Au Cameroun aussi, Boko Haram fait trembler la population
Balles perdues et enseignants menacés : « le danger est permanent » au lycée de Fotokol. L’année scolaire est sur le point de s’achever et dans la cour, les élèves semblent impatients de récupérer leurs bulletins de scolarité pour quitter au plus vite l’établissement. « Quand on est en classe, on a toujours un œil qui guette du côté de la fenêtre. On n’est jamais totalement concentré parce que nous avons peur », raconte Boris Bouba, étudiant de 20 ans. « Le danger est permanent », insiste-t-il.
Côté administration, les mêmes craintes. Le proviseur, Jena-Félix Nyioto, témoigne : « Nous vivons sur le qui-vive avec des lendemains incertains. A tout moment, les armes crépitent de l’autre côté, mais aussi de temps en temps ici ». « L’autre côté », c’est Gamboru, petite ville nigériane ravagée début mai par Boko Haram. Ce jour-là, les islamistes, arrivés en masse, ont tiré sur la foule, tuant au moins 300 personnes.
A Fotokol, les visages sont crispés. Gamboru n’est qu’à une centaine de mètres du lycée camerounais, de l’autre côté d’une petite rivière qui marque la frontière entre les deux pays.Une frontière de plus de 2000 km, au cœur d’une région qui subit de plus en plus d’attaques ciblées des islamistes armés. Une situation qui a conduit les hautes autorités camerounaises à déployer un impressionnant dispositif militaire dans le secteur, devenu la cible d’attaques sanglantes et d’enlèvements d’Occidentaux répétés, mais aussi une plaque tournante du trafic d’armes destiné à Boko Haram.
Au total, près de 3 000 soldats et gendarmes doivent être mobilisés dans les prochaines semaines. Déjà, le long des principaux axes comme sur les routes secondaires, de petits groupes de militaires patrouillent à bord de blindés. Fouilles de voitures, vérification des pièces d’identité des passagers : « nous recherchons des armes, des munitions, de la drogue », explique un militaire. Dans les airs, des avions de combats et des hélicoptères sillonnent le ciel.
De récentes mesures prises par le gouvernement, pas moins attendues par la population qui craint que Boko Haram ne s’installe de leur côté de la frontière. Selon les propos de Yannick Ebosse, journaliste camerounais, un certain Nur, camerounais, serait « pressenti pour devenir le successeur d’Aboubakar Shekau à la tête de la secte » et n’aurait « aucune difficulté à se faire des alliés » sur le sol camerounais. « Le Cameroun, considéré depuis des mois déjà comme base arrière de cette secte n’a pris aucune mesure sécuritaire pour empêcher la pleine installation de celle-ci sur son sol », explique-t-il.
Dans les villes frontalières telles que Fotokol, on croise désormais des dizaines de soldats du Bataillon d’intervention rapide (BIR), une unité d’élite de l’armée camerounaise spécialisée dans la lutte contre le terrorisme. Objectif de l’opération : « fermer la route aux terroristes et tenir la frontière pour que les Boko Haram devenus gênants au Nigéria ne se réfugient pas ici » assure un responsable de la gendarmerie pour qui « les données sont en train de changer ».
Il y a quelques jours, une trentaine de Nigérians en situation irrégulière suspectés d’appartenir à Boko Haram ont été interpellés et remis aux autorités nigérianes, signe que le Cameroun ne reste plus inactif.
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