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Procès des Khmers rouges: des femmes mariées de force racontent leur calvaire
Le 23 août 2016, les langues se sont déliées au tribunal spécial de Phnom Penh, chargé de traduire en justice les anciens dirigeants khmers rouges encore en vie. Les juges se penchaient, pour la première fois, sur l'une des violations des libertés restées les plus secrètes sous Pol Pot: les mariages de masse forcés. Censés stimuler la natalité, ils furent imposés à 250.000 couples cambodgiens.
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Même près de quarante ans après, le sujet reste tabou. Une Cambodgienne, dont l’identité n'a pas été révélée, a livré pour la première fois son calvaire: «Ils nous ont forcés à nous marier» lors d'une cérémonie collective sinistre avec douze autres couples, a-t-elle raconté devant les juges. Dès son union actée avec un milicien khmer rouge, de 20 ans son aîné, raconte-t-elle, celui-ci «a voulu (la) violer. Mais je lui ai résisté. Alors, il s'est plaint auprès de son chef, Phann, lequel m'a convoquée», a-t-elle poursuivi.
Ce dernier l’a violée «sous la menace d'un pistolet», avant de la renvoyer à son mari. Fin 1978, elle accouchait d'une petite fille.
Celui qui lui a succédé à la barre, est âgé de 75 ans. Il est transexuel. Sou Sotheavy raconte que les Khmers rouges l'ont forcé à épouser une camarade de camp de travail. «Vers six-sept heures du soir, ils nous ont demandé de nous mettre en rang... Ils nous ont annoncé que la population du Cambodge n'allait pas bien et que nous devions nous marier pour repeupler le pays», a-t-il ajouté.
Obligation de «consommer» le mariage
Le fait de refuser de se marier ou même d'avoir des relations sexuelles mettait en danger le couple qui risquait d'être exécuté. «Nous avons dû copuler pour survivre», a encore expliqué Sotheavy, racontant que des gardes surveillaient les nouveaux mariés dans les camps pour s'assurer que le mariage était bien «consommé».
Organisés par le régime de Pol Pot, entre 1976 et 1979, «les mariages forcés s’accompagnaient de viols», selon le Centre de documentation du Cambodge (DC-Cam). Ces crimes figurent parmi les moins connus, mais ont néanmoins affecté un demi-million d’hommes et de femmes dans le cadre d'un plan visant à stimuler la natalité du pays.
Une pratique imposée aux 14-20 ans
En 2011, je journal Libération expliquait que «ce n'est qu'après une enquête pour retrouver les victimes et la soumission de centaines de dossiers pour devenir partie civile que les procureurs ont modifié, en avril 2009, leur réquisitoire pour inclure le mariage forcé» qui s'appliquait à tous ceux qui avaient entre 14 et 20 ans.
Seuls Nuon Chea et Khieu Samphan, deux anciens dignitaires du régime de Pol Pot encore en vie, comparaissent pour les crimes des Khmers rouges qui ont coûté la vie à deux millions de Cambodgiens, soit un quart de la population. Ces deux accusés octogénaires ont déjà été condamnés à la prison à vie pour crimes contre l'humanité lors d'un premier procès. Ce deuxième procès, qui a débuté en juillet 2014, doit prendre fin en 2016. Le verdict est attendu fin 2017.
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