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Boom de l'alya des juifs français : un retour en Israël pas toujours facile

Ils sont des dizaines de milliers à y penser en France et, en 2014, ce sont 7.000 juifs français qui sont "montés" en Israël. Du jamais vu depuis la création de l’État hébreu en 1948. Les attentats des dernières semaines risquent d'aggraver ce phénomène. Au point que les autorités israéliennes s'inquiètent de voir arriver des gens non préparés, alors que l'alya est une démarche difficile.
Article rédigé par Sébastien Laugénie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (7.000 juifs français sont "montés" l'an dernier en Israël. Du jamais vu depuis la création de l'Etat hébreu en 1948. © MaxPPP)

L'AMI, l'Alya & Meilleure Intégration est aujourd'hui une association débordée. Comme beaucoup d'autres associations d'aide aux nouveaux immigrants français, elle ne cesse de recevoir des coups de téléphone depuis l'attentat contre le supermarché Hypercasher de la porte de Vincennes à Paris. Des juifs de France angoissés prêts à partir dans l'urgence. C'est la première fois qu'Avi Zana, le directeur de l'AMI, constate un tel affolement.

"Nous avons reçu des coups de fil très nombreux ces derniers jours, de gens qui ont peur, qui disent 'que dois-je faire ? Peut-être que je vais partir', sans vraie préparation".

Une alya de la peur chez les juifs français

Il existe donc aujourd'hui une véritable alya de la peur chez les Français. Ceux qui ont décidé de partir n'ont pas toujours été directement victimes d'actes antisémites, mais ils ne supportaient plus ce qu'ils appellent un climat, un environnement. C'est en tout cas ce que raconte cette mère de famille, Sabrina Hattab. Elle est arrivée il y a 8 ans après la mort du jeune Ilan Halimi. Elle tient aujourd'hui un discours très sévère à l'égard de la population musulmane de France.

"La France d'avant n'est plus la France d'aujourd'hui, malheureusement. Aujourd'hui la France est devenue un pays arabe et pas un pays français. J'encourage tous les juifs de France à monter en Israël parce que leur place c'est ici, c'est notre maison. C'est là où on a notre sécurité, notre armée. J'espère pour eux que tout ça ne sera qu'un cauchemar et qu'ils vont remonter ".

Ce discours radical est assez répandu dans la communauté juive française vivant en Israël. Discours partagé par l'actuel gouvernement, Benjamin Netanyahu en tête, qui appelle ainsi les juifs de France à venir trouver refuge en terre Sainte.

Nuancer ce message alarmiste

Toutefois, beaucoup d'anciens immigrants tentent aussi de contrebalancer ce message alarmiste et de dissuader les candidats au départ pris de panique. Sami est arrivé à Tel Aviv il y a 30 ans.

"Celui qui veut monter en Israël monte. C'est une volonté personnelle, elle ne doit pas être influencée par l'environnement. Ce n'est pas la peur qui doit le faire monter en Israël, parce que son alya va être loupée, elle sera mauvaise. Le pays est très dur à vivre, mais par contre nous vivons en pleine liberté ".

Cette mise en garde, on la retrouve aussi dans la bouche des institutions chargées de l'accueil des nouveaux immigrants. Ainsi, contrairement au gouvernement israélien, l'agence juive, elle, est beaucoup plus prudente sur cette nouvelle alya française. Yigal Palmor en est le porte-parole.

"Il ne faut surtout pas agir hâtivement. L'expatriation, la alya est un processus compliqué qui se prépare"

"Il faut évidemment l'apprentissage de la langue. Quand un Français vient s'installer, s'il ne parle pas l'hébreu, ça ne va pas être la vie en rose. Pour s'insérer dans le monde du travail, pour trouver un emploi, pour faire des études, il faut connaître la langue. Il faut savoir qu'il va falloir attendre et peut-être même galérer pendant quelques années. Il faut vraiment le vouloir pour réussir ".

Les cas d'échecs de l'alya ne sont pas rares

Il n'existe aucun chiffre officiel. L'agence juive ne comptabilise pas les yerida,  la descente d'Israël. Mais on peut estimer ces retours à au moins 10 ou 15% des immigrants, souvent pour des raisons professionnelles : pas de 35 heures, des salaires deux fois plus bas qu'en France. Mais aussi pour des raisons culturelles, comme le dit Avi Zana de l'association Alya & Meilleure Intégration.

"C'est très important de parler avec vos voisins, d'avoir des amis, d'aller au café, d'avoir une vie, de ne pas forcément vivre dans un ghetto francophone. Donc cette dimension de l'adaptation à la culture et à la langue israélienne est parfois un écueil important qui pousse parfois les gens à se dire : 'j'adore ce pays, j'ai tenté d'y vivre, mais ça ne me va pas '".

Pour tenter d'améliorer l'insertion des Français en Israël, l'Etat hébreu a lancé l'an passé un plan d'aide aux nouveaux immigrants de l'hexagone : reconnaissance de diplôme, équivalence universitaire. Avec le but de doubler encore l'alya française en 2015.

Le boom de l'alya des juifs français. Reportage de Sébastien Laugénie, correspondant de France Info à Jérusalem
 

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