meenu Gaur
A mon avis, la plupart des films sur l’immigration racontent l’histoire de l’«expérience» que représente le fait de quitter son pays, c'est-à-dire l’histoire du voyage ou les difficultés de l’immigrant dans le pays d’accueil. Zinda Baagh est unique dans la mesure où il essaye de raconter l’histoire de l’immigration en amont, avant que le préposé au départ ne s’embarque dans ce voyage. Le film cherche à comprendre les aspirations, besoins, désirs et désespoirs qui le poussent à partir.
Dans «Zinda Baagh», on peut entendre une chanson inspirée d’un texte révolutionnaire rédigé par Faid Ahmed Faiz? Pourquoi?
Farjad Nabi
Faiz Ahmed Faiz est le principal poète révolutionnaire pakistanais. Sa chanson Hum Dekhenge (Nous verrons) a inspiré des générations de Pakistanais. C’est un peu le We shall overcome pakistanais. Mais, par ironie du sort, ce sont les riches et l’élite, contre qui la chanson a été écrite, qui se sont approprié Hum Dekhenge et qui la chantent dans leurs réceptions (ce que nous appelons des mehfils). Le passage du film auquel vous faites allusion est une critique des riches et un moyen d’utiliser une puissante source d’inspiration.
D'une manière générale, «les réalisateurs pakistanais indépendants sont fatigués de la manière unilatérale dont leurs compatriotes sont représentés (en terroristes, en poseurs de bombe (… ) sur les écrans occidentaux. Ils se mettent à raconter d’autres histoires, plus sophistiquées», explique un article du New York Times. Et à «dresser des portraits plus nuancés» de leur pays.
Meenu Gaur et Farjad Nabi racontent l’histoire de trois jeunes de Lahore qui cherchent à échapper à leur quotidien et ne rêvent que d’une seule chose : quitter le pays. Empêtrés dans leurs difficultés quotidiennes, ils sont prêts à tout pour y parvenir. Ils font falsifier leurs passeports, passent les frontières en clandestins. Quitte à en mourir.
On découvre ainsi dans ce film à la fois grave, léger (ah, ces chansons et ces danses !) et plein d’humour, une réalité sombre, à mille lieux des préjugés sur le Pakistan… Là, la religion est présente. Mais pas omniprésente. Les femmes ne sont pas voilées. Certaines, à qui leurs familles désargentées cherchent désespérément un mari, passent la journée à regarder la télévision. Tandis qu’une autre, aimée de l’un des trois garçons, crée, courageusement, une affaire de savons appelée… Facelook. La preuve que l’on peut s’en sortir en restant au pays.
Qu’avez-vous voulu montrer dans votre film ?
Farjad Nabi
Meenu et moi, nous avons voulu raconter une histoire authentique avec des personnages qui s’ancrent dans la réalité. Il s’agit de faits d’immigration illégale que nous ont racontés nos amis et des membres de nos familles. Le scénario a également été inspiré par un article écrit par notre producteur, Mazhar Zaidi, après le naufrage d’un navire au large des côtes grecques. Il s’est rendu dans le village où étaient ramenés les corps des jeunes hommes morts lors du drame. C’était effrayant et nous a conduits à nous demander pourquoi des jeunes prennent des risques aussi importants pour vivre en Occident. Quand on nous a commandé un projet de film sur le thème de la «masculinité», nous avons senti que ce fait divers pourrait être le cadre idéal dans lequel développer le scénario.
«Zinda Bhaag» est sous-titré en anglais. Vous voulez donc vendre votre film dans les pays occidentaux. S’agissait-il pour vous de leur montrer une autre face de la réalité pakistanaise qui ne se résume pas à l’islamisme, au terrorisme etc ?
Farjad Nabi
Nous étions sûrs d’une chose : nous voulions nous éloigner des récits habituels de violences géopolitiques et d’extrémisme religieux. Nous voulions faire un film très réel sur des gens réels au Pakistan. Le premier pays où le film est sorti, c’est le Pakistan, et il y est resté huit semaines sur les écrans. Après, il est sorti aux Etats-Unis et aux Emirats Arabes Unis. Le film n’est pas seulement le premier film pakistanais à être nommé aux Oscars en 50 ans. Il a été projeté dans plusieurs festivals internationaux. On le montre sur des plate-formes VOD comme iTunes et Netflix. Il n’a pas été conçu pour un public particulier mais a su trouver peu à peu son public à travers le monde.
Le problème de l’immigration des jeunes représente-t-il un réel problème de société au Pakistan? Concerne-t-il une groupe social particulier, ou toute la société?
Farjad Nabi
Selon les statistiques les plus récentes, un demi-million de Pakistanais, ou presque, ont été expulsés des pays occidentaux au cours de ces cinq dernières années, ou un peu plus. C’est un chiffre considérable et il transcende les divisions sociales. Pour autant, au Pakistan, cela n’est pas considéré comme un problème. On perçoit plus l’affaire comme une prise de risque pour mener une vie meilleure. Au cours de nos recherches, nous avons découvert que le fait d’émigrer est presque un rite de passage auquel les jeunes hommes doivent se soumettre.
Vous allez à contre-courant de la manière dont les Européens perçoivent souvent les immigrés…
Meenu Gaur
A mon avis, la plupart des films sur l’immigration racontent l’histoire de l’«expérience» que représente le fait de quitter son pays, c'est-à-dire l’histoire du voyage ou les difficultés de l’immigrant dans le pays d’accueil. Zinda Baagh est unique dans la mesure où il essaye de raconter l’histoire de l’immigration en amont, avant que le préposé au départ ne s’embarque dans ce voyage. Le film cherche à comprendre les aspirations, besoins, désirs et désespoirs qui le poussent à partir.
Dans «Zinda Baagh», on peut entendre une chanson inspirée d’un texte révolutionnaire rédigé par Faid Ahmed Faiz? Pourquoi?
Farjad Nabi
Faiz Ahmed Faiz est le principal poète révolutionnaire pakistanais. Sa chanson Hum Dekhenge (Nous verrons) a inspiré des générations de Pakistanais. C’est un peu le We shall overcome pakistanais. Mais, par ironie du sort, ce sont les riches et l’élite, contre qui la chanson a été écrite, qui se sont approprié Hum Dekhenge et qui la chantent dans leurs réceptions (ce que nous appelons des mehfils). Le passage du film auquel vous faites allusion est une critique des riches et un moyen d’utiliser une puissante source d’inspiration.
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